silence de la cour du chateau où aucune voiture ne pénétrait plus, l'arrivée successive des princes, tout maintenait ou replongeait, à chaque instant, la famille royale dans son déplorable état. Ils allaient vingt fois le jour dans la chapelle. Ils avaient tous les jours quelque nouvelle et cruelle entrevue. Ceci est fini. Ils sont tous ensemble, tous établis en commun dans leur malheur. Samedi prochain, le cercueil quittera Neuilly pour Notre-Dame. Les chants cesseront, les sentinelles s'en iront, les voitures rouleront. Ce sera le retour aux habitudes, le premier soulagement qui se fasse sentir dans une telle épreuve. La reine a retrouvé un peu de sommeil. Madame a recommencé à être exclusivement préoccupée du roi, de sa santé, de sa disposition, de son travail. Madame la duchesse d'Orléans a la douleur pénétrée et pénétrante, mais point abattue, d'une ame haute, forte et jeune. Les princes sont touchants par l'uniformité de leur tristesse et l'assiduité de leurs soins auprès de leur père, de leur mère, de leur tante, de leurs soeurs. Le roi a recouvré toute son activité, toute sa liberté d'esprit. Il était très-éploré et abattu jeudi dernier, à cette lugubre cérémonie où tout le monde est venu le regarder et s'incliner devant lui sans lui parler. Mais c'était de l'ébranlement et de la fatigue momentanée; au fond, l'ame et le corps sont déjà revenus à leur état naturel de vigueur et d'élasticité infatigables. Dans quelques jours, quand nous aurons accompli nos tristes cérémonies funèbres, tout reprendra son cours régulier, son aspect accoutumé; et il ne restera que ce qui doit rester bien longtemps, dans la famille royale une immense douleur, devant nous tous un vide immense et le fardeau qu'il nous impose.
?Tout le monde le sent. Jamais impression n'a été plus générale et plus vive. Tout le monde a l'air et est réellement affligé et inquiet pour son propre compte. Deux choses éclatent à la fois, beaucoup de sollicitude pour l'avenir et une forte adhésion à ce qui est, à la famille royale, à la monarchie. On prévoit des orages, mais certainement les ancres se sont enfoncées et affermies.
?La session s'ouvre demain. Je ne fermerai ma lettre qu'après la séance royale. Le discours du tr?ne, que ce même courrier vous portera, n'élève absolument aucune question et se renferme dans l'événement. Nous agirons comme le discours parle. Les chefs de l'opposition souhaiteraient, je crois, qu'on en f?t autant de leur c?té, et qu'il n'y e?t en ce moment qu'une adresse dynastique et le vote rapide de la loi de régence. Mais les passions de leur parti les entra?neront probablement à quelque débat que nous ne provoquerons point, mais que nous ne refuserons point. Non pas certes pour l'intérêt du cabinet, mais pour la dignité du pays, du gouvernement, de tout le monde, toute lutte devrait être ajournée à l'hiver prochain. J'en doute fort.
?Le projet de loi sur la régence est à peu près
Mort de M. le Duc d'Orléans (13 Juillet 1843). 15 adopté dans le conseil. Il est fort simple: c'est l'application à la régence des principes essentiels de notre royauté constitutionnelle, l'hérédité, la loi salique, l'unité du pouvoir royal, l'inviolabilité. La garde et la tutelle du roi mineur sont confiées à sa mère ou à sa grand'mère. Le projet n'a point la prétention de prévoir et de régler toutes les hypothèses imaginables, toutes les chances possibles; il résout les questions et pourvoit aux nécessités que les circonstances nous imposent.
?Je ne crois pas que cette petite session dure moins de cinq ou six semaines. La vérification des pouvoirs et la constitution de la Chambre nous prendront au moins huit jours. Puis l'adresse. Puis la loi sur la régence; une commission, un rapport, un débat. Et ensuite autant dans la Chambre des pairs. Nos formes sont lentes. Je doute que la prorogation ait lieu avant le commencement de septembre.
Mardi, 26 juillet, 3 heures.
?Je reviens de la séance royale et des Tuileries. Assemblée très-nombreuse; environ cent soixante pairs et quatre cents députés. La salle plus que pleine de public. Tout le monde en deuil. Une émotion très-vraie; des acclamations très-vives et plusieurs fois répétées à l'entrée du roi. Le roi, troublé d'abord, plein de larmes, parlant à peine. Il s'est remis à la troisième phrase. L'aspect général avait beaucoup de simplicité et de gravité.?
En Europe aussi l'impression fut vive. Vraiment sympathique et générale en Angleterre, où sir Robert Peel s'en fit l'éloquent organe: ?Il n'arrive pas en France, dit-il à la Chambre des communes, un malheur qui ne soit profondément et sincèrement déploré dans ce pays. Quand une récente calamité a frappé la famille royale et le peuple de France, n'avons-nous pas vu un sentiment unanime de chagrin se manifester chez nous, comme si ce malheur e?t été le n?tre?? En Allemagne, dans son voyage à Berlin et à Vienne, M. le
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