Lillustre Olympie, ou Le St Alexis | Page 3

Nicolas-Marc Desfontaines
tout pour toy.
EUPHEMIEN.
Seigneur, quand un sujet vertueux & fidele?Sert son Prince & l'Estat avec beaucoup de zele,?Quelques nobles effets que son coeur fasse voir?Il ne fait qu'obeir aux loix de son devoir,?Et sa fidelité rencontre son salaire?Dans l'honneur qu'il re?oit, ayant l'heur de vous plaire. Aussi quand je demande à vostre Majesté,?Je n'attends rien de moy, mais tout de sa bonté.?Ouy j'espere, Seigneur de vos mains liberales?Un bon-heur sans pareil, & des faveurs royales;?Mais ne presumez pas en cette occasion?Qu'un Sceptre soit l'objet de mon ambition,?Je donne à mes desirs de plus justes limites,?Et j'ajuste mes voeux à mon peu de merites.?Je demande... ah grand Prince! ozeray-je parler?
HONORIUS.
Ouy parle, je le veux,
EUPHEMIEN.
Mes jours vont s'écouler?Des-jà l'age à mon sang communique sa glace,?Et vous voyez icy tout l'espoir de ma race.?C'est ce cher Alexis que le Ciel m'a donné,?Et pour vostre service à l'instant destiné:?Je vous le viens offrir, recevez cet hommage,?Vous avez ve? mes soins, vous verrez son courage?Mais s'il vous plaist, Seigneur, agreez qu'aujourd'huy?J'implore à vos genoux une grace pour luy.?Olympie... ah Seigneur, perdez un temeraire,?Je voy bien dans vos yeux que j'ay p? vous deplaire,?Et je connois assez que ma presomption?A produit d'un seul mot leur alteration.
HONORIUS.
Olympie... achevez...
EUPHEMIEN.
Ah ma faute est trop grande!?Un pardon maintenant est ce que je demande,?L'obtiendray-je Seigneur?
HONORIUS.
Quoy?
EUPHEMIEN.
Le bien que j'ay dit.
HONORIUS.
Olympie?
EUPHEMIEN.
Ah c'est trop!
HONORIUS.
Que je suis interdit!?Parle, ouy si je puis, je tiendray ma Promesse,?Mais Olympie est libre, Olympie est maistresse,?Et celuy dont tu viens implorer le secours?N'est rien que son Esclave.
OLYMPIE.
Ah changez de discours,?Magnanime Empereur, je me s?ay mieux connoistre,?Je s?ay qu'Honorius est mon Prince & mon maistre,?Et je tiendray tousjours à bon-heur de me voir?Soubsmise aux sainctes loix d'un si juste pouvoir.
HONORIUS.
Mais vous mesme cessez, belle & sage Olympie,?De tenir un discours contraire à mon envie;?Si le Sort en naissant vous soubsmit à mes loix,?Vostre rare beauté qui triomphe des Rois?Vous dispense aujourd'huy de cette obe?ssance?Que toute autre que vous devroit à ma puissance,?Et par ces doux attraits qui s?avent tout ravir,?Inspire aux plus grands coeurs l'ardeur de vous servir.?Cette necessité qui n'espargne personne?Me fait mettre à vos pieds mon Sceptre & ma Couronne,?Et mes sens devenus vos plus chers partisans?Ont adjo?té mon coeur à ces nobles presens:?Recevez, Olympie, & Sceptre & Diadéme,?Recevez pour Espoux un Prince qui vous aime,?Et par un peu d'amour respondant à ses voeux,?Vous payrez ses bien-faits, & le rendrez heureux.
OLYMPIE.
Je pourrois écouter l'offre que vous me faites,?Si je pouvois, Seigneur, ignorer qui vous estes,?Mais cet auguste front qui se fait reverer?Me dit trop, grand Monarque, où je dois aspirer,?Et qu'un peu de beauté que je treuve imparfaite?Ne me dispense pas du devoir de sujette:?Dans cette connoissance étouffant mon orgueil,?Le Thr?ne est à mes yeux un dangereux écueil,?Où les ambitieux & superbes courages?Pensans trouver un port rencontrent leurs naufrages.?Ne me parlez donc plus de ces rares presens,?Ces illustres fardeaux sont pour moy trop pesans,?Et vous devez donner à ce coeur adorable?Un objet plus parfait & plus considerable:?Pour moy je ne veux rien de vostre Majesté,?Sinon que mon repos ne me soit pas osté;?Si j'obtiens ce bon-heur, mon ame est satisfaite,?Et mon esprit content à tout ce qu'il souhaite.
HONORIUS.
Par cette humilité vous me rendez confus,?Mais cet abaissement n'est qu'un adroit refus,?Et quand vous aurez mieux reconn? mon hommage?Vous changerez peut-estre un si triste langage.?Souvenez vous enfin qu'il est beau de regner.
OLYMPIE.
Le sort d'Athena?s a p? me l'enseigner.
HONORIUS.
Je suis Honorius, & non pas Theodose.
OLYMPIE.
Vos desirs sont pareils, & pourroient mesme chose.
HONORIUS.
Athena?s & vous differez en ce poinct?Qu'elle e?t une Rivale, & vous n'en avez point.
OLYMPIE.
En un autre, Seigneur, nous differons encore,?Elle ayma les grandeurs, & moy je les abhorre.
HONORIUS.
Hé bien, puis que mon rang fait vostre aversion,?Je ne forceray point vostre inclination,?Mais je conjureray vostre rigueur extréme?De se rendre en faveur de cet autre moy-mesme,?De ce cher Alexis, de qui les qualitez?Ont beaucoup de raport avecque vos beautez:?Il est jeune; il est noble, adroit, & magnanime,?Et (si vous me croyez) digne de vostre estime.?Acceptez, Olympie, acceptez cet Espoux,?Vous l'aimez, je le s?ais; pourquoy rougissez vous??En un si juste choix vous n'estes point blamable,?Alexis vous cherit, Alexis est aimable,?Et le ciel fait en vous des accords trop charmans?Pour separer jamais deux si parfaits Amans.
OLYMPIE.
Ouy, Seigneur, je l'advoue, Alexis a des charmes?Contre qui ma rigueur n'a que de foibles armes,?Mon coeur contre ses traits a long-temps combatu,?Mais enfin il se rend, & cede à sa vertu,?Et pour luy mon amour est tellement entiere?Qu'elle sera ma flame, & premiere & derniere;?J'eus pour luy cet instinc presque dés le berceau,?Et je l'emporteray jusque dans le tombeau,?Où mesme le destin unissant nos deux ames?Souz nos cendres encor fera vivre nos flames.
ALEXIS.
Trop heureux Alexis! hé bien que feras-tu??Coeur ingrat cede enfin, cede à tant de vertu.?Ouy, cedons... Mais helas! qu'est-ce que je vay faire??Dois-je icy, grand Monarque, ou parler, ou me taire??L'excez de mon bon-heur me dérobe
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