leurs ennemis.
Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle
que deux cents Iroquois,
pris d'une ardeur nouvelle,
Viennent pour un combat prochain.
«Alors, répond Champlain,
puisqu'ils veulent la guerre,
«Et, par orgueil, rougir de leur sang cette
terre,
«Ils seront exaucés demain!»
Le soir, notre héros, entouré de ses braves
Qui n'ont jamais connu la
honte des entraves,
Marche au devant des Iroquois.
Il les rejoint à l'aube, au milieu de
leur danse,
Aux bords du lac Champlain.--Assoiffés de vengeance.
Les Hurons vident leurs carquois.
Le soleil, qui se lève, embrase la
ramée
Où se tiennent Champlain et sa modeste armée
Un ennemi vient les voir;
C'est un chef que distingue un panache de
plumes,
Et son accoutrement diffère ses costumes
Des autres monstres à l'oeil noir.
Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure:
«A tous ces gueux
il faut ôter la chevelure,
«Et la faire flotter aux vents!»
Champlain, sortant du bois, au premier
rang se place,
Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place,
Le chef et ses premiers suivants!
Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte;
Ils luttent
chaudement, mais leur bravoure est feinte:
La frayeur se lit dans leurs yeux!
Ils reculent bientôt en cohorte
confuse,
Épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse
Que Champlain décharge sur eux!
Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles
Qui devaient déchirer
de leurs ongles horribles
Les cadavres de leurs rivaux!
Ils sont lâches, c'est vrai, mais--tigres
indomptables--
Ils voudront assouvir leurs haines implacables
Contre Champlain et ses héros.
Les ans passent. Champlain quitte la colonie
Pour aller demander à la
France bénie
Les soldats de la vérité.
Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les
balles
Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales:
Du prêtre il faut la charité!
Il revient au printemps, le coeur rempli de joie,
Avec de fiers colons
que la patrie envoie
Escortés de religieux.
A sa charge il pourra se livrer sans relâche,
Laissant aux récollets la grande et sainte tâche
De gagner des âmes aux cieux!
Il fonde, il établit de florissants villages
Où naguère émergeaient des
bourgades sauvages
Couvertes d'un maigre gazon;
A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y
balance,
Promettant au colon la joie et l'abondance
Pour les jours de l'âpre saison.
Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune
Fait voir aux ennemis
l'horreur de la rancune
Et prêche la fraternité;
Il soutient des combats qui le couvrent de
gloire,
Et pose les jalons d'une héroïque histoire
Qu'il lègue à la postérité!
Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre
Où venaient
autrefois se reposer à l'ombre
Le chevreuil, la biche et l'élan.
La vigne et le noyer sont tombés sous
la hache
La nature a jeté son large et vert panache
Pour se couvrir du drapeau blanc!
L'harmonie et l'amour ne sont plus
dans les branches
Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons
blanches
Pleines d'enfants frais et mignons.
Là vit de ses sueurs un petit peuple
brave
Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave:
«J'attends l'effet de vos canons!» [1]
[Note 1: Réponse de Champlain à la sommation de David Kertk, 10
juillet 1628.]
Un peuple de héros à la trempe athlétique,
A l'âme généreuse, au
coeur patriotique,
Luttant pour la France et ses droits:
Un peuple qui bénit du prêtre
l'influence
Et coule sur ce sol une heureuse existence
A l'ombre sainte de la croix!...
C'est ton oeuvre, Champlain, ô gouverneur illustre!
C'est toi qui fis
grandir, en lui donnant ton lustre,
Ce peuple honnête et vigoureux;
C'est toi qui le soutins aux heures de
l'épreuve;
C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve;
C'est toi qui le rendis heureux!
Un quart de siècle et plus, tu manias
sans trêve
La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive
Pour assurer son avenir.
Et quand la mort parut au seuil de ta
demeure,--
Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure,--
Sans trembler tu la vis venir!
Bien des ans ont passé depuis que ta grande âme
S'est envolée aux
cieux, et la patrie acclame
Ton nom toujours retentissant.
Vois--grain de sénevé que tu jetas en
terre--
Ces millions de coeurs te proclament leur père
De ce pays libre et puissant!
Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire
Où ton astre brillant se
coucha dans sa gloire,
Un bronze digne de renom;
Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se
réalise:
Le peuple de Québec de zèle rivalise
Pour immortaliser ton nom.
ENVOI
On sait que l'éloquence avec la poésie
Vous nourrirent jadis de leur
douce ambroisie.
Car votre langue, ô maître! est une lyre d'or
Réveillant même ceux que l'ignorance endort!
Le ciel vous donna l'art de plaire et de convaincre
Et celui de
combattre une erreur et la vaincre...
Ah! c'est que votre coeur exhale
des accents
Doux comme le cinname et purs comme l'encens!
Vous aimez--quand le peuple, enchanté, vous acclame,
A parler, l'oeil
humide, et la fierté dans l'âme,
De ces illustres morts qui furent nos
aïeux
Et dont les grands exploits vous rendent orgueilleux;
Alors vous recevrez, j'en ai la confiance,
Avec votre sourire et votre
bienveillance,
Ces vers que je redis en l'honneur du chrétien
Que
vénère et bénit le peuple canadien!
Avril 1891.
LA
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