chevaux, de la main-d'oeuvre, par la réduction du nombre des employés,
et par les profits incalculables qu'occasionnera la vivification générale
du commerce.
L'on se doute de ce qui arriveroit alors. Le gouvernement casseroit le
bail. Mais voilà une atteinte portée à la foi publique; voilà les traités
faits avec le gouvernement moins solides que les transactions passées
entre particuliers.
Cette règle ne seroit pas juste, parce qu'en 1790 le territoire français
étoit borné à nos anciennes limites, et qu'il a été depuis beaucoup
agrandi par la réunion des pays conquis.
Enfin toute autre base moyenne seroit également sujette à conduire à
des erreurs et à des faux résultats, dans un moment où les mesures
nouvelles qui seront prises sur les contre-seings, les franchises et le
tarif, doivent produire des effets qui ne peuvent encore être bien
déterminés.
Je ne conçois pas d'ailleurs comment le gouvernement pourroit donner
à l'entreprise une partie dont il lui sera difficile de garantir aux
entrepreneurs la jouissance exclusive. Je m'explique: les produits des
postes consistent dans les transports des lettres, d'argent, des ouvrages
périodiques. Il s'est élevé depuis quelque temps plusieurs établissemens
qui se chargent pour Lyon, Amiens, Calais, Lille, Rouen, Metz, etc.,
outre le transport de voyageurs, de celui de lettres, argent, journaux et
brochures: il peut s'en former de nouveaux, en vertu de la loi du 25
vendémiaire, an troisième, qui les autorise[2]. Que pourroit faire le
gouvernement, lorsque les fermiers des postes viendroient se plaindre
que cette concurrence les ruine et les met hors d'état de remplir les
clauses de leur bail?
J'ajoute qu'on ne pourroit pas dans ce moment fixer, par un traité d'une
manière sûre et constante, le nombre de malles que les fermiers seroient
tenus de faire partir régulièrement des divers points de la République.
Ce nombre peut être sujet à beaucoup de variations; et si, après l'avoir
fixé, il devenoit intéressant de l'augmenter, les fermiers ne seroient-ils
pas libres de s'y refuser?
Vous devez croire en conséquence, citoyen représentant, que l'intérêt
de la République et peut-être même celui des entrepreneurs, doivent
faire rejetter tout systême de ferme des postes, jusqu'à ce qu'après une
réforme du tarif, une amélioration dans les produits, et sur-tout un ordre
constant des choses qui naîtra de la jouissance de la paix, aient pu
donner une juste évaluation du prix d'un bail.
Peut-être même les postes ne devront-elles pas à l'avenir devenir la
proie d'une compagnie fermière. Ce porteur actif des ordres
extraordinaires du gouvernement, de la correspondance des ministres,
de celle des citoyens, n'y aura-t-il point de danger à l'abandonner en des
mains nouvelles et presqu'étrangères? Du moment où il ne sera
considéré que par rapport au fisc et à ses produits, ne fera-t-on pas
moins attention aux moyens de succès que des factions pourroient y
trouver? Le Directoire, répond-on, nommeroit un commissaire. C'est
justement ce commissaire que je craindrois, qui seroit en quelque sorte
souverain dans cette partie, devant lequel les fermiers n'auroient aucune
autorité relativement à l'inviolabilité des lettres et à la sûreté du service
des relais, et qui pourroit produire les plus grands maux, s'il venoit
jamais à entrer dans une conjuration contre la constitution. Qui violoit
le secret des lettres avant la révolution? qui étoit le maître de modérer,
d'activer, de suspendre le service des postes aux chevaux? Ce n'étoient
pas les fermiers, mais bien uniquement le commissaire du roi; et c'est
un nouvel intendant-général des postes qu'on ne rougit pas de demander
sous un gouvernement libre!
On ne doit pas oublier que si l'imprimerie a répandu par-tout les
lumières de la philosophie, ses succès n'ont été rendus si rapides que
par le secours des postes. Une vérité non moins réelle, c'est que si, d'un
côté, la liberté de la presse est le palladium de la République; de l'autre,
la liberté des postes peut seule maintenir et assurer les effets de la
liberté de la presse. Anéantissez ou entravez les moyens de
communication, que deviendroient les avis des plus courageux
républicains, si la liberté menacée les conjuroit de répandre l'alarme?
Je desirerois savoir ce que, dans le systême de la ferme, on compte faire
des postes aux chevaux. Les titulaires des relais sont des propriétaires
uniquement assujétis au tarif déterminé par la loi et à quelques
réglemens de police. Ils ne pourroient être soumis aux ordres des
entrepreneurs qui dépendroient d'eux, quant au service des malles, et
qui auroient continuellement avec eux des relations d'intérêt. On me dit
que les postes aux chevaux seront confiées au commissaire du
Directoire. Quoi! un seul homme seroit directeur suprême d'un
établissement aussi important! Si l'on me répond qu'autrefois il en étoit
ainsi, je n'ai plus rien à répliquer.
Des vues d'économie suffisent seules pour faire rejeter le projet de
création d'un commissaire. En effet, elle entraîneroit celle de ses
bureaux à Paris, et de ses
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