Mémoires secrets de Fournier lAméricain | Page 9

Claude Fournier
part active qu'il a eue dans les deux révolutions de France, en 1789 et en 1792, contenant aussi l'encha?nement des trahisons de Bailly, La Fayette, Louis Capet, Manuel, Petion, Santerre, Carra, et plusieurs autres personnages remarqués tant dans les Assemblées législatives qu'ailleurs, pour servir de matériaux essentiels à l'histoire.?]

_La postérité saura tout._

AVANT-PROPOS
L'histoire des deux révolutions qui ont extirpé la tyrannie du sol de la France et qui y ont fait germer la liberté, l'égalité, enfin la République; cette histoire ne pourra être bien composée que du rapprochement des mémoires isolés que produiront les principaux acteurs de la plus grande scène qui ait jamais eu droit d'étonner l'univers. Les journaux du temps, le plus souvent, ne peuvent rapporter que sur des aper?us pris au hasard, recueillis loin du théatre des faits et sans montrer la filière des causes d'où sont sortis les différents résultats. Le témoin oculaire et le coopérateur des grands actes révolutionnaires est dans une position bien plus favorable pour transmettre la vérité aux générations futures.
Si quelqu'un a suivi de près tous les mouvements de deux révolutions, je puis bien dire que c'est moi. Fran?ais, lisez ces mémoires et vous me verrez agissant dans toutes les circonstances éclatantes. Ce n'est point une vaine gloriole qui me fait mettre ces circonstances au jour, mais j'ai pour but d'utilité d'éclairer plusieurs points importants de l'histoire, de vous faire voir se dévoiler des manoeuvres qui vous apprendront à conna?tre les hommes, et que tel tra?tre, dont le masque, au moment que j'écris, n'est point encore tombé, n'en a pas moins été une fausse idole à qui les contemporaines regretteront bien d'avoir prostitué leur encens[29]. Enfin vous observerez plus que jamais qu'au milieu de toutes les perfidies qui nous ont assaillis, si l'on croyait encore à d'autres prodiges qu'à l'énergie et au courage des ames libres, on affirmerait que ce n'a pu être qu'une puissance merveilleuse qui a sauvé la nation.
[Note 29: On verra d'ailleurs, vers la fin de ces mémoires, les raisons qui me forcent très impérieusement de leur donner la publicité. (Note de Fournier.)--On sait qu'il ne réalisa pas ce projet de publier ses mémoires.]
C'est une vérité reconnue que le sentiment de la liberté est implanté naturellement dans tous les coeurs, et que, sous les gouvernements tyranniques, tout homme qui ne vit point des abus, soupire secrètement après le moment de briser sa cha?ne; mais il est encore tout naturel de remarquer que les individus qui se trouvent le plus t?t et le mieux préparés aux révolutions contre le despotisme sont toujours ceux qui en ont le plus souffert. J'étais précisément dans ce cas en France. J'y étais revenu, après vingt et un ans de domicile aux colonies, réclamer vainement justice auprès du roi et de ses ministres contre l'oppression la plus criminelle et la plus inou?e que j'avais éprouvée à Saint-Domingue dans ma personne et dans mes biens.[30]
[Note 30: J'avais à Saint-Domingue une habitation et une guildiverie, ou fabrique de tafia, de valeur constatée de plus de cinq cent mille livres, voisine de celle des sieurs Guibert frères, sur laquelle elle obtint une supériorité de succès; elle éveilla leur jalousie. Ils étaient alliés au sieur de Bougars, intendant de la colonie, et ils avaient du crédit auprès de tous les officiers civils et militaires de l'?le. Ils profitèrent de ces avantages pour me vexer impunément. Chicané, d'abord, sous de vains prétextes, menacé ensuite, poursuivi par d'infames calomnies, accusé, emprisonné, je finis par avoir la douleur de voir ma guildiverie et mon habitation incendiées. Le crédit des Guibert, qui leur avait fait commettre envers moi toutes les scélératesses sans coup férir, passa de la colonie en France, où j'étais revenu pour y demander la justice que j'avais été loin de pouvoir trouver à Saint-Domingue. Je la sollicitai en vain près du dernier roi et de ses ministres depuis 1781 jusqu'en 1789, et, sans le nouvel ordre des choses, je n'eusse jamais eu probablement la satisfaction de voir jour à tirer aucun débris de ma fortune spoliée et détruite par les criminels Guibert et leurs complices. (Note de Fournier.)--Le 5 juin 1791, il fit à ce sujet une pétition à l'Assemblée nationale, qui fut solennellement portée à la barre par les Cordeliers. On trouvera le texte de cette pétition dans les papiers de Fournier aux Archives nationales. On y trouvera aussi, à la date du 20 mars 1816, un rapport de police qui donne la version de ses ennemis sur son r?le à Saint-Domingue: ?Il habita longtemps l'?le de Saint-Domingue où il fut chef d'atelier dans diverses habitations, et comme tel chargé de la correction des nègres. C'est sans doute dans ces fonctions qu'il contracta la férocité qui caractérise les principales actions de sa vie. Privé de place, il parvint à s'emparer de l'esprit et de la fortune d'une créole et établit
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