Ma Cousine Pot-Au-Feu

Leon de Tinseau
艐Ma Cousine Pot-Au-Feu [with accents]

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Title: Ma Cousine Pot-Au-Feu
Author: Leon de Tinseau
Release Date: August, 2004 [EBook #6309] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on November 27, 2002]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MA COUSINE POT-AU-FEU ***

Produced by Julie Barkley, Juliet Sutherland, Charles Franks and the Online Distributed Proofreading Team.

MA COUSINE POT-AU-FEU
PAR
LéON DE TINSEAU

I
Mes parents m'ont mis tard au collège de Poitiers, tenu par les jésuites. Vous avez bien entendu: par les jésuites, ce qui n'empêche point qu'à la seule pensée de me voir faire ma première communion ailleurs qu'? à la maison ?, ma mère avait jeté les hauts cris.
Je me hate de dire qu'elle ne les jeta pas longtemps et que la question fut bient?t tranchée selon ses préférences. Mon père aimait beaucoup la meilleure et la plus sainte des femmes: la sienne, et je crois qu'il aimait presque autant sa tranquillité. Pour fuir une discussion, il aurait fait la traversée d'Amérique, bien qu'il n'e?t jamais mis le pied, il le confessait lui-même, sur un appareil flottant autre que la nacelle où son garde et lui s'embarquaient l'hiver, afin de chasser les canards.
Il s'était marié quelques années après la trentaine, car on ne faisait rien de bonne heure chez nous, du moins en ce temps-là. Ce mariage, fort heureux, fut assurément le seul acte saillant de sa vie, depuis le jour où il faillit porter la cuirasse ainsi que le faisaient, à dater de saint Louis, tous les Vaudelnay du monde, quand ils n'étaient pas dans les ordres. Mais la révolution de 1830 avait mis fin à cette vieille habitude, et mes arrière-parents, ainsi que leur fils lui-même, auraient considéré que l'honneur du nom était compromis si l'un des n?tres avait passé, f?t-ce un quart d'heure, au service de Louis-Philippe.
Je suppose que mon père aura connu quelques heures pénibles en se retrouvant au chateau de Vaudelnay, triste comme une prison et sévère comme un clo?tre, après les deux années moins sévères et moins tristes, vraisemblablement, qu'il venait de passer à l'école des Pages. Quoi qu'il en soit, il dut prendre son parti en philosophe, c'est-à-dire en homme résigné, car, à l'époque de nos premières relations suivies, j'entends vers la cinquième ou la sixième année de mon age, cette résignation ne laissait plus rien à désirer.
A cette époque, nous étions huit personnes à Vaudelnay, je veux dire huit ? ma?tres ? pour employer l'expression consacrée, bien que ce titre n'appart?nt en réalité qu'à un seul des habitants du chateau, mon grand-père, alors déjà extrêmement vieux, mais d'une verdeur étonnante. Autour de lui un frère plus jeune, deux soeurs plus agées, tous trois confirmés dans le célibat, et ma grand'mère que nous respections tous comme un être surnaturel parce qu'elle avait été, enfant, dans les prisons de la Terreur, composaient une sorte de conseil des Anciens, honoré de certaines prérogatives. Je désignais cette portion plus que m?re de ma famille sous le nom d'ancêtres, dans les conversations fréquentes que je tenais avec moi-même, à défaut d'interlocuteur plus intéressant.
Les trois autres habitants du chateau, c'est-à-dire mes parents et moi, formaient une caste inférieure, exclue de toute part au gouvernement, voire même à l'examen des affaires. Mais, comme dans tout état monarchique bien constitué, chacun des citoyens de Vaudelnay, obéissant et subordonné par rapport au degré supérieur de la hiérarchie, devenait, relativement à l'échelon placé au-dessous, un représentant respectueusement écouté de l'autorité primordiale et souveraine.
Cette discipline, harmonieuse à force d'être parfaite, qui excite encore mon admiration et mes regrets, quand j'y pense aujourd'hui, se manifestait jusque dans la classe nombreuse des domestiques, dont quelques-uns, accablés par la vieillesse, devaient causer plus d'embarras qu'ils ne rendaient de services. Mais il était de règle à Vaudelnay qu'un serviteur ne sortait de la maison que cloué dans son cercueil ou congédié pour faute grave, deux phénomènes d'une égale rareté, grace au bon air,
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