faits et de la portion d'autorité divine que les faits contiennent et
promulguent. Jamais cette prétention d'en bas qu'on appelle le droit des rois n'avait nié à
ce point le droit d'en haut.
Erreur capitale qui amena cette famille à remettre la main sur les garanties «octroyées» en
1814, sur les concessions, comme elle les qualifiait. Chose triste! ce qu'elle nommait ses
concessions, c'étaient nos conquêtes; ce qu'elle appelait nos empiétements, c'étaient nos
droits.
Lorsque l'heure lui sembla venue, la Restauration, se supposant victorieuse de Bonaparte
et enracinée dans le pays, c'est-à-dire se croyant forte et se croyant profonde, prit
brusquement son parti et risqua son coup. Un matin elle se dressa en face de la France, et,
élevant la voix, elle contesta le titre collectif et le titre individuel, à la nation la
souveraineté, au citoyen la liberté. En d'autres termes, elle nia à la nation ce qui la faisait
nation et au citoyen ce qui le faisait citoyen.
C'est là le fond de ces actes fameux qu'on appelle les Ordonnances de juillet.
La Restauration tomba.
Elle tomba justement. Cependant, disons-le, elle n'avait pas été absolument hostile à
toutes les formes du progrès. De grandes choses s'étaient faites, elle étant à côté.
Sous la Restauration la nation s'était habituée à la discussion dans le calme, ce qui avait
manqué à la République, et à la grandeur dans la paix, ce qui avait manqué à l'Empire. La
France libre et forte avait été un spectacle encourageant pour les autres peuples de
l'Europe. La révolution avait eu la parole sous Robespierre; le canon avait eu la parole
sous Bonaparte; c'est sous Louis XVIII et Charles X que vint le tour de parole de
l'intelligence. Le vent cessa, le flambeau se ralluma. On vit frissonner sur les cimes
sereines la pure lumière des esprits. Spectacle magnifique, utile et charmant. On vit
travailler pendant quinze ans, en pleine paix, en pleine place publique, ces grands
principes, si vieux pour le penseur, si nouveaux pour l'homme d'État: l'égalité devant la
loi, la liberté de la conscience, la liberté de la parole, la liberté de la presse, l'accessibilité
de toutes les aptitudes à toutes les fonctions. Cela alla ainsi jusqu'en 1830. Les Bourbons
furent un instrument de civilisation qui cassa dans les mains de la providence.
La chute des Bourbons fut pleine de grandeur, non de leur côté, mais du côté de la nation.
Eux quittèrent le trône avec gravité, mais sans autorité; leur descente dans la nuit ne fut
pas une de ces disparitions solennelles qui laissent une sombre émotion à l'histoire; ce ne
fut ni le calme spectral de Charles I, ni le cri d'aigle de Napoléon. Ils s'en allèrent, voilà
tout. Ils déposèrent la couronne et ne gardèrent pas d'auréole. Ils furent dignes, mais ils
ne furent pas augustes. Ils manquèrent dans une certaine mesure à la majesté de leur
malheur. Charles X, pendant le voyage de Cherbourg, faisant couper une table ronde en
table carrée, parut plus soucieux de l'étiquette en péril que de la monarchie croulante.
Cette diminution attrista les hommes dévoués qui aimaient leurs personnes et les hommes
sérieux qui honoraient leur race. Le peuple, lui, fut admirable. La nation, attaquée un
matin à main armée par une sorte d'insurrection royale, se sentit tant de force qu'elle n'eut
pas de colère. Elle se défendit, se contint, remit les choses à leur place, le gouvernement
dans la loi, les Bourbons dans l'exil, hélas! et s'arrêta. Elle prit le vieux roi Charles X sous
ce dais qui avait abrité Louis XIV, et le posa à terre doucement. Elle ne toucha aux
personnes royales qu'avec tristesse et précaution. Ce ne fut pas un homme, ce ne furent
pas quelques hommes, ce fut la France, la France entière, la France victorieuse et enivrée
de sa victoire, qui sembla se rappeler et qui pratiqua aux yeux du monde entier ces graves
paroles de Guillaume du Vair après la journée des barricades: «Il est aysé à ceux qui ont
accoutumé d'effleurer les faveurs des grands et saulter, comme un oiseau de branche en
branche, d'une fortune affligée à une florissante, de se montrer hardis contre leur prince
en son adversité; mais pour moi la fortune de mes roys me sera toujours vénérable, et
principalement des affligés.»
Les Bourbons emportèrent le respect, mais non le regret. Comme nous venons de le dire,
leur malheur fut plus grand qu'eux. Ils s'effacèrent à l'horizon.
La Révolution de Juillet eut tout de suite des amis et des ennemis dans le monde entier.
Les uns se précipitèrent vers elle avec enthousiasme et joie, les autres s'en détournèrent,
chacun selon sa nature. Les princes de l'Europe, au premier moment, hiboux de cette aube,
fermèrent les yeux, blessés et stupéfaits, et ne les rouvrirent que pour menacer. Effroi qui
se comprend, colère qui
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