des biens du maréchal d'Ancre, qui a été odieusement assassiné, et si on la réhabilite, il ne manquera pas d'héritiers pour venir réclamer ses dépouilles à la famille de Luynes, qui n'a été enrichie que par cet odieux attentat[1].?
Madame de Sta?l avait été, non pas exilée, mais éloignée par suite d'une intrigue dans laquelle des rivaux la compromirent. Une femme d'une aussi grande célébrité est souvent exposée à voir mettre plus d'une ép?tre à son adresse.
Lorsque j'entrai au ministère, elle était déjà dans cette situation. On lui a sans doute dit que c'était l'empereur qui avait spontanément ordonné son exil; rien cependant n'est plus faux. J'ai su comment elle avait été atteinte, et je puis certifier que ce n'est qu'à force d'obsessions, de rapports facheux, qu'il l'arracha à ses go?ts pour le monde, et l'obligea à se retirer à la campagne. Cependant il ne pouvait pas la souffrir; il a même attaché trop d'importance à celle qu'elle donnait à sa personne et à son livre sur l'Allemagne. On essaya d'abord de la rendre plus circonspecte, mais toutes les tentatives furent vaines; on ne put la faire taire ni l'empêcher de se mêler de tout, de fronder tout; elle voulait conseiller, prévoir, administrer; l'empereur, de son c?té, croyait pouvoir suffire à sa tache. Il se fatigua de recevoir les lettres directes de madame de Sta?l, celles qu'elle écrivait à ses amis, qui les renvoyaient exactement au cabinet. L'empereur, lassé de voir venir les mêmes vues par tant de voies différentes, l'envoya distribuer ses conseils plus loin de lui.
Elle ne tarda pas à regretter la capitale, m'écrivit plusieurs fois pour y revenir; tant?t elle alléguait un prétexte, tant?t un autre; enfin elle imagina de feindre la résolution de passer en Amérique, mais elle était trahie par un de ses amis à qui elle avait fait part de son dessein. Je savais qu'elle se proposait d'abord de venir à Paris, que quant au voyage d'Amérique, elle verrait après, c'est-à-dire qu'elle prendrait le temps de la réflexion.
Personnellement, j'étais plut?t porté à consentir à la demande qu'à la refuser; je n'avais aucune raison de m'y opposer, parce que madame de Sta?l ne pouvait qu'être bien aise de ne pas être brouillée avec le ministre de la police. L'arrangement aurait donc pu nous convenir à tous deux, mais pour me faire une amie, encore la chose n'était-elle pas s?re, il fallait commencer par me faire, parmi les siens, dix ennemis que je n'étais pas en mesure de combattre; elle n'e?t rien gagné au marché, et je ne pouvais qu'y perdre. Je n'osai pas risquer d'améliorer sa situation; je la plaignais d'avoir inspiré de la jalousie à nos beaux esprits, mais je m'en tins à son égard au passeport qu'elle avait demandé pour l'Amérique, prenant garde de ne pas être sa dupe, c'est-à-dire qu'elle ne me m?t pas dans le cas d'avoir recours à des moyens qui me répugnaient.
On a aussi beaucoup crié contre l'exil de madame Récamier. En général, on parle de tout à tort et à travers sans trop savoir ce que l'on dit. Tout le monde avait connu les mauvaises affaires de la maison Récamier, à la suite desquelles madame Récamier avait été vivre en province; cela était fort honorable, mais il ne fallait pas s'y faire passer pour une victime de la tyrannie et écrire à tout le monde des balivernes de ce genre. Il aurait été plus juste de leur dire tout net que l'on avait perdu sa fortune par de fausses spéculations que d'en accuser l'empereur. Madame Récamier demeurait en province par raison, et elle disait à ses admirateurs, qui la sollicitaient de rentrer à Paris, que cela ne dépendait pas d'elle, voulant par là donner à penser que c'était l'empereur qui l'en empêchait, lorsqu'il ne pensait pas à elle. Cela fit qu'il ordonna que, si elle y revenait, on ne lui laissat plus former ce cercle de frondeurs au milieu duquel elle répandait avec affectation sa douleur; et pour parler plus franchement, je lui écrivis que je désirais qu'il n'entrat pas dans ses projets de venir à Paris si t?t, etc., etc. Elle n'avait aucunement celui d'y rentrer, mais elle fut fort aise d'avoir été exilée, cela la mettait à son aise pour répondre à une foule de solliciteurs vis-à-vis desquels cela lui donnait une position. Il y a encore un motif qui me détermina, et cela par intérêt pour elle-même; je voulus lui éviter les désagrémens qui auraient été la conséquence naturelle du voyage qu'elle allait entreprendre en Suisse. Si elle me lit, elle saura ce que je veux dire, et si un jour j'ai le plaisir de lui faire ma cour, je lui apprendrai, en lui demandant grace, comment j'ai su si bien ce qui la concernait, et elle me saura gré de l'avoir engagée à rester à
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