conservateurs de s'y mêler et
d'agir sur le gouvernement. TROISIÈME MENSONGE!
Quand on eut beaucoup répété que le gouvernement ne cherchait qu'à
sauver Riel;--que ses vrais amis étaient ceux qui ne se remuaient pas en
sa faveur;--et que ses pires ennemis étaient ceux qui avaient entrepris
de le faire échapper à la corde,--il vint un jour où l'opinion commença
cependant à d'émouvoir et où les mensonges des journaux ne suffirent
plus.
Alors,--honte indicible!--un ministre, un Canadien-français, n'hésita pas
à peser sur l'opinion de tout son poids, en intervenant personnellement
dans cette sale besogne!
Sir Hector Langevin déclara, à Rimouski, qu'on avait tort de
s'alarmer;--que le gouvernement accorderait tous les délais
nécessaires;--et que Riel ne serait pas pendu, avant qu'une commission
de médecins eut statué sur son état mental.
C'était une fourberie de plus.
On sait maintenant qu'il n'a jamais dû être, qu'il n'a jamais été nommé
de commission médicale.
Mais, à cette époque, il s'agissait de préparer les esprits à accepter sans
trop de murmures le déni de justice de la cour du banc de la reine à
Winnipeg et celui du conseil privé d'Angleterre.
Ce n'était pas trop, pour y parvenir, que de faire prêter à un chevalier
des ordres de Sa Majesté une fausse promesse.
Et sir Hector Langevin fit cette promesse. QUATRIÈME
MENSONGE!
A la même date, deux journaux ministériels, la Minerve et le Monde, se
préoccupaient beaucoup de l'inconvénient qu'il pourrait y avoir pour les
ministres, dans la sympathie que manifestaient envers la cause de Riel,
les membres du clergé et les catholiques les plus ardents.
Toute une campagne fut entreprise, pour déconsidérer Riel dans
l'opinion du clergé.
On nia ouvertement qu'il eut les sympathies des prêtres du Nord-Ouest.
On retraça, jour par jour, des récits d'égarements religieux qui devaient
faire considérer Riel comme étranger à la communion catholique.
Qu'y avait-il de vrai là-dedans?
Il est possible que beaucoup d'hallucinations aient traversé ce cerveau
surexcité. Mais, dans tous les cas, il est certain qu'on avait odieusement
exagéré et dénaturé les faits.
Nous en avons deux preuves palpables.
La première, c'est que Riel a été constamment assisté par le P. André et
est mort en bon catholique.
La seconde c'est que, jusqu'au dernier moment, Mgr. Grandin n'a cessé
d'intercéder en faveur du condamné. On avait donc menti une fois de
plus. CINQUIÈME MENSONGE!
Au lendemain du rejet du pourvoi de Riel par le conseil privé, le Monde
s'était écrié: «Les avocats libéraux ont fait tout ce qu'ils ont pu pour
faire pendre Riel. Heureusement ils n'ont pas réussi à tout perdre. Leur
tâche est finie: la nôtre commence!»
Allégation et promesse qui ont eu une portée incalculable;--car les dires
du journal officieux ont eu pour effet, de persuader aux députés
conservateurs que le gouvernement avait un programme arrêté d'avance,
en vue de sauver Riel; et cette assurance les a empêchés d'intervenir à
temps, sinon pour modifier l'opinion de Sir John A. Macdonald, au
moins pour imposer la retraite des trois ministre canadiens-français et
pour mettre par là le gouvernement dans l'impuissance d'agir.
SIXIÈME MENSONGE!
Mais pendant ce temps on avait obtenu ce qu'on voulait.
On avait permis aux orangistes de faire dire à sir John: «Vous ne
pouvez pas nous refuser la tête de Riel, puisque des journaux
canadiens-français, eux mêmes, déclarent son crime indigne d'excuse.»
Et on avait permis à Sir John A. Macdonald de dire à ses trois satellites
canadiens-français dans le conseil des ministres: «Vous ne pouvez pas
soutenir sérieusement que vos compatriotes tiennent à la vie de Riel,
puisqu'en dehors des réclamations des libéraux, nos ennemis, il n'a pas
été fait auprès de nous une démarche, PAS UNE SEULE pour le
sauver!»
Notre malheureux frère métis a payé de sa vie ce raisonnement
astucieux.
Puisse ce fatal exemple nous détourner à jamais de cette politique de
mensonge, d'hypocrisie et d'apparence, par laquelle nous avons été trop
longtemps gouvernés!
Riel n'est pas seulement une victime politique!
C'est un martyr!
Si sa mort, qui est à la fois un acte de barbarie et un soufflet
insolemment jeté à toute une race, a été pour nous une dure leçon,
tâchons qu'elle soit un enseignement.
En entreprenant le douloureux récit du procès et de la mort de Riel,
plus d'une fois la plume nous est tombée des mains!
Nous avons voulu cependant continuer jusqu'au bout cette véridique
histoire.
Il faut que tout le monde la connaisse et s'en souvienne, au jour des
comptes à rendre.
Le meurtre de Regina est pour nous une menace, et en même temps il
nous impose de grands devoirs.
Aucun patriote n'y faillira; car si, ce qu'à Dieu ne plaise, nous devions
les déserter, c'est que nous n'aurions plus de sang dans les veines. On
pourrait écrire sur le livre des destinées: Fin du Canada-français. Nous
serions un peuple avili et mûr pour l'esclavage.
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