Mémoires secrets de Fournier lAméricain | Page 8

Claude Fournier
historien les ait consultés ou connus. Nous les avons trouvés aux Archives nationales, dans le carton F7 6504, qui contient les papiers de Fournier et une suite de documents officiels relatifs à ses diverses arrestations. Fournier les avait probablement écrits en l'an II, pendant son incarcération à l'Abbaye. Il y a un brouillon et une copie de ces mémoires, tous deux autographes. La copie s'arrête au récit des événements du 17 juillet 1791. Le brouillon va jusqu'au récit du massacre des prisonniers d'Orléans, inclusivement. Il est souvent difficile à lire, à force de ratures et de surcharges. L'auteur a laissé cet écrit inachevé, et, comme on le verra, les phrases incohérentes qui le terminent annon?aient une suite.
La lecture des mémoires de Fournier est plus intéressante qu'agréable. Ce condottiere de la Révolution écrit comme un goujat. Mais ses solécismes sont fort clairs[26] et sa plume grossière suffit très bien à l'expression de sa pensée, qui n'est ni délicate, ni complexe. Fournier est un brutal et l'esprit de la Révolution n'est pas en lui. La devise fraternelle des Cordeliers ne hante ni le coeur, ni les lèvres de ce Cordelier. C'est un haineux qui ne voit dans les grandes journées de la Révolution qu'une occasion de frapper. Il n'a d'autre idéal que de commander à une troupe armée et de remplir sa bourse. Il n'a rien compris aux causes profondes des événements où il a été mêlé: il n'a vu que le fait du moment et n'a éprouvé que des sensations.
[Note 26: Sauf dans le chapitre XI de ses mémoires, qui n'est qu'un brouillon informe. Voir plus bas la note à la page 42.]
Mais son r?le d'agent d'exécution a été considérable. Il a contribué de son bras au succès de tous les coups d'état populaires jusqu'à la chute du tr?ne. Ses colères à la Duchesne ne lui ont jamais ?té le sang-froid: il a toujours bien vu ce qu'il faisait et toujours bien vu ce que faisaient les autres. C'est ainsi qu'il a enregistré, dans les mémoires que nous publions, des faits et des attitudes qui avaient échappé à l'histoire. On verra que ce négrier était vaniteux comme un nègre: mais ne le prenez pas pour un menteur. Il a en poche presque toutes les preuves, parfois notariées, de ce qu'il avance. Il ne fait rien, sans demander un certificat. Les allégations essentielles de ses mémoires sont déclarées conformes par des pièces d?ment signées qui font partie de ses papiers aux Archives. Ces précautions, qu'il pousse à un point incroyable, ne sont point d'un véritable homme de bien, et je me garderai de présenter les mémoires de Fournier comme absolument sincères: cependant il est s?r que la plupart des faits qui y sont exposés sont vrais.
Il est précieux pour l'histoire d'avoir ainsi le témoignage d'un des combattants de la rue sur les célèbres journées du 14 juillet, des 5 et 6 octobre 1789, du 17 juillet 1791, du 10 ao?t 1792. On verra combien de traits la plume de Fournier ajoute au tableau des batailles civiles, combien de détails essentiels elle corrige ou complète. Je ne crois pas qu'on puisse désormais raconter ces journées célèbres sans recourir à Fournier. De plus, ces mémoires sont utiles pour l'histoire, si mal connue, du club des Cordeliers.
Les notes que nous avons ajoutées au texte ont surtout pour objet de compléter le récit de Fournier par des extraits de ses papiers[27] ou de le confirmer par quelques-unes de ces attestations de témoins dont il corroborait ses dires.
F.-A. AULARD.
[Note 27: Notamment par des extraits d'un Mémoire expositif qu'il rédigea le 3 février 1790 et fit approuver par ses compagnons d'armes. Ce récit de la conduite de Fournier au début de la Révolution est intitulé: _Mémoire expositif des services patriotiques du sieur Fournier l'Héritier, ancien habitant de Saint-Domingue, où il a servi seize ans dans les milices bourgeoises, et depuis quatre ans domicilié à Paris, rue des Vieux-Augustins, paroisse Saint-Eustache, n° 28._ Fournier terminait son mémoire en demandant ?qu'il lui f?t accordé une marque honorifique et distinctive qui annon?at manifestement à ses concitoyens, et surtout aux colons de Saint-Domingue, des preuves non équivoques de ses services patriotiques.? Les membres du Comité de Saint-Eustache repoussèrent cette demande en ces termes: ?Le Comité de Saint-Eustache, en rendant justice au zèle que M. Fournier a montré dans le temps de la Révolution, lui a expédié le brevet de service auquel tous les officiers provisoires avaient droit de prétendre. Il n'est pas en son pouvoir d'accorder d'actes de distinction, qui pourraient mécontenter d'autres citoyens qui ont bien mérité de la patrie.?]

MéMOIRES SECRETS DE FOURNIER L'AMéRICAIN[28]
[Note 28: Fournier modifia ce titre après coup et l'amplifia, dans un des deux textes de ses mémoires, de la manière suivante: ?La Galerie des tra?tres ou Mémoires secrets de C. Fournier, Américain, contenant les détails de la
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