Les parisiennes de Paris | Page 9

Théodore de Banville
le m��pris du seul homme qui f?t digne de moi. H��las! Jacqueline, il aimait ton ��m��rance comme sa soeur--et comme son enfant; il m'apprenait �� penser, il me redonnait la force de lever les yeux au ciel. Pour sa figure, pour son esprit, je ne t'en parlerai pas; il m'avait apport�� toute son ame, je pouvais �� mon gr�� la fouler sous mes pieds d��daigneux ou la r��chauffer sous mes l��vres. Comment je l'ai quitt��, lui, lui �� qui je m'��tais vraiment donn��e, c'est une histoire qui te ferait lever le coeur. Ma m��re a jou��, avec mon consentement, l'��ternelle et honteuse com��die que tu connais, et... elle ne m'a plus quitt��e dans les coulisses! Je suis partie sans qu'il ait pu me dire un mot, et moi, que lui aurais-je r��pondu? O ciel! quel mensonge aurais-je os�� ajouter �� tous mes mensonges? Ami d��j�� tant pleur�� et que je n'ai pas m��me le droit de pleurer! Maintenant, je pense, avec mille remords, qu'il peut ne pas se consoler, et j'ai une id��e plus douloureuse encore: je songe qu'il peut se consoler et m'oublier, comme ce serait justice!
?Imagine ce que nous sommes l'une et l'autre, ma m��re et moi, et ce que j'��prouve quand elle me dit comme �� un enfant: ?Tenez-vous droite!? A pr��sent je dois ��tre un monstre �� tes yeux, mais ne fallait-il pas que tu me visses telle que je suis pour m'aimer un peu encore, malgr�� tout, afin qu'il me reste au monde une affection que je n'aie pas vol��e?
?Quant �� ma m��re, mon r?le d'ing��nue �� la ville lui imposait l'obligation de me parler toujours s��v��rement, comme �� une petite fille ��lev��e �� la mode anglaise, et elle a pris le sien assez au s��rieux pour me tracasser encore les portes ferm��es, et comme si elle croyait r��ellement ce que tout le monde croit. Ce que je subis de tourments est in��narrable, et moi, dont le pass�� cache d��j�� tant de regrets, je suis surveill��e et gouvern��e comme si j'avais quatre ans!
?Pourtant cette position n'est pas sans rem��de, ma m��re me le pr��che tous les jours, et c'est heureux, car, pour vivre plus longtemps de la sorte, je ne le pourrais pas. Il y a une chose que l'on pardonne �� une ing��nue dont la r��putation est faite, comme la mienne l'est, c'est de changer d'��tat par un coup de foudre, et assez brillamment pour ��blouir tout Paris d'un luxe princier. Alors on reste ing��nue, et on passe grande artiste, n'est-ce pas mon seul recours �� moi qui ai si peu de talent, et qui le sais si bien! Avec ma famille et mes dettes, et pour ne rien perdre de mon aur��ole artistique, c'est quelque chose comme un demi-million qu'il nous faut; or, je sais un homme qui peut et qui veut me le donner. Mais cet homme..... ? Jacqueline! quel d��no?ment pour une figure que tous les po��tes lyriques ont chant��e! quelle chute pour une jeune fille que Delacroix et Ary Scheffer ont id��alis��e en Oph��lie et en Juliette! Cet homme, c'est..... ? ma jeunesse! mes r��ves de printemps dor��s! O serrements de mains! O premi��res angoisses de ma beaut�� que rien n'avait profan��e! O nos baisers de jeunes filles et nos confidences �� mi-voix sous les tilleuls! Cet homme, c'est.... eh bien! oui..... un droguiste! Un droguiste de la rue des Lombards, �� casquette rouge! Qu'est-ce que tu me conseilles? R��ponds vite avec ton ame passionn��e et avec ton supr��me bon sens �� celle qui est,
?A toi pour la vie,
?��M��RANCE.?

IV
LA MA?TRESSE QUI N'A PAS D'AGE
--HENRIETTE DE LYSLE--
En relisant Balzac, et en voyant avec quelle insistance ce grand historien a fait de Paris et de la Province deux mondes absolument divers, aussi diff��rents et aussi ��loign��s l'un de l'autre que Jupiter et la Lune, les provinciaux se frottent aujourd'hui les mains et secouent la t��te en souriant.
?Bien, disent-ils, pour l'��poque ancienne que d��crivait le po?te de _La Com��die humaine_, pour ces rapides ann��es de la Restauration, envol��es aussi loin de nous d��j�� que ces ages o�� la reine Berthe filait, et o��, comme dans la Gabrielle de M. Emile Augier, la supr��me vertu d'une femme du monde ��tait de raccommoder les chaussettes! Mais nous, aujourd'hui! regardez nos champs et nos villes. Nous connaissons comme vous le linge �� bon march��, le vin �� bon march�� et les objets d'art en zinc! Comme le premier Parisien venu, nous savons nous faire de faux mobiliers artistiques avec de faux meubles de Boule et de fausses marqueteries, et marier le faux damas antique avec le noyer et le ch��ne sculpt��s par des charpentiers! Nos femmes elles-m��mes ne font plus ��tinceler et ondoyer autour d'elles ces charivaris d'��toffes brillantes qui les faisaient ressembler �� des pot��es de fleurs ��closes sous les brosses d'Hippolyte Ballue ou de
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