faut que le malheureux fournisse le nombre d'esclaves qu'il est convenu de fournir, s'il ne veut voir ses parens emmenes en esclavage. Ainsi, grace a l'influence coupable de la Traite, les affections domestiques et sociales, les liens meme du sang et tous les sentimens les plus chers a la nature, deviennent des stimulans au brigandage et a la depredation. Ainsi l'amour des parens, cette colonne de l'edifice social, sur laquelle sont fondes la securite et le bonheur de la grande famille des hommes, la Traite le change en instrument de cruaute et d'oppression. Tels sont les faits particuliers relatifs au fleau de la Traite. C'est dans l'histoire des Indes Occidentales par Mr. Bryan Edwards, qu'il faut lire le tableau general de la Traite, dans toute sa hideuse horreur. Quoique planteur et partisan de la Traite, il a eu la franchise de convenir, que, grace a ce fleau, une grande partie du continent africain n'est qu'un vaste champ de carnage et de desolation, un desert ou les habitans s'entre-devorent comme des betes feroces, un theatre de trahison, de fraude, d'oppression et de sang. C'est ainsi que la Traite a ete appelee par l'un des premiers hommes d'Etat de la Grande-Bretagne, "le plus grand fleau qui ait jamais afflige la race humaine." Cependant nous pourrions en dire davantage encore que nous n'en avons dit.
Apres cette longue enumeration d'horreurs et de crimes, on doit supposer que nous en avons epuise la liste; mais il nous reste a mentionner le plus grand de tous ces maux, parce qu'il est la source de tous les autres. A quelque degre d'horreur que s'elevent tant d'atrocites, quelle que soit l'etendue de leurs ravages, si l'on pouvait du moins prevoir un terme a tant de maux, quelque recule que fut ce terme, ce serait un motif de consolation. Ah! si, du moins, on pouvait esperer que les principes et les moeurs d'Europe pussent penetrer dans l'Afrique a la faveur des communications de la population africaine avec les nations europeennes; si l'on pouvait esperer de voir un jour l'influence de la civilisation et, surtout, la bienfaisante lumiere du christianisme, briller dans ces regions couvertes des tenebres de l'ignorance; si l'ordre et les lois, marchant a la suite des lumieres et de la religion, pouvaient remplacer, sur ces tristes rivages, le brigandage et la terreur! Mais helas! c'est la l'un des caracteres les plus deplorables de cette Traite si feconde en calamites, qu'elle se suffit a elle-meme pour se perpetuer d'une generation a l'autre, et qu'elle trouve dans sa domination presente le gage de sa domination future. C'est a l'abri des lois que grandit la civilisation. La ou la securite n'existe ni pour les personnes, ni pour les proprietes, il n'y a point de civilisation possible. Mais l'Afrique, qu'est-ce autre chose qu'un vaste theatre de trahison, de terreur et d'anarchie? Cet horrible systeme de crime et de brigandage, que, par un deplorable abus des mots, on a ose appeler un commerce, maintient, dans un etat permanent d'inquietudes et d'alarmes, le pays ou il exerce sa coupable influence. Ce n'est que dans la partie des cotes, le long des rivages de l'ocean, que l'enfant de l'Afrique peut communiquer avec les peuples plus avances que lui dans la carriere de la civilisation: c'est la precisement que la Traite a etabli son trone sanglant; c'est la qu'elle a eleve un mur d'airain pour intercepter tous les progres de l'esprit humain, tous les rayons de la morale et de la religion. C'est ainsi qu'elle a mis un embargo sur la civilisation africaine, et a relegue ce vaste continent dans une prison de degradation et d'ignorance.
De la un phenomene etrange et qui ne s'etait point encore presente dans les annales du genre humain. Nous y verrons peut-etre la plus forte preuve des effets devastateurs de ce commerce homicide. Si nous suivons, avec attention, les progres du genre humain s'elevant d'un etat d'ignorance et de barbarie a un etat de lumiere et de civilisation, nous trouverons, et cette observation est generale, nous trouverons que c'est sur les bords des rivieres, et sur les cotes de la mer, qui, par leur position geographique, offraient plus de moyens de contact avec les etrangers, que la civilisation a pousse ses premieres racines. Ainsi, l'ordre civil, la science sociale, l'agriculture, l'industrie, les sciences et les arts, ont fleuri, d'abord, sur les cotes, et c'est de la que les connaissances et les lumieres se sont repandues dans l'interieur. Malheureusement, le contraire a eu lieu a l'egard de l'Afrique. La, les habitans des cotes, qui, depuis long-temps, communiquent avec les nations les plus policees de l'Europe, sont dans un etat complet d'ignorance et de barbarie. Il est vrai qu'ils consomment les articles de nos manufactures; mais c'est la tout l'avantage qu'ils ont retire de notre commerce: nous ne leur avons communique d'autre
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