Les vrais sous-offs | Page 6

Georges Darien

Il aurait fallu, pour le tendre avec quelque chance de succès, que M. Descaves ne couvrit
point de ridicule, en nous le peignant comme un esprit borné, le seul honnête homme qu'il
ait daigné voir dans l'armée.
Ah, certes! en mettant en scène l'adjudant Boisguillaume, qui vit modestement à la
caserne, passant entre son épouse et son sabre les rares instants que lui laisse
l'accomplissement de ses doubles devoirs, on avait une belle oeuvre à faire.
C'est une oeuvre de haine qu'on a perpétrée!
Ah! la haine!!...
Combien il eut mieux valu, pourtant, ne pas se laisser aveugler par la rancune, et voir les
choses telles qu'elles sont.
Mais, vous n'avez donc jamais assisté, M. Descaves, au défilé prestigieux de nos braves
troupiers, à Longchamps, le 14 juillet?
Le colonel en avant, précédé des tambours et des clairons, les capitaines à la tête de leurs
compagnies, nos braves sous-officiers en serre-file, les régiments, sous les plis claquants
du drapeau qui semble rire à la victoire, aux mâles accents de la Marseillaise, défilent
devant les représentants de la Patrie!
Si vous aviez assisté à ce spectacle grandiose, M. Descaves, vous auriez appris, à l'allure
martiale, à la belle tenue, à la santé radieuse, à l'héroïque gaîté de nos soldats qu'il ne peut
y avoir place dans leurs rangs pour toutes les plaies honteuses que vous avez voulu nous
y montrer!
Et puis, prenez y garde, M. Descaves. En accusant les moeurs de l'armée, en taxant
d'immoralité ceux qui sont ses véritables instructeurs, vous jetez l'injure à la France tout
entière.
L'uniforme, tout le monde le porte, aujourd'hui. Les galons, ils sont l'apanage des plus
dévoués et des plus dignes; tous peuvent y prétendre; et c'est maintenant surtout, que tout
soldat porte dans sa giberne le bâton de maréchal!
L'armée n'est plus une caste; c'est l'incarnation du Peuple. Le fossé qui séparait autrefois
l'élément militaire de l'élément civil n'existe plus.
Ce fossé, la redingote de M. de Freycinet l'a comblé!
* * * * *
Admettre la corruption de l'armée, c'est croire à la corruption de la nation elle-même.
Accuser les sous-officiers de vol et de concussion, c'est accuser tous ces modestes
travailleurs qui, dans nos administrations, tant privées que publiques, dans nos usines,

dans nos ateliers, sont les plus intelligents et les plus dévoués auxiliaires de cette
prospérité dont notre immortelle Exposition a donné un éclatant témoignage.
Ouvrez les journaux à la Chronique du Bien, lisez les comptes-rendus de ces séances où
l'Académie française récompense solennellement des actes de vertu ou de haute probité;
prenez connaissance de ces longues listes de médailles qui vont briller, éclatants
témoignages de dévouement, sur la poitrine des sauveteurs, et comptez combien de noms
d'anciens sous-officiers figurent sur les palmarès de l'honneur!
Pour les besoins de son infâme campagne de calomnies, M. Descaves veut nous faire
croire que des gens qui font preuve, après avoir quitté l'uniforme, du désintéressement le
plus méritoire, n'ont pas fait sous les drapeaux l'apprentissage de la vertu!
C'est se moquer de nous!
Non! Les soldats d'aujourd'hui sont les dignes fils de leurs aînés et nous pourrions les voir,
si des heures lugubres sonnaient encore pour les destinées de la Patrie, sacrifier jusqu'à
l'or de leurs galons sur ses autels, et, semblables aux vétérans de l'An II, porter comme l'a
dit Victor Hugo:
L'épaulette de laine et la dragonne en cuir!
* * * * *
M. Descaves ne s'est pas tenu pour satisfait de nous montrer les sous-officiers lâches et
cupides, il lui a fallu encore les souffleter avec une abominable accusation d'ivrognerie et
de moeurs infâmes.
Alcool et absinthe, voilà leurs dieux!
Femmes mariées, servantes d'auberges, filles de mauvais lieu, sont l'objet de leur
exploitation éhontée. Pour en tirer de l'argent, tous les moyens leur sont bons. Ils s'en
vantent entre eux. Ils en rient. Leur cynisme laisse bien loin derrière lui celui des rôdeurs
de barrière. M. Descaves a cousu le galon de leur grade sur une casquette à trois ponts!
Il nous est douloureux de nous étendre sur un pareil sujet, et, sans notre désir ardent de ne
pas laisser debout une seule des poutres de cet échafaudage de carton qu'est Sous-Offs,
nous nous arrêterions ici.
D'ailleurs, le sujet que nous traitons maintenant est d'une gravité exceptionnelle. Il ne
suffit plus de donner un aperçu du livre, il faut en citer des passages entiers, pour n'être
point taxé d'invraisemblance et de parti pris dans sa réfutation.
Laissons la parole à M. Descaves. Puisqu'il a osé porter le vilebrequin du cynisme dans le
tonneau de la honte, qu'il en boive l'amère liqueur.
Voici des passages entiers de Sous-Offs:

Page 45:
«Deux sous-officiers, au moment de rentrer au quartier, heurtèrent deux vieilles femmes
en cheveux, grelottant, l'une dans un paletot d'homme, l'autre dans un vaterproof
trentenaire.
«--Nous nous retrouverons là, dit Favières.
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