l'usage des temps barbares. La France a
tout fait pour adoucir du moins un mal qu'elle n'avait pu empêcher.
L'Angleterre, au contraire, a tout fait pour l'aggraver. Non contente
d'attaquer les navires du commerce, et de traiter comme prisonniers de
guerre les équipages de ces navires désarmés, elle a réputé ennemi
quiconque appartenait à l'État ennemi, et elle a aussi fait prisonniers de
guerre les facteurs du commerce et les négocians qui voyageaient pour
les affaires de leur négoce.
«Restée long-temps en arrière des nations du continent qui l'ont
précédée dans la route de la civilisation, et en ayant reçu d'elles tous les
bienfaits, elle a conçu le projet insensé de les posséder seule et de les
leur ôter. C'est dans cette vue que, sous le nom de droit de blocus, elle a
inventé et mis en pratique la théorie la plus monstrueuse.
«D'après la raison et l'usage de tous les peuples policés, le droit de
blocus n'est applicable qu'aux places fortes. L'Angleterre a prétendu
l'étendre aux places du commerce non fortifiées, aux navires, à
l'embouchure des rivières.
«Une place n'est bloquée que quand elle est tellement investie, qu'on ne
puisse tenter d'en approcher, sans s'exposer à un danger imminent.
L'Angleterre a déclaré bloqués des lieux devant lesquels elle n'avait pas
un bâtiment de guerre. Elle a fait plus: elle a osé déclarer en état de
blocus des côtes immenses; et tout un vaste empire.
«Tirant ensuite d'un droit chimérique et d'un fait supposé la
conséquence qu'elle pouvait justement faire sa proie, et la faisait en
effet, de tout ce qui allait aux lieux mis en interdit par une simple
déclaration de l'amirauté britannique, et de tout ce qui en provenait, elle
a effrayé les navigateurs neutres, et les a éloignés des ports que leur
intérêt et que la loi des nations les invitaient à fréquenter.
«Le droit de défense naturelle permet d'opposer à son ennemi les armes
dont il se sert, et de faire réagir contre lui ses propres fureurs et sa folie.
«Puisque l'Angleterre a osé déclarer la France entière en état de blocus,
que la France déclare à son tour que les îles britanniques sont bloquées!
Puisque l'Angleterre répute ennemi tout Français, que tout Anglais ou
sujet de l'Angleterre trouvé dans les pays occupés par les armées
françaises soit fait prisonnier de guerre! Puisque l'Angleterre attente
aux propriétés privées des négocians paisibles, que les propriétés de
tout Anglais ou sujet de l'Angleterre, de quelque nature qu'elles soient,
soient confisquées; que tout commerce de marchandises anglaises soit
déclaré illicite, et que tout produit de manufactures des colonies
anglaises trouvé dans les lieux occupés par les troupes françaises soit
confisqué!
«Puisque l'Angleterre veut interrompre toute navigation et tout
commerce maritime, qu'aucun navire venant des îles ou des colonies
britanniques ne soit reçu ni dans les ports de France, ni dans ceux des
pays occupés par l'armée française; et que tout navire qui tenterait de se
rendre de ces ports en Angleterre soit saisi et confisqué!
«... Aussitôt que l'Angleterre admettra le droit des gens que suivent
universellement les peuples policés; aussitôt qu'elle reconnaîtra que le
droit de guerre est un et le même sur mer que sur terre, que ce droit et
celui de conquête ne peuvent s'étendre ni aux propriétés privées, ni aux
individus non armés et paisibles, et que le droit de blocus doit être
restreint aux places fortes réellement investies, Votre Majesté fera
cesser ces mesures rigoureuses, mais non pas injustes, car la justice
entre les nations n'est que l'exacte réciprocité.»
L'empereur adopta les considérations et les mesures que lui proposait
son ministre. Il interdit tout commerce, toute correspondance avec
l'Angleterre; il déclara ce pays en état de blocus[2], l'isola tout-à-fait du
continent, et le plaça dans une situation dont il ne tarda pas à sentir les
fâcheuses conséquences.
CHAPITRE II.
L'armée entre en Pologne.--Chute du grand-maréchal.--Fatigues et
privations des troupes.--L'armée prend ses cantonnemens.--Le
quartier-général revient à Varsovie.
Ces mesures prises, l'empereur se mit en route pour la Pologne. Il savait
que l'armée russe continuait sa marche; il lui importait, pour le succès
de ses opérations ultérieures, de ne pas lui laisser le temps de franchir
la Vistule; autrement nous aurions été obligés de prendre nos quartiers
d'hiver dans une mauvaise position, entre l'Oder et la Vistule, ou bien
de repasser l'Oder pour hiverner en Prusse. Dans ce cas, nous aurions
découvert la Silésie, où nous avions des opérations à suivre; nous
aurions vu, en outre, l'armée prussienne se recruter de tous les Polonais,
qui, au lieu de cela, se rangèrent sous nos drapeaux.
D'après ces considérations, l'empereur se détermina à mettre l'armée en
campagne au mois de décembre; elle marcha à la fois sur Varsovie,
Thorn et Dirschau; elle ne rencontra ni obstacle, ni troupes russes, si ce
n'est quelques centaines de cosaques, à quinze ou
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