adgencement sans doubte que le grec et le latin,
mais on l'achète trop cher. Je diray icy une façon d'en avoir meilleur
marché que de coustume, qui a esté essayée en moy mesme: s'en
servira qui vouldra. Feu mon père, ayant faict toutes les recherches
qu'un homme peult faire, parmy les gens sçavants et d'entendement,
d'une forme d'institution exquise... me donna en charge à un Allemand,
qui depuis est mort fameux médecin en France; du tout ignorant de
nostre langue, et très versé en la latine.... Il en eut aussi avecques luy
deux aultres moindres en sçavoir, pour me suyvre, et soulager le
premier: ceulx-cy ne m'entretenoient d'aultre langue que latine. Quant
au reste de sa maison, c'etoit une règle inviolable que ny luy mesme, ny
ma mère, ni valet, ny chambriere, ne parloient en ma compaignie
qu'autant de mots de latin que chascun avoit apprins pour jargonner
avec moy. C'est merveille du fruict que chascun y fit.... Quant à moy,
j'avoy plus de dix ans avant que j'entendisse non plus de françois ou de
perigordin que d'arabesque: et sans art, sans livre, sans grammaire ou
précepte, sans fouet et sans larmes, j'avois apprins du latin tout aussi
pur que mon maistre d'eschole le sçavoit.... Il n'y a tel que d'alleicher
l'appétit et l'affection: aultrement on ne faict que des asnes chargez de
livres; on leur donne à coups de fouet en garde leur pochette pleine de
science; laquelle pour bien faire, il ne fault pas seulement loger chez
soy, il la fault espouser.
Essais, chap. xxv.
III.
CALVIN. Né à Noyon en 1509; mort à Genève en 1564.
Jean Calvin joua un grand rôle au XVIe siècle comme réformateur
religieux. Un Allemand nommé Wolmar, qui fut son professeur de grec,
l'initia aux doctrines de Luther. Il en devint bientôt un des plus zélés
partisans et propagateurs, si zélé à la vérité qu'il fut obligé de quitter
Paris et la France. Il alla en Italie, en Suisse, à Strasbourg, et se fixa
enfin à Genève; il y exerça pendant une vingtaine d'années une autorité
presque absolue.
Comme écrivain Calvin représente l'esprit de méthode et de discipline
dans la littérature française du XVIe siècle. Son premier écrit est UN
COMMENTAIRE LATIN, d'un traité de Sénèque SUR LA
CLÉMENCE. Il y conseille une excellente doctrine qu'il ne pratique
guère.
Le livre qui le place au rang des grands écrivains en prose française est
L'INSTITUTION CHRÉTIENNE. C'est un exposé et une défense
habiles de ses doctrines. Il s'y montre théologien, orateur, écrivain
consommé. Le style est clair et correct, mais roide et sec. Il a la
simplicité, la solidité, et la force; il y manque ce qui manquait à
l'homme, la chaleur, l'émotion, et la sensibilité.
Des vertus du chrétien Calvin n'eut que la foi... Il ne s'attendrit jamais,
il menace toujours; en lui pas un mouvement de pitié, pas une étincelle
d'amour.... Il a traité en ennemis tous ceux qui pensaient autrement que
lui, et dans la cause du Christ il a méconnu le précepte capital de la
morale évangélique: Aimez vous les uns les autres.... Le caractère de
son esprit est la rigueur impitoyable des déductions, la netteté des
conceptions, la vigueur logique qui s'est animée jusqu'à la passion: tel
est aussi le principe des qualités de son style qui l'ont placé au premier
rang comme écrivain. Si l'on compare Calvin aux plus habiles des
prosateurs de son temps, à Rabelais lui-même, on sera frappé de la
nouveauté de son langage. Avant Calvin, la prose, lorsqu'elle essayait
de devenir périodique, se traînait, s'enchevêtrait le plus souvent, et ne
parvenait guère qu'à devenir obscure et diffuse. Calvin lui donna une
allure fière et noble, de la clarté et du nombre; avec lui elle cesse de
bégayer, elle touche la virilité, elle atteint presque à la hauteur de la
prose latine qui lui a servi de modèle.
Géruzez.
IV.
AMYOT. Né à Melun en 1513; mort à Auxerre en 1593.
Jacques Amyot est des savants du XVIe siècle celui qui doit le plus à la
Renaissance, et à qui la Renaissance doit le plus. Elle forma son esprit
et son talent. L'étude de la langue grecque fut pour lui une vraie
vocation.
Trop pauvre pour payer ses professeurs il se fit domestique dans un
collége. Jacques Colin, lecteur du roi, le remarqua et le fit étudier dans
les classes. Amyot en sortit helléniste distingué, et entra dans l'église,
qui était alors la ressource des jeunes gens pauvres et ambitieux.
Professeur de grec du fils de Catherine de Médicis qui devint le roi
Charles IX, il traduisit les Vies illustres de Plutarque. Cette traduction
suffit pour sa gloire; elle est faite de main de maître. Les qualités de la
langue française s'y harmonisent avec celles de la langue grecque. Il y a
même dans Amyot quelquechose

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