ses faveurs, en regardant comme un tort personnel qu'on leur faisait, les marques de bienveillance qu'il accordait à ses plus anciens serviteurs.
L'empereur, que l'on a long-temps voulu faire passer pour un homme sombre, méfiant, était bon jusqu'à l'excès et confiant dans tout ce qui ne l'avait jamais trompé; il croyait un bien plut?t qu'un mal, jusqu'à ce qu'il e?t pris, comme il le disait, la main dans le sac. Il fallait beaucoup d'adresse pour perdre quelqu'un dans son esprit; je n'ai remarqué, de ce c?té-là, qu'une chose qu'on puisse lui reprocher, c'est que, lorsqu'il s'apercevait qu'il avait été trompé, il ne témoignait pas son mécontentement avec assez de force aux calomniateurs, qui retombaient quelque temps après dans les mêmes ornières.
Il se serait évité bien des embarras, s'il avait fait une justice éclatante de la première calomnie qui lui a été rapportée.
J'ai dit qu'il était confiant dans tout ce qui l'entourait d'habitude; je vais en citer un exemple entre cent qu'il me serait facile de rapporter.
Je l'accompagnais comme son aide-de-camp dans une revue qu'il fit à Vienne du 7e régiment de hussards, après la bataille de Wagram. Il nommait aux emplois vacans, et donnait des récompenses aux officiers et soldats qui avaient été blessés pendant la campagne. Le colonel du 4e régiment lui demanda la destitution d'un officier qui n'était pas présent à la revue, et qui vivait à Vienne dans la plus dégo?tante débauche, de laquelle on n'avait pas pu le tirer, même pour se trouver à son devoir d'honneur le jour de la bataille de Wagram.
L'empereur non seulement le destitua sur-le-champ, mais ordonna qu'il en f?t fait un exemple, et dit au prince de Neuchatel, qui en prit note, de faire arrêter cet officier et de le mettre à un conseil de guerre. Avant de quitter la revue, l'empereur nomma à son emploi un des sous-officiers du régiment. La coutume était de faire signer le même soir à l'empereur le décret définitif de toutes les nominations qu'il avait faites en passant la revue d'un corps. Le prince de Neuchatel le servait avec un zèle qui ne contribuait pas peu à le faire tant chérir des soldats. Ils savaient que toute chose qui les intéressait était aussit?t expédiée par lui qu'elle avait été ordonnée par l'empereur.
Lorsqu'il avait signé un travail quelconque, on le renvoyait de son cabinet à la secrétairerie d'état, qui, après l'avoir minuté, le faisait passer aux différens ministères dans les attributions desquels il devait être classé.
Le décret de destitution de cet officier de hussards et celui de nomination à son emploi furent donc envoyés à ce bureau. Il n'y eut pas moyen d'empêcher son exécution; mais on fit si bien près du prince de Neuchatel, que le conseil de guerre n'eut pas lieu; l'officier destitué reprit le chemin de Paris, où, deux mois après le retour de l'empereur, les mêmes protecteurs le firent comprendre dans une nomination de chambellans. On se garda bien de laisser soup?onner à l'empereur que cet individu qu'on faisait entrer dans sa maison était ce même officier de hussards chassé deux mois auparavant. On alla plus loin: on fit rétablir ce gentilhomme sur les contr?les; on le vit en moins de deux ans chef d'escadron et membre de la Légion-d'Honneur. Je ne connaissais pas ce chambellan pour être l'officier de hussards que j'avais vu dénoncer par son régiment; ce ne fut que long-temps après que j'en parlai à l'empereur, pour lui démontrer combien l'intrigue était astucieuse pour jeter dans son intérieur des hommes qui n'avaient d'autre mérite que de bien rapporter ce qui s'y passait.
On mettait le même soin à introduire dans les maisons des membres de sa famille tout ce que l'on trouvait de bon à être employé de cette manière, pour nuire aux personnes qui y exer?aient déjà des emplois.
L'empereur fut fort mécontent de ce qu'on l'avait trompé ainsi; mais nous étions déjà trop engagés dans de mauvaises circonstances pour pouvoir rien changer à la marche que l'on suivait depuis long-temps.
Tout ce que je voyais de ce c?té-là me dégo?tait des fonctions du ministère de la police; il aurait fallu, ou tromper l'empereur à la journée en se rendant le complice de toutes ces misérables intrigues, ou s'exposer à mille tracasseries en voulant les croiser; je ne pouvais cependant pas y rester indifférent. Je composais avec celles qui étaient de nature à avoir quelques facheux résultats; je prévenais les principaux acteurs que je n'étais pas le seul qui e?t les yeux ouverts sur les imperfections de ce monde, que je désirais de tout mon coeur qu'il n'y e?t jamais que moi pour contrarier leur petites allures, mais que je les avertissais que, s'il était jamais question d'eux, je ne mentirais pas d'une syllabe pour les préserver de ce qui devait leur arriver.
J'ai tenu exactement parole; malgré cela, quelques uns et quelques
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