mon régiment furent presque tous obligés de quitter le service; quelques uns émigrèrent, presque tous se retirèrent dans leurs terres. Je me trouvai sous les ordres du général Custine.
Sur ces entrefaites, l'invasion de la Champagne eut lieu. Verdun et Longwy avaient été livrés. L'armée rassemblée entre Landau et Wissembourg marcha par la Lorraine pour rejoindre l'armée qui combattit à Valmy, et arrêta les Prussiens. En même temps, nous avions pris Mayence, franchi le Rhin et poussé jusqu'à Francfort. Ces succès firent éclater une joie qui ne fut pas de longue durée. Les revers suivirent: battus presque partout, nous f?mes ramenés jusque sous Landau, après avoir laissé garnison à Mayence.
C'est par les assertions les plus ridicules et par les soup?ons les plus absurdes qu'on voulut expliquer ces défaites, et nous v?mes arriver des représentans du peuple aux armées. Envoyés pour découvrir de prétendues conspirations, ils ne voulaient voir partout que des conspirateurs, et je dois le dire, ils ne trouvèrent que trop de misérables que l'espoir des récompenses fit descendre au r?le de délateurs. On a dit que, dans un temps de désordre et d'anarchie, l'honneur fran?ais s'était réfugié aux armées. On put dire aussi que, avec ces proconsuls d'espèce nouvelle, la méfiance vint s'y établir. On s'évitait; chacun craignait celui qui jusqu'alors avait été son plus dévoué compagnon d'armes; mais surtout on fuyait un représentant du peuple presque comme on fuit une bête enragée. Chose étrange! pendant que leurs mesures de terreur l'inspiraient autour d'eux, leurs décisions, qu'ils rendaient avec toute l'importance de l'ignorance, les couvraient de ridicule. On riait de pitié tout en frémissant d'horreur.
Aux lignes de Weissembourg, on nous fit un jour monter à cheval à huit heures du matin, pour reconna?tre comme général de brigade un certain chef d'escadron de dragons, nommé Carlin. à onze heures, on nous y fit monter de nouveau, pour le reconna?tre comme général de division! Le lendemain, il était à l'ordre comme général en chef. La perte des lignes de Weissembourg eut lieu quelques jours après, avant que le nouveau général e?t le temps de les parcourir! il ramena l'armée à Strasbourg, y trouva sa destitution, et s'il ne fut pas condamné à Paris, c'est qu'il y fut protégé par son incapacité, qu'on reconnut. On croyait alors que le meilleur moyen de se justifier des malheurs publics ou des revers de la guerre, était de faire tomber sous le glaive de la loi les braves que le fer de l'ennemi avait épargnés. Sur les champs de bataille, la mort vole au hasard, mais là, elle mettait du discernement dans le choix des victimes. Qui pouvait se croire à l'abri de ses coups? MM. de Custine, de Biron, de Beauharnais, périrent sur l'échafaud. Dumouriez ne sauva sa tête que par une prompte fuite.
J'ai vu arrêter M. de Tosia, colonel du régiment Dauphin, cavalerie, sur la dénonciation d'un maréchal-des-logis de son régiment, qui avait eu l'audace de s'adresser au représentant du peuple en pleine revue. Tosia fut traduit à l'instant même à la commission militaire, qui était toujours en permanence, et fusillé deux heures après la dénonciation.
Je ne me souviens pas si ce maréchal-des-logis, nommé Padoue, a été récompensé, mais je me souviens parfaitement qu'il devint l'objet de l'exécration de toute l'armée.
à cette même époque, je rencontrai de nouveau le général Desaix; à la suite de quelques actions d'éclat, il avait été nommé adjudant-général, et commandait l'avant-garde sur la route de Strasbourg au Fort-Louis. Il m'apprit que mon colonel, quelques officiers et moi avions été dénoncés comme fort suspects, et que je devais agir avec prudence. La position était grave, comme on va le voir, et l'événement prouva que Desaix était bien instruit.
à quelques jours de là, j'étais de grand'garde en face du village de Hofeld, sur la route de Saverne à Haguenau, lorsque mon domestique vint m'y joindre et m'apprendre que le colonel venait d'être arrêté, qu'on me cherchait, et que je n'avais pas un instant à perdre pour me sauver. L'honnête gar?on était si persuadé que j'allais prendre la fuite, qu'il m'apportait mon bagage; mais, quelque pressant que f?t le danger, pouvais-je quitter le poste dont le commandement m'avait été confié? D'ailleurs, je pouvais prendre des dispositions afin d'être informé à temps si on était venu me chercher aux avant-postes: je préférai attendre l'événement.
On vint relever le poste, et l'officier qui venait me remplacer me tira d'anxiété en m'apprenant que, satisfaits sans doute d'avoir enlevé le colonel et un autre officier, les gendarmes étaient partis avec leurs prisonniers sans reparler de moi. Quoi qu'il en soit, je me tins pour bien averti, et, au lieu de retourner au régiment, je fus rejoindre l'adjudant-général Desaix à son avant-garde, sur la route de Strasbourg à Fort-Louis; mais comme j'aurais pu le compromettre en restant près de lui, j'obtins du lieutenant-colonel d'être attaché, en qualité
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