sa propre mort. La
première période que nous avons décrite fut la période des promesses;
la seconde, qui s'étend de 1853 à 1860, renferme bien des choses
louables dans la conduite de l'empereur, quoique plusieurs de ses
actions soient indignes de la première partie de sa carrière. De 1860 à
1866, il semble avoir abandonné petit à petit toute retenue, au point de
se rendre remarquable par sa luxure et ses cruautés inutiles. Ses
principales guerres, pendant la seconde période, furent dirigées contre
Dejatch Goscho-Beru, gouverneur de Godjam, contre Dejatch-Oubié,
qu'il vainquit, ainsi que nous l'avons déjà raconté à la bataille de
Deraskié, et enfin contre les Wallo-Gallas. Toutefois, il se montra
encore magnanime, et bien qu'il fit prisonniers plusieurs chefs
importants, il leur promit de les relâcher aussitôt que son empire serait
entièrement pacifié.
En 1860, il marcha contre son cousin Garad, le meurtrier du consul
Plowden, et il eut les honneurs de la journée; mais il perdit son meilleur
ami et son conseiller, M. Bell, qui sauva la vie de l'empereur en
sacrifiant la sienne. En janvier 1861, Théodoros s'avança avec des
forces accablantes contre un puissant rebelle, Agau Négoussié, qui
s'était rendu maître de tout le nord de l'Abyssinie; par son habile et
intelligente tactique, il abattit son adversaire, mais il ternit sa victoire
par d'horribles cruautés et par des violations de la foi jurée. Il fit couper
les pieds et les mains à Agau Négoussié, et quoique celui-ci ait souffert
encore bien des jours, le cruel empereur lui refusa toujours une goutte
d'eau pour rafraîchir ses lèvres enfiévrées. Sa cruelle vengeance ne
s'arrêta pas là. Plusieurs des chefs compromis, qui s'étaient soumis sur
la promesse solennelle d'une amnistie, furent livrés aux mains du
bourreau ou envoyés chargés de chaînes pour languir toute leur vie
dans quelque prison de province. Pendant près de trois ans, l'autorité de
Théodoros fut reconnue par tout le pays. Une petite poignée de rebelles
s'étaient bien levés ici et là, mais à l'exception de Tadla Gwalu, qui ne
put être chassé de sa forteresse, dans le sud du Godjam, tous les autres
ne furent que de peu d'importance et ne troublèrent nullement la
tranquillité de son règne.
Quoique conquérant et doué du génie militaire, Théodoros fut mauvais
administrateur. Pour attacher de nouveaux soldats à sa cause, il leur
prodigua d'immenses sommes; il fut alors forcé d'imposer à ses sujets
des impôts exorbitants, épuisant ainsi le pays de ses dernières
ressources, afin de satisfaire ses rapaces compagnons. A la tête d'une
puissante armée, effrayé à la pensée de congédier tous ses hommes, il
se sentit entraîné à étendre ses conquêtes. Le rêve de ses plus jeunes
ans devint une idée fixe, et il se crut appelé de Dieu à rétablir, dans sa
première grandeur, le vieil empire éthiopien.
Il ne pouvait toutefois oublier qu'il était incapable de se battre, avec les
forces dont il disposait, contre les troupes bien armées et disciplinées
de ses ennemis; il se souvenait trop bien de sa défaite à Kédaref; il
songea donc à obtenir ce qu'il désirait par la diplomatie. Il avait appris
par M. Bell, M. Plowden et d'autres étrangers, que la France et
l'Angleterre étaient fières de la protection qu'elles accordaient aux
chrétiens dans toutes les parties du monde. Il écrivit alors aux
souverains de ces deux pays, les invitant à se joindre à lui dans une
croisade contre la race musulmane. Quelques passages choisis de sa
lettre à la reine d'Angleterre prouveront l'exactitude de cette assertion:
«Par son pouvoir (le pouvoir de Dieu), j'ai réduit les Gallas. Mais quant
aux Turcs, je leur ai enjoint de quitter le pays de mes ancêtres. Ils
refusent.» Il mentionne la mort de M. Plowden et de M. Bell, et il
ajoute: «J'ai exterminé leurs ennemis (ceux qui avaient tué ces deux
messieurs). Par la puissance de Dieu, ce qui me reste à gagner: c'est
votre amitié.» Il conclut en disant: «Voyez combien les mahométans
oppriment les chrétiens!»
L'armée de Théodoros à cette époque était composée de cent à cent
cinquante mille hommes, et si l'on compte quatre serviteurs par soldat,
son camp devait se composer environ de cinq à six cent mille personnes.
En admettant que la population de l'Abyssinie fût de 3 millions d'âmes,
il fallait donc qu'un quart de cette population fût payée, nourrie, vêtue
par le reste des habitants.
Pendant quelques années, le prestige de Théodoros était tel, que cette
terrible oppression fut tranquillement acceptée; à la fin cependant les
paysans, à moitié affamés et à demi-vêtus, trouvant qu'avec tous leurs
sacrifices ils étaient loin de satisfaire à l'accroissement journalier des
exigences d'un si terrible maître, abandonnèrent leurs plaines fertiles, et,
sous la conduite de quelques-uns des chefs qui restaient encore, ils se
retirèrent sur les plateaux élevés ou s'enfermèrent dans des vallées
perdues. A Godjam,
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