actions soient indignes de la première partie de sa carrière. De 1860 à 1866, il semble avoir abandonné petit à petit toute retenue, au point de se rendre remarquable par sa luxure et ses cruautés inutiles. Ses principales guerres, pendant la seconde période, furent dirigées contre Dejatch Goscho-Beru, gouverneur de Godjam, contre Dejatch-Oubié, qu'il vainquit, ainsi que nous l'avons déjà raconté à la bataille de Deraskié, et enfin contre les Wallo-Gallas. Toutefois, il se montra encore magnanime, et bien qu'il fit prisonniers plusieurs chefs importants, il leur promit de les relacher aussit?t que son empire serait entièrement pacifié.
En 1860, il marcha contre son cousin Garad, le meurtrier du consul Plowden, et il eut les honneurs de la journée; mais il perdit son meilleur ami et son conseiller, M. Bell, qui sauva la vie de l'empereur en sacrifiant la sienne. En janvier 1861, Théodoros s'avan?a avec des forces accablantes contre un puissant rebelle, Agau Négoussié, qui s'était rendu ma?tre de tout le nord de l'Abyssinie; par son habile et intelligente tactique, il abattit son adversaire, mais il ternit sa victoire par d'horribles cruautés et par des violations de la foi jurée. Il fit couper les pieds et les mains à Agau Négoussié, et quoique celui-ci ait souffert encore bien des jours, le cruel empereur lui refusa toujours une goutte d'eau pour rafra?chir ses lèvres enfiévrées. Sa cruelle vengeance ne s'arrêta pas là. Plusieurs des chefs compromis, qui s'étaient soumis sur la promesse solennelle d'une amnistie, furent livrés aux mains du bourreau ou envoyés chargés de cha?nes pour languir toute leur vie dans quelque prison de province. Pendant près de trois ans, l'autorité de Théodoros fut reconnue par tout le pays. Une petite poignée de rebelles s'étaient bien levés ici et là, mais à l'exception de Tadla Gwalu, qui ne put être chassé de sa forteresse, dans le sud du Godjam, tous les autres ne furent que de peu d'importance et ne troublèrent nullement la tranquillité de son règne.
Quoique conquérant et doué du génie militaire, Théodoros fut mauvais administrateur. Pour attacher de nouveaux soldats à sa cause, il leur prodigua d'immenses sommes; il fut alors forcé d'imposer à ses sujets des imp?ts exorbitants, épuisant ainsi le pays de ses dernières ressources, afin de satisfaire ses rapaces compagnons. A la tête d'une puissante armée, effrayé à la pensée de congédier tous ses hommes, il se sentit entra?né à étendre ses conquêtes. Le rêve de ses plus jeunes ans devint une idée fixe, et il se crut appelé de Dieu à rétablir, dans sa première grandeur, le vieil empire éthiopien.
Il ne pouvait toutefois oublier qu'il était incapable de se battre, avec les forces dont il disposait, contre les troupes bien armées et disciplinées de ses ennemis; il se souvenait trop bien de sa défaite à Kédaref; il songea donc à obtenir ce qu'il désirait par la diplomatie. Il avait appris par M. Bell, M. Plowden et d'autres étrangers, que la France et l'Angleterre étaient fières de la protection qu'elles accordaient aux chrétiens dans toutes les parties du monde. Il écrivit alors aux souverains de ces deux pays, les invitant à se joindre à lui dans une croisade contre la race musulmane. Quelques passages choisis de sa lettre à la reine d'Angleterre prouveront l'exactitude de cette assertion: ?Par son pouvoir (le pouvoir de Dieu), j'ai réduit les Gallas. Mais quant aux Turcs, je leur ai enjoint de quitter le pays de mes ancêtres. Ils refusent.? Il mentionne la mort de M. Plowden et de M. Bell, et il ajoute: ?J'ai exterminé leurs ennemis (ceux qui avaient tué ces deux messieurs). Par la puissance de Dieu, ce qui me reste à gagner: c'est votre amitié.? Il conclut en disant: ?Voyez combien les mahométans oppriment les chrétiens!?
L'armée de Théodoros à cette époque était composée de cent à cent cinquante mille hommes, et si l'on compte quatre serviteurs par soldat, son camp devait se composer environ de cinq à six cent mille personnes. En admettant que la population de l'Abyssinie f?t de 3 millions d'ames, il fallait donc qu'un quart de cette population f?t payée, nourrie, vêtue par le reste des habitants.
Pendant quelques années, le prestige de Théodoros était tel, que cette terrible oppression fut tranquillement acceptée; à la fin cependant les paysans, à moitié affamés et à demi-vêtus, trouvant qu'avec tous leurs sacrifices ils étaient loin de satisfaire à l'accroissement journalier des exigences d'un si terrible ma?tre, abandonnèrent leurs plaines fertiles, et, sous la conduite de quelques-uns des chefs qui restaient encore, ils se retirèrent sur les plateaux élevés ou s'enfermèrent dans des vallées perdues. A Godjam, Walkait, Shoa et dans le Tigré, la rébellion éclata simultanément. Théodoros avait abandonné depuis quelque temps son idée de conquête à l'étranger, et il avait fait tout son possible pour écraser l'esprit de rébellion de son peuple. Tandis que les
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