Les vivants et les morts | Page 4

Anna de Noailles
jamais votre voix rassurante??Quoi! M��me avant la mort, il est de tels d��parts??Qui parle en moi? Mon corps, mes pensers sont ��pars.?Je ne distingue plus ma chambre famili��re;?Peut-��tre ma raison a perdu sa lumi��re??Un aussi grand chagrin n'est pas net aussit?t;?J'essaierai, mais pourrai-je accepter ce fardeau?
Que seront mes repos, que seront mes voyages?Si je ne vois jamais l'air de votre visage??Mon esprit, comme une apre et morne ��ternit��,?Embrasse un monde mort, des astres d��vast��s.?Je ne peux plus savoir, tant ma vie est exsangue,?Si c'est vous, ou si c'est l'univers qui me manque.?Et m��me en songe, dans la pensive clart��,?Je me d��bats encor pour ne pas vous quitter...
ON NE PEUT RIEN VOULOIR...
On ne peut rien vouloir, mais toute chose arrive,?Je ne vous aime pas aujourd'hui tant qu'hier,?Mon coeur n'est plus une eau courant vers votre rive,?Mes pensers sont en moi moins divins, mais plus fiers.
Je sais que l'air est beau, que c'est le temps qui brille,?Que la clart�� du jour ne me vient pas de vous,?Et j'entends mon orgueil qui me dit: ?Ch��re fille,?Je suis votre refuge ��ternel et jaloux.
?Quoi, vous vouliez trahir le d��sir et l'attente??Vous vouliez ��tancher votre soif d'infini??Vous, reine du d��sert, qui dormez sous la tente,?Et dont le coeur vorace est toujours impuni?
?Vous qui r��viez la nuit comme un palmier d'Afrique?A qui le vaste ciel arrache des parfums,?Vous avez souhait�� cet humble amour unique?O�� les pleurs consol��s tarissent un �� un!
?Vous avez souhait�� la tendresse peureuse,?L'��lan et la stupeur de l'antique animal;?On n'est pas �� la fois enivr��e et heureuse,?L'univers dans vos bras n'aura pas de rival;
?Comme le Sahara suffoqu�� par le sable?Vous br?lerez en vain, sans qu'un limpide amour?Verse �� votre chaleur son torrent respirable,?Et vous donne la paix que vous fuiriez toujours...?
--Et, tandis que j'entends cette voix forte et br��ve,?Je regarde vos mains, en qui j'ai fait tenir?Le flambeau, la moisson, l'��vangile et le glaive,?Tout ce qui peut tuer, tout ce qui peut b��nir.
Je regarde votre humble et d��licat visage?Par qui j'ai voyag��, vogu��, chant��, souffert,?Car tous les continents et tous les paysages?Faisaient de votre front mon sensible univers.
--Vous n'��tes plus pour moi ces jardins de V��rone?O�� le verdatre ciel, gisant dans les cypr��s,?Semble un pan du manteau que la Vierge abandonne?A quelque ange ��perdu qui le baise en secret.
Vous n'��tes plus la France et le doux soir d'Hendaye,?La cloche, les passants, le vent sal��, le sol,?Toute cette vigueur d'un rocher qui tressaille?Au son du fifre basque et du luth espagnol;
Vous n'��tes plus l'Espagne, o��, comme un couteau courbe?Le croissant de la lune est plant�� dans le ciel,?O�� tout a la fureur prompte, fun��bre et fourbe?Du d��sir satanique et providentiel.
Vous n'��tes plus ces bois sacr��s des bords de l'Oise,?Ce silence ��pur��, studieux, musical,?Ce sublime pr��au monastique, o�� l'on croise?Le songe d'H��lo?se et les yeux de Pascal.
Vous n'��tes plus pour moi les faubourgs du Bosphore?O�� le veilleur de nuit, compagnon des voleurs,?Annonce que le temps coule de son amphore?Pesant comme le sang et chaud comme les pleurs.
--Ces soleils exalt��s, ces oeillets, ces cantiques,?Ces accablants bonheurs, ces ��clairs dans la nuit,?D��sormais dormiront dans mon coeur l��thargique?Qui veut se repentir autant qu'il vous a nui;
Allez vers votre simple et calme destin��e;?Et comme la lueur d'un phare diligent?Suit longtemps sur la mer les barques ��tonn��es,?Je verserai sur vous ma lumi��re d'argent...
UN JOUR, ON AVAIT TANT SOUFFERT...
Un jour, on avait tant souffert, que le coeur m��me,?Qui toujours rebondit comme un bouclier d'or,?Avait dit: ?Je consens, pauvre ame et pauvre corps,?A ce que vous viviez d��sormais comme on dort,?A l'abri de l'angoisse et de l'ardeur supr��me...?
Et l'on vivait; les yeux ne reconnaissaient pas?Les matins, la cit��, l'azur natal, le fleuve;?Toute chose semblait �� la fois vieille et neuve;?Sans que le pain nourrisse et sans que l'eau abreuve?On respirait pourtant, comme un feu mince et bas.?Et l'on songeait: du moins, si rien n'a plus sa grace,?Si ma vie arrach��e a rejoint dans l'espace?Le morne labyrinthe o�� sont les Pharaons;?Si je suis ��trang��re �� ma voix, �� mon nom;?Si je suis, au milieu des raisins de l'automne,?Un arbre foudroy�� que la r��colte ��tonne,?Je ne conna?trai plus ces supplices charnels?Qui sont, de l'homme au sort, un reproche ��ternel.?Calme, lasse, le coeur rompu comme une cible,?J'entrerai dans la mort comme un h?te insensible...
--Mais les fureurs, les pleurs, les cris, le sang vers��,?Les sublimes amours qui nous ont harass��s,?Les fauves bondissants, t��moins de nos d��lires,?Ont suivi lentement le doux chant de la lyre?Jusque sur la montagne o�� nous nous consolions;?Les voici remuants, les chacals, les lions?Dont la soif et la faim nous font un long cort��ge...?--J'avais cru, mon enfant, que le pass�� prot��ge,?Que l'esprit est plus sage et le coeur plus ��troit,?Que la main garde un peu de cette alti��re neige?Que l'on a recueillie aux sommets purs et froids?O�� plane un calme oiseau plus l��ger que le li��ge.?Mais h��las! quel orage ��tincelant m'assi��ge??Lourde comme l'Asie et
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