Lettre à lEmpereur Alexandre sur la traite des noirs | Page 9

William Wilberforce
partie des colons des Indes
Occidentales residaient dans la mere patrie, au lieu de vivre sur leurs
plantations, comme les colons francais et espagnols. Plusieurs d'entre
eux faisaient partie du parlement. Ils avaient plusieurs de leurs agens
dans la Chambre des Communes. Tous les proprietaire savaient leurs
creanciers hypothecaires et leurs agens commerciaux residant a
Londres, et dans les autres grands ports de l'Angleterre. C'etaient des
hommes extremement riches et de grande influence, dont les interets
etaient etroitement unis a ceux de ces proprietaires. Tous ces individus
etaient animes du zele, de l'activite et de la perseverance que
communique un interet mal entendu. L'etablissement des colonies
anglaises dans les Indes Occidentales, datait de si loin, les proprietaires
de ces colonies, residant dans les diverses provinces du royaume,
etaient devenus si nombreux, qu'insensiblement ils s'etaient entoures
d'une vaste atmosphere d'interets homogenes faisant cause commune
avec les leurs.
[Note 2: Liverpool. C'est de cette ville que se faisaient presque tous les
armemens pour l'Afrique.]
Une foule d'honnetes gens etaient arrives, peu a peu, a partager leurs

erreurs et leurs craintes. Ainsi leurs idees etaient devenues le partage
d'une grande partie de la nation, et un grand nombre de citoyens probes
et desinteresses qui, s'ils eussent connu la nature de la Traite, fussent
devenus nos amis et nos soutiens, etaient alors dans les rangs de nos
ennemis, d'autant plus redoutables qu'ils etaient plus consciencieux. Le
corps colonial etait donc devenu un parti puissant dans l'Etat, et, en
Angleterre, un parti de quelque importance ne tarde pas a avoir des
champions et des defenseurs au sein du parlement. Reconnaissons
neanmoins, a l'honneur du caractere britannique, qu'il ne se trouva alors
aucun homme remarquable par son influence ou ses talens, et, a
l'exception de ceux dont les interets etaient specialement compromis
dans cette grande question, aucun individu dans la Grande-Bretagne,
qui ne condamnat franchement la Traite comme indigne d'etre defendue,
se bornant a repousser notre mode d'abolition, comme moins efficace et
moins juste que celui qu'ils proposaient. Par toutes les raisons que nous
venons de detailler, il arriva qu'une confederation puissante se forma
contre nous. Long-temps elle trouva les forces necessaires pour
repousser toutes nos attaques et aneantir nos esperances les mieux
fondees. Mais les amis de l'abolition ne se decouragerent pas. Nous
jugeames qu'il entrait dans notre plan et dans notre devoir, de
contre-balancer et de combattre l'opposition redoutable qui s'etait
formee de tous ceux qui regardaient leurs interets menaces par la
solution de cette grande question. Nous pensames que le meilleur
moyen a employer, etait d'enroler sous nos drapeaux et d'amener sur le
champ de bataille, tout ce que la Grande-Bretagne comptait de citoyens
sages, bons et humains. Nous nous employames, sur-le-champ, a cette
grande oeuvre, et nous la poursuivimes avec une imperturbable
perseverance. Confians dans la justice de notre cause, nous sentimes
qu'il nous fallait faire un appel a tous les esprits humains, eclaires et
genereux. Les erreurs et les mensonges de nos adversaires furent
refutees, un a un, et exposes au grand jour. On pulverisa cette insolente
allegation que les Noirs sont d'une nature inferieure a la notre, calomnie
effrontee et atroce, au moyen de laquelle les bourreaux osaient arguer
de l'etat de misere ou ils avaient reduit leurs victimes, et s'en faire un
titre pour continuer, a leur egard, leurs attentats et leurs cruautes.
Cependant cette lache imposture avait ete generalement repandue.
Affirmee par les historiens, adoptee par les philosophes, les marchands

d'esclaves et les colons s'en etaient habilement empares, et en faisaient
l'un de leurs argumens favoris. Telles avaient ete, selon eux, les fatales
consequences de cet etat d'inferiorite intellectuelle et d'avilissement
moral, dans lequel etaient plonges les malheureux Africains, que le mal
etait devenu incurable, et que, bien qu'ils n'approuvassent pas tous les
moyens mis en usage par la Traite, encore etait-ce rendre un service
reel a ces miserables, que de les arracher a une terre de malediction
pour les transporter a un esclavage eternel aux Indes Occidentales.
Ainsi, on joignait l'insulte au crime contre ces deplorables victimes de
l'avarice europeenne. Pour confondre ces coupables allegations, il fut
prouve qu'a l'exception de ceux qu'avait corrompus le commerce des
nations europeennes, les enfans de l'Afrique etaient en general
eminemment bons, aimans et hospitaliers. Les voyageurs Mungo Park
et Golberry, bien que ce dernier fut personnellement interesse a
favoriser la Traite, n'en attesterent pas moins, par d'innombrables et
irrecusables temoignages, le naturel bon et humain des Africains, leur
bienveillance, leur politesse, leur tendresse pour les auteurs de leurs
jours et pour leurs enfans, leurs affections domestiques et sociales, leur
Amour de la verite, leur courage, leur reconnaissance, leur fidelite dans
l'union conjugale, leur industrie et leur perseverance dans le travail
lorsqu'ils ont quelqu'espoir d'en recueillir le fruit, leur attachement
extraordinaire a leur pays et aux lieux qui les ont vus naitre, et,

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