me séparerai de lui, et j'irai reprendre ma place sur mon banc et ma part dans le combat. Les ministres m'ont écrit: ?Le ministère s'est formé sur cette idée: point de réforme électorale, point de dissolution.? J'ai pris acte de ces paroles, en disant que c'était là le seul drapeau sous lequel je pusse et voulusse agir. Je reste donc, inquiet et en observation, pour défendre ici la politique de la paix, tant que la politique de l'ordre ne me para?tra pas, au dedans, encore plus compromise et encore plus nécessaire à défendre. C'est là, si je ne me trompe, la position qui convient à mes amis à Paris, comme à moi ici. Une hostilité soudaine, déclarée, un parti pris de renverser le nouveau cabinet en l'empêchant absolument de marcher, quand il contient quelques-uns des n?tres, hommes d'esprit et d'honneur, et avant qu'il ait rien fait, une telle hostilité, dis-je, me para?trait une politique mauvaise en soi et peu convenable pour nous. Nous avons toujours offert de soutenir le gouvernement qui voudrait marcher avec nous. Celui-ci penche vers la gauche, et bien des causes l'y pousseront. D'autres causes aussi, les nécessités du pouvoir, l'instinct de sa propre conservation le ramèneront vers nous. Je me fie un peu, je l'avoue, à l'incorrigible nature de la gauche pour espérer qu'elle nous renverra les hommes mêmes qui sont arrivés poussés par son souffle. Restons fermes dans notre camp; mais n'en sortons pas pour attaquer, et n'en fermons pas les portes à qui voudrait y entrer. Peut-être réussirons-nous à reformer ainsi, dans la Chambre, une majorité gouvernementale. C'est le but que nous avons poursuivi, à travers des situations bien diverses, depuis la chute du cabinet du 11 octobre; c'est encore aujourd'hui, à mon avis, celui que nous devons poursuivre.?
J'étais pleinement en droit de donner à mon attitude et à ses motifs la publicité qui devait résulter de toute cette correspondance, car je m'en étais, dès le premier moment, nettement expliqué avec M. Thiers lui-même. Le lendemain même de la formation du cabinet, le 2 mars, avant que j'eusse fait conna?tre à personne ma résolution de rester à Londres, il m'avait écrit: ?Mon cher collègue, je me hate de vous écrire que le ministère est constitué. Vous y verrez, parmi les membres qui le composent, deux de vos amis, Jaubert et Rémusat, et dans tous les autres, des hommes auxquels vous vous seriez volontiers associé. Nos fréquentes communications depuis dix-huit mois nous ont prouvé, à l'un et à l'autre, que nous étions d'accord sur ce qu'il y avait à faire, soit au dedans, soit au dehors. En partant de Paris, vous m'avez déclaré, dans la salle des conférences, que votre politique extérieure était la mienne. Je serais bien heureux si, en réussissant tous les deux dans notre tache, vous à Londres, moi à Paris, nous ajoutions une page à l'histoire de nos anciennes relations; car, aujourd'hui comme au 11 octobre, nous travaillons à tirer le pays d'affreux embarras. Vous trouverez en moi la même confiance, la même amitié qu'à cette époque. Je compte en retour sur les mêmes sentiments. Je ne vous parle pas d'affaires aujourd'hui. Je ne le pourrais pas utilement. J'attends vos prochaines communications et les prochaines délibérations du nouveau conseil pour vous entretenir de la mission dont vous êtes chargé. Ce n'est qu'un mot d'affection que j'ai voulu vous adresser aujourd'hui, au début de nos relations nouvelles.?
Je lui répondis sur-le-champ, le 5 mars: ?Mon cher collègue, je crois, comme vous, qu'il y a à tirer le pays de graves embarras. Je vous y aiderai d'ici, loyalement et de mon mieux. Nous avons fait ensemble, de 1832 à 1836, des choses qu'un jour peut-être, je l'espère, on appellera grandes. Recommen?ons. Nous nous connaissons et nous n'avons pas besoin de beaucoup de paroles. Vous trouverez en moi la même confiance, la même amitié que vous me promettez et que je vous remercie de désirer. Nous nous sommes assurés, en effet, dans ces derniers temps, que nous pouvions marcher ensemble au même but. Rémusat m'écrit que ?le cabinet s'est formé sur cette idée: point de réforme électorale, point de dissolution.? J'accepte ce drapeau, le seul sous lequel je puisse agir utilement pour le cabinet, honorablement pour moi. Si quelque circonstance survenait qui me par?t devoir modifier nos relations, je vous le dirais à l'instant et très-franchement. Je suis s?r que vous me comprendriez, et même que vous m'approuveriez.
?Je ne vous parle pas ici d'affaires. Vous avez re?u hier le compte rendu de ma première conversation avec lord Palmerston. Je vous en transmettrai aujourd'hui une seconde. Je vous aurai dit alors tout ce que j'ai vu jusqu'ici, et vous me direz ce que vous en pensez.?
CHAPITRE XXVIII.
NéGOCIATIONS SUR LES AFFAIRES D'ORIENT.
Difficultés de ma situation à Londres en reprenant les négociations sur la question d'Orient.--Mes instructions.--Motifs et
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