tous voyageurs comme lui; de fa?on que, par instants, il vous faisait entendre, �� son gr��, ou une place publique couverte de rumeurs humaines, ou une prairie pleine de voix bestiales; tant?t orageux comme une multitude, tant?t pu��ril et serein comme l'aube.--Du reste, ces talents-l��, quoique rares, existent. Au si��cle dernier, un nomm�� Touzel, qui imitait les cohues m��l��es d'hommes et d'animaux et qui copiait tous les cris de b��tes, ��tait attach�� �� la personne de Buffon en qualit�� de m��nagerie.--Ursus ��tait sagace, invraisemblable, et curieux, et enclin aux explications singuli��res, que nous appelons fables. Il avait l'air d'y croire. Cette effronterie faisait partie de sa malice. Il regardait dans la main des quidams, ouvrait des livres au hasard et concluait, pr��disait les sorts, enseignait qu'il est dangereux de rencontrer une jument noire et plus dangereux encore de s'entendre, au moment o�� l'on part pour un voyage, appeler par quelqu'un qui ne sait pas o�� vous allez, et il s'intitulait ?marchand de superstition?. Il disait: ?Il y a entre l'archev��que de Cantorb��ry et moi une diff��rence; moi, j'avoue.? Si bien que l'archev��que, justement indign��, le fit un jour venir; mais Ursus, adroit, d��sarma sa grace en lui r��citant un sermon de lui Ursus sur le saint jour de Christmas que l'archev��que, charm��, apprit par coeur, d��bita en chaire et publia, comme de lui archev��que. Moyennant quoi, il pardonna.
Ursus, m��decin, gu��rissait, parce que ou quoique. Il pratiquait les aromates. Il ��tait vers�� dans les simples. Il tirait parti de la profonde puissance qui est dans un tas de plantes d��daign��es, la coudre moissine, la bourdaine blanche, le hardeau, la mancienne, la bourg-��pine, la viorne, le nerprun. Il traitait la phthisie par la ros solis; il usait �� propos des feuilles du tithymale qui, arrach��es par le bas, sont un purgatif, et, arrach��es par le haut, sont un vomitif; il vous ?tait un mal de gorge au moyen de l'excroissance v��g��tale dite _oreille de juif_; il savait quel est le jonc qui gu��rit le boeuf, et quelle est la menthe qui gu��rit le cheval; il ��tait au fait des beaut��s et des bont��s de l'herbe mandragore qui, personne ne l'ignore, est homme et femme. Il avait des recettes. Il gu��rissait les br?lures avec de la laine de salamandre, de laquelle N��ron, au dire de Pline, avait une serviette. Ursus poss��dait une cornue et un matras; il faisait de la transmutation; il vendait des panac��es. On contait de lui qu'il avait ��t�� jadis un peu enferm�� �� Bedlam; on lui avait fait l'honneur de le prendre pour un insens��, mais on l'avait relach��, s'apercevant qu'il n'��tait qu'un po?te. Cette histoire n'��tait probablement pas vraie; nous avons tous de ces l��gendes que nous subissons.
La r��alit�� est qu'Ursus ��tait savantasse, homme de go?t, et vieux po?te latin. Il ��tait docte sous les deux esp��ces, il hippocralisait et il pindarisait. Il e?t concouru en ph��bus avec Rapin et Vida. Il e?t compos�� d'une fa?on non moins triomphante que le P��re Bouhours des trag��dies j��suites. Il r��sultait de sa familiarit�� avec les v��n��rables rhythmes et m��tres des anciens qu'il avait des images �� lui, et toute une famille de m��taphores classiques. Il disait d'une m��re pr��c��d��e de ses deux filles: _c'est un dactyle_, d'un p��re suivi de ses deux fils: _c'est un anapeste_, et d'un petit enfant marchant entre son grand-p��re et sa grand'm��re: _c'est un amphimacre_. Tant de science ne pouvait aboutir qu'�� la famine. L'��cole de Salerne dit: ?Mangez peu et souvent?. Ursus mangeait peu et rarement; ob��issant ainsi �� une moiti�� du pr��cepte et d��sob��issant �� l'autre; mais c'��tait la faute du public, qui n'affluait pas toujours et n'achetait pas fr��quemment. Ursus disait: ?L'expectoration d'une sentence soulage. Le loup est consol�� par le hurlement, le mouton par la laine, la for��t par la fauvette, la femme par l'amour, et le philosophe par l'��piphon��me.? Ursus, au besoin, fabriquait des com��dies qu'il jouait �� peu pr��s; cela aide �� vendre les drogues. Il avait, entre autres oeuvres, compos�� une bergerade h��ro?que en l'honneur du chevalier Hugh Middleton qui, en 1608, apporta �� Londres une rivi��re. Cette rivi��re ��tait tranquille dans le comt�� de Hartford, �� soixante milles de Londres; le chevalier Middleton vint et la prit; il amena une brigade de six cents hommes arm��s de pelles et de pioches, se mit �� remuer la terre, la creusant ici, l'��levant l��, parfois vingt pieds haut, parfois trente pieds profond, fit des aqueducs de bois en l'air, et ?a et l�� huit cents ponts, de pierre, de brique, de madriers, et un beau matin, la rivi��re entra dans Londres, qui manquait d'eau. Ursus transforma tous ces d��tails vulgaires en une belle bucolique entre le fleuve Tamis et la rivi��re Serpentine; le fleuve invitait la rivi��re �� venir chez lui, et lui offrait son lit, et lui disait:
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