avaient un caractère religieux, et il était profondément pénétré de l'idée, que la race musulmane ayant, depuis des siècles, empiété sur les pays chrétiens, le but de sa vie devait être désormais le rétablissement de l'ancien empire d'Ethiopie. Sollicité à la fois par son ambition et son fanatisme, il s'avan?a dans la direction de Kédaref, à la tête de 16,000 guerriers; mais il connut bient?t la supériorité d'une petite troupe bien armée et bien conduite, sur de nombreuses bandes indisciplinées. Près de Kédaref, il se trouva face à face avec ses mortels ennemis, les Turcs, qui n'étaient qu'une poignée, mais encore trop nombreux pour lui; car, au premier choc, ses soldats furent démoralisés et battus. Il dut, pour quelque temps au moins, renoncer à son rêve chéri.
Au lieu de retourner au siège du gouvernement, il fut obligé, à cause d'une grave blessure re?ue pendant le combat, de s'arrêter sur les frontières du Dembea. De son camp, il informa sa belle-mère de l'état dans lequel il se trouvait, la priant de lui envoyer une vache (salaire exigé par les docteurs abyssiniens). Waizero Menen, qui avait toujours détesté Kassa, saisit avec empressement l'occasion que lui offrait l'humble condition dans laquelle ce dernier était tombé pour abaisser son orgueil, et an lieu d'une vache, elle lui fit parvenir un petit morceau de viande, accompagné d'un message insultant. Près de la couche du chef blessé, se tenait la courageuse compagne qui avait partagé ses infortunes, la femme qu'il aimait. A l'ou?e du message ironique de la reine, son sang bouillant de Galla s'enflamma et elle fut prise d'une grande indignation. Elle se leva et dit à Kassa qu'elle aimait les braves, mais qu'elle détestait les poltrons, et qu'elle ne resterait pas auprès de lui s'il ne vengeait cette insulte dans le sang. Ces paroles passionnées tombèrent dans des oreilles bien préparées pour les recevoir, et la soif de la vengeance pénétra dans le coeur de Kassa. Aussit?t qu'il eut recouvré assez de forces, il retourna à Kouara et se proclama ouvertement indépendant.
Ras-Ali lui enjoignit une seconde fois de rentrer à sa cour; mais la sommation fut renvoyée avec un refus cruel. Plusieurs officiers furent expédiés pour forcer Kassa à se soumettre, mais le jeune commandant battit facilement tous ces envoyés; tandis que leurs compagnons d'armes, charmés par les manières insinuantes du jeune chef et alléchés par ses splendides promesses, s'enr?laient sous les drapeaux de Kassa. La femme de ce dernier exer?ait toujours une grande influence sur lui, lui montrant qu'il pouvait aisément s'emparer du pouvoir suprême; et, comme il hésitait encore, elle le mena?a de l'abandonner. Kassa ne résista pas plus longtemps; il marcha vers Godjam, entra?nant tout sur son passage. La bataille de Djisella, livrée en 1853, décida du sort de Ras-Ali. Son armée était à peine engagée qu'une terreur panique saisit ses soldats, et Ras-Ali abandonna le champ de bataille avec un corps de 500 cavaliers, tandis que le reste de ses troupes allait grossir les rangs du conquérant. Au bout de peu d'années, de Shoa à Metemma, de Godjam à Bagos, tout tremblait devant l'empereur Théodoros et obéissait à son commandement. Pour consacrer son nouveau titre, il désira se faire couronner; ce fut après la bataille de Deraskié, livrée en février 1855, qui lui soumettait le Tigré et réduisait son plus formidable ennemi Dejatch Oubié. Après cette nouvelle victoire, Théodoros tourna ses armes redoutées contre les Wallo-Gallas; il occupa lui-même Magdala; il ravagea et détruisit si complètement les riches plaines des Gallas, qu'en désespoir de cause, plusieurs des chefs de ces tribus entrèrent dans les rangs de son armée et tournèrent leurs armes contre leurs concitoyens. Non-seulement, le nouvel empereur voulait venger la longue oppression des chrétiens depuis si longtemps victimes des fréquentes incursions des Gallas, mais il voulait aussi humilier l'esprit hautain de ces hordes. Malheureusement, au fa?te de son ambition, il perdit sa courageuse et bien-aimée femme. Il sentit profondément son malheur. Elle avait été son fidèle conseiller, la compagne inséparable de sa vie aventureuse, l'être qu'il avait le plus aimé; et tant qu'il vécut, il chérit sa mémoire. En 1866, un de ses partisans m'ayant supplié, en sa présence, de demeurer quelques jours auprès de sa femme mourante, Théodoros baissa la tête et pleura au souvenir de la sienne morte depuis plusieurs années et qu'il avait aimée si profondément.
La carrière de Théodoros peut se diviser en trois périodes distinctes: la première, de son enfance jusqu'à la mort de sa première femme; la seconde, depuis la chute de Ras-Ali jusqu'à la mort de M. Bell; la troisième depuis ce dernier événement jusqu'à sa propre mort. La première période que nous avons décrite fut la période des promesses; la seconde, qui s'étend de 1853 à 1860, renferme bien des choses louables dans la conduite de l'empereur, quoique plusieurs de ses
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