«depuis le
premier jour jusqu'au dernier nous avons été constamment trompés.»
Pour tuer Riel, il fallait endormir la vigilance des canadiens-français, et
les empêcher d'intervenir d'une façon vigoureuse et efficace sur les
ministres qui les représentaient.
Pour aboutir à ce but ténébreux, il fallait persuader au gros de la
population que Riel ne serait pas pendu;--que les alarmes des libéraux
étaient des feintes alarmes, mises en avant dans un pur intérêt de
parti;--et qu'il n'y avait aucun besoin de s'en préoccuper, ni de faire
aucune démarche auprès des ministres, parce qu'on pouvait se reposer
sur le gouvernement qui n'avait jamais eu l'intention de pendre Riel, du
soin de mener tout à bien, et de faire intervenir de la manière qui lui
semblerait la meilleure, un acte de clémence, qui était au fond chose
convenue.
Il y a, dit-on, des serpents qui par la puissance de leur regard fascinent
et endorment leur proie, avant de la saisir. C'est ainsi que les suppôts du
gouvernement ont reçu mission, dès le premier jour, d'en user avec
l'opinion, afin de l'endormir dans une fausse sécurité.
Et ce hideux programme a été exécuté de point en point, avec une
persévérance et une habileté véritablement infernale.
Examinons plutôt les faits:
Tout d'abord, M. Le Général Middleton, désireux de cueillir des
lauriers faciles et désespérant de prendre Riel de vive force, lui avait
écrit pour lui demander de se rendre.
D'après tous les précédents connus des peuples civilisés, une semblable
lettre équivalait à une sauvegarde. Après s'être rendu sur une promesse
de ce genre, Riel pouvait s'attendre à être interné pour la vie, mais non
à mourir. Quand on n'a pas été capable de prendre un homme, on n'a
pas le droit de le pendre; et quand on lui a écrit pour lui demander de se
rendre, cela implique--a moins d'une fourberie odieuse--qu'on s'engage
à ne pas lui appliquer le pire traitement auquel il eût pu s'attendre en ne
se rendant pas.
Tout le monde avait compris la chose de cette façon.
Les amis du gouvernement avaient même exploité cette croyance, et
s'en étaient servi, pour engager le public à ne pas trop protester contre
la procédure dont Riel était l'objet. «Le gouvernement, disait-on, était
dans un grand embarras. Il fallait lui laisser les coudées franches, pour
lui permettre de se tirer d'affaire. D'ailleurs qu'importait, au fond, que
Riel fut jugé de telle ou telle façon, puisqu'on savait que dans tous les
cas il ne serait pas pendu?»
Voilà ce qui se répétait alors.
Hélas! nous savons maintenant à quoi nous en tenir!
Le gouvernement à faussé la parole du général Middleton fait assez peu
intéressant sans doute, au point de vue de cet officier, puisqu'il a renié
lui-même sa propre parole, en exprimant à Montréal la barbare passion
de voir pendre le prisonnier dont il eut dû être le premier à défendre la
vie. PREMIER MENSONGE!
Cependant, il y avait des gens qui n'étaient point disposés à tout laisser
faire et qui, connaissant la législation et les pratiques du Nord-Ouest,
s'inquiétaient à bon droit de la façon dont Riel serait jugé.
Des questions furent posées à la chambre.
A ces questions, il fut répondu qu'on pouvait avoir l'assurance que Riel
aurait un procès loyal.
On sait quel a été ce procès; et comment Riel, privé de tous les droits
garantis aux citoyens anglais, par une possession immémoriale, a été
livré en pâture à Richardson, qui n'a pas même voulu écouter la défense,
et à ses six jurés qui ont prononcé le verdict de condamnation.
DEUXIÈME MENSONGE?
Devant la cour de Regina, les avocats chargés de la défense de Riel,
avaient volontairement omis toute la partie de leur plaidoyer qui eût
transformé la cause en un débat politique, et ils s'étaient bornés à
plaider la folie.
A cette époque, on s'étonna fort de l'attitude de MM. Lemieux et
Fitzpatrick; et il parut généralement admis, qu'en vertu d'un contrat
exprès ou tacite avec le gouvernement, les avocats avaient été prévenus
que les ministres ne voulaient ni être appelés en témoignage ni être mis
sur la sellette; et que la discrétion avec laquelle on éviterait de faire
ressortir les fautes du pouvoir était la condition convenue de la grâce de
Riel.
Cependant, dès le lendemain du procès, les journaux des ministres,
obéissant à un mot d'ordre, se sont mis à attaquer les avocats de Riel
avec toute la violence qu'ils auraient pu employer, si ces avocats
avaient transformé le débat en débat politique. On a accusé MM.
Lemieux et Fitzpatrick d'avoir compromis la cause de Riel dans un
intérêt de parti. Ceux qui les accusaient ainsi savaient très bien que
c'était le contraire qui était vrai. Mais peu leur importait! Il fallait faire
une diversion contre le parti libéral et donner, coûte que coûte, à la
discussion une tournure qui empêchât les
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