bien que toi....
--?a devrait être défendu!...
--Quand tu me chanteras toujours la même histoire!... Est-ce que j'y peux quelque chose, moi?
--Que veux-tu? on dit ce qu'on pense.
--Oui, mais c'est aux oreilles de M. le curé qu'il faudrait corner ?a.?
En ce moment passait une dame; la mendiante secoua son gobelet.
?Combien t'a-t-elle donné? demanda l'homme.
--Deux centimes!... tout cela!
--Elle fait ce qu'elle peut, c'te femme.
--Parbleu! c'est gênée....
--Tous les dimanches tu as son offrande.
--Elle est jolie, l'offrande.... ?a dépense trop pour sa toilette. Quand on n'a pas le moyen de donner plus de deux centimes, on ne porte pas de robes de soie.
--Qu'est ce que ?a te fait?
--A moi? Rien; je m'en moque.... Mais ?a vous révolte de voir ces choses-là.?
Il sortait un monsieur qui donnait le bras à une charmante jeune fille. La mendiante s'enfon?ant sous sa capeline et mettant ses poignets en évidence, prit un air piteux et dit d'une voix larmoyante:
?Ayez pitié d'une pauvre femme qui ne peut se servir de ses mains; et d'un pauvre homme que le feu du ciel a rendu aveugle!?
A votre age, mes petits lecteurs, on doit sympathiser avec toutes les infortunes; pour rien au monde, je ne voudrais vous froisser dans vos sentiments de charité, ou vous mettre en garde contre la sensibilité si naturelle de votre coeur d'enfant. C'est pourquoi je vous prie instamment de ne pas juger des malheureux qui vous tendront une main suppliante d'après les êtres indignes d'intérêt qu'à mon grand regret, je viens de vous présenter. Du reste, les enfants qui voudraient que leur pitié ne f?t pas surprise quelquefois, devraient se résigner à ne jamais faire l'aum?ne, ce qui serait triste pour eux et cruel pour les pauvres. Donnez donc votre sou. Si par hasard un doute vous traversait l'esprit, dites-vous qu'il vaut mieux se tromper dix fois que de laisser un seul instant une misère vraie sans être secourue. Encore un mot: parmi les misérables, il en est qui sont jeunes et auxquels l'avenir promet de nombreuses années. A ceux-là, il ne suffit pas de donner votre sou; il faut encore les aider à sortir de la misère. C'est difficile. Cependant on y réussit quelquefois en s'adressant à leur intelligence, en leur indiquant les ressources qu'ils peuvent trouver en eux-mêmes; en leur inspirant de la confiance en Dieu et en leur destinée. Et, croyez-moi, vous aurez plus de mérite à cela qu'à les combler d'aum?nes jusqu'à la fin de leurs jours.
Le monsieur et la jeune demoiselle qui sortaient de l'église laissèrent tomber quelque menue monnaie dans le gobelet de l'aveugle et dans celui de sa compagne; puis, mes amis, avec leur mine à la fois craintive et sauvage, attirèrent l'attention de la jeune fille.
?Et ces pauvres enfants, mon père, dit-elle, ne leur donnerez-vous rien? Voyez comme ils ont l'air timide!?
Le monsieur donna cinquante centimes à César, qui, au lieu de dire merci! se prit à rougir. L'enfant avait encore toutes fra?ches dans l'esprit les paroles du père Antoine.
?Ah! ?à, vous autres, s'écria la mendiante lorsque le monsieur et la jeune fille se furent éloignés, allez-vous bient?t partir, avec votre air timide?
--Nous sommes venus pour la messe, dit Aimée, et non pour vous faire du tort.
--Il y para?t!... Pour la messe!... Vous l'entendez d'ici, la messe, n'est-ce pas?... Allons, allons, quittez la place tout de suite, et faites en sorte qu'on ne vous revoie plus,... ou bien vous aurez de mes nouvelles.?
Ce disant, elle s'était levée. Mes amis, effrayés, se sauvèrent en emportant le regret de n'avoir pu pénétrer dans l'église et prier Dieu pour l'enfant de la dame à la pièce d'or.
CHAPITRE V.
Fuite de mes amis.
Ils marchèrent longtemps à l'aventure et par des chemins qu'ils ne connaissaient pas. C'était Balthasar qui les conduisait.... Enfin ils se trouvèrent dans la campagne. Alors, effrayés de leur audace et fatigués, ils s'assirent sur le bord d'un fossé pour se reposer et réfléchir.
Quand je dis qu'ils se trouvaient dans la campagne c'est une manière de parler, car vous savez aussi bien que moi qu'on ne peut appeler ainsi que par complaisance les quelques champs qu'on rencontre, au sortir de Paris, entourés de maisons blanchatres, de fabriques et de carrières de moellons. Mais, pour Aimée, c'était nouveau et elle s'extasiait sur toutes ces abominations avec une bonne foi qui vous e?t fait sourire. Elle rappelait, moins la suffisance et la fatuité, le rat de la fable lorsqu'il sort de son trou pour la première fois.
?Voilà donc, s'écriait-elle, les champs, les bois, le ciel dont nous parlait le père Antoine!... Que tout cela est beau! n'est-ce pas, César?
--La campagne que je vois dans mes rêves, répondait César, est bien autrement belle et imposante que celle-ci: figure-toi, Aimée, de grands espaces, aussi loin que ta vue peut s'étendre et bien au delà encore, entièrement couverts de verdure, où, de distance en distance, des troupeaux de boeufs
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