et qu'on ne pense pas que l'émulation, parmi les
préposés, soit une chose à dédaigner.
Je crois, citoyen représentant, en avoir dit assez pour vous prouver qu'il
est nécessaire de confier les postes à un petit nombre d'hommes
instruits dans cette partie, plutôt qu'à des personnes neuves pour les
détails de ce service[6]; et que des régisseurs ayant, ainsi que des
fermiers, un intérêt dans les produits, et de plus des lumières et de
l'expérience, doivent promettre plus sûrement de sages et utiles
améliorations[7].
Je ne pourrois trop répéter que, dans cette administration, l'expérience
est peut-être le premier mérite qui soit nécessaire; en effet, pour
pouvoir parvenir à simplifier les ressorts compliqués de cette machine
sans arrêter sa marche, il faut les bien connoître. Pour pouvoir opérer
une juste réduction du nombre des agens, il faut avoir une idée nette et
précise de la force et de la nature du travail intérieur de chacun des
bureaux de Paris et des départemens, de leur correspondance entre eux,
de leur situation respective et de leur organisation particulière. Si des
fautes ou des infidélités excitent les plaintes du public, il faut souvent
en deviner la cause, ou en avoir étudié le principe. Il faut enfin avoir eu
le temps de connoître la moralité et la capacité des préposés, afin de
mettre chacun à la place à laquelle il convient.
Aussi-tôt que la loi aura prononcé sur la réforme du tarif et des abus
des contre-seings et franchises, les postes deviendront productives.
Si ensuite le Corps Législatif, sans égard pour les intérêts particuliers
des solliciteurs de grands changemens, veut se convaincre qu'il n'est
pas possible, dans ce moment, de livrer les postes à des entrepreneurs,
ni de fixer, soit le prix d'un bail, soit le service constant qu'ils seroient
tenus de faire; qu'il seroit dangereux de mettre les postes hors de la
main ou trop dans la main du gouvernement, en les soumettant aux
ordres d'un seul homme, qu'un commissaire et les frais qu'il
occasionneroit seront inutiles du moment où il existera une
administration intéressée, qui n'aura besoin d'être assujétie qu'à la
surveillance du ministre des finances; qu'il ne faut pas discontinuer de
faire diriger cet établissement par d'anciens employés, et qu'il faut
craindre d'anéantir, parmi les préposés, une juste émulation; s'il
reconnoît la nécessité de réunir les postes aux chevaux aux postes aux
lettres; s'il veut enfin exciter l'activité des administrateurs, en leur
accordant une remise de trois deniers pour livre, sur les sommes qu'ils
verseront de net à la trésorerie nationale, je suis persuadé, citoyen
représentant, que les postes ne tarderont pas ensuite à devenir aussi
florissantes qu'elles l'étoient autrefois, tant par rapport à leurs produits,
que relativement à la force d'action qui rendra à toutes les parties du
service leurs ancien mouvement et leur sûreté.
Telles sont, citoyen représentant, mes vues sur le service général des
postes. Vous étant exposées avec précipitation, elles méritent et
demandent votre indulgence.
Il me reste à parler des messageries. Si cette lettre obtient votre
approbation, je ne tarderai pas à vous en adresser une seconde qui
traitera de cette dernière partie.
CH. DUGAS.
Paris, 10 Brumaire, an cinquième.
NOTES
Note 1: La dépense de 1790 n'a été que de 4,654,961 liv. Si elle est plus
forte aujourd'hui, il faut considérer que les circonstances et la guerre
exigent un plus grand nombre d'employés et de couriers, que le prix des
courses des chevaux est plus considérable qu'autrefois, et que celui de
tous les objets nécessaires à l'exploitation a beaucoup augmenté.
Des réformes nombreuses viennent d'être faites dans les sections des
postes et relais.
Note 2: Il est impossible de mettre des entraves à cette concurrence que
permet la constitution et que demande la liberté de l'industrie.
Pourroit-on empêcher un journaliste, ou autre citoyen, de confier ses
journaux ou son argent à tout autre établissement que celui de la poste?
Note 3: Certaines personnes, assimilant les postes à un domaine,
s'imaginent que parce qu'un propriétaire trouve souvent plus
d'avantages à affermer sa terre qu'à la faire régir, il convient pour la
même raison d'affermer les postes. D'abord, les postes ne doivent pas,
comme une terre, être estimées seulement relativement à leurs produits:
elles présentent pour l'état, le commerce, et chaque citoyen en
particulier, un intérêt et une utilité indépendans du fisc; ensuite je ne
dis point qu'elles doivent être confiées à de simples régisseurs plutôt
qu'à des fermiers, mais que le gouvernement devroit être autorisé à
faire à leur égard comme beaucoup de propriétaires qui font exploiter
leurs terres par des métayers qu'ils surveillent, auxquels ils fournissent
tous les objets nécessaires à la culture et à qui ils accordent une portion
déterminée dans les récoltes.
Note 4: Je ne partage pas l'opinion de ceux qui pensent qu'il seroit utile
d'accorder aux directeurs un intérêt dans leur recette particulière. Il
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