deux étaient à terre, Hamilton blessé, Mater tué. Ponsonby était tombé, troué de sept coups de lance. Gordon était mort, Marsh était mort. Deux divisions, la cinquième et la sixième, étaient détruites.
Hougomont entamé, la Haie-Sainte prise, il n'y avait plus qu'un noeud, le centre. Ce noeud-là tenait toujours. Wellington le renfor?a. Il y appela Hill qui était à Merbe-Braine, il y appela Chassé qui était à Braine-l'Alleud.
Le centre de l'armée anglaise, un peu concave, très dense et très compact, était fortement situé. Il occupait le plateau de Mont-Saint-Jean, ayant derrière lui le village et devant lui la pente, assez apre alors. Il s'adossait à cette forte maison de pierre, qui était à cette époque un bien domanial de Nivelles et qui marque l'intersection des routes, masse du seizième siècle si robuste que les boulets y ricochaient sans l'entamer. Tout autour du plateau, les Anglais avaient taillé ?à et là les haies, fait des embrasures dans les aubépines, mis une gueule de canon entre deux branches, crénelé les buissons. Leur artillerie était en embuscade sous les broussailles. Ce travail punique, incontestablement autorisé par la guerre qui admet le piège, était si bien fait que Haxo, envoyé par l'empereur à neuf heures du matin pour reconna?tre les batteries ennemies, n'en avait rien vu, et était revenu dire à Napoléon qu'il n'y avait pas d'obstacle, hors les deux barricades barrant les routes de Nivelles et de Genappe. C'était le moment où la moisson est haute; sur la lisière du plateau, un bataillon de la brigade de Kempt, le 951, armé de carabines, était couché dans les grands blés.
Ainsi assuré et contre-buté, le centre de l'armée anglo-hollandaise était en bonne posture.
Le péril de cette position était la forêt de Soignes, alors contigu? au champ de bataille et coupée par les étangs de Groe-nendael et de Boitsfort. Une armée n'e?t pu y reculer sans se dissoudre; les régiments s'y fussent tout de suite désagrégés. L'artillerie s'y f?t perdue dans les marais. La retraite, selon l'opinion de plusieurs hommes du métier, contestée par d'autres, il est vrai, e?t été là un sauve-qui-peut.
Wellington ajouta à ce centre une brigade de Chassé, ?tée à l'aile droite, et une brigade de Wincke, ?tée à l'aile gauche, plus la division Clinton. à ses Anglais, aux régiments de Halkett, à la brigade de Mitchell, aux gardes de Maitland, il donna comme épaulements et contreforts l'infanterie de Brunswick, le contingent de Nassau, les Hanovriens de Kielmansegge et les Allemands d'Ompteda. Cela lui mit sous la main vingt-six bataillons. _L'aile droite_, comme dit Charras, _fut rabattue derrière le centre_. Une batterie énorme était masquée par des sacs à terre à l'endroit où est aujourd'hui ce qu'on appelle ?le musée de Waterloo?. Wellington avait en outre dans un pli de terrain les dragons-gardes de Somerset, quatorze cents chevaux. C'était l'autre moitié de cette cavalerie anglaise, si justement célèbre. Ponsonby détruit, restait Somerset.
La batterie, qui, achevée, e?t été presque une redoute, était disposée derrière un mur de jardin très bas, revêtu à la hate d'une chemise de sacs de sable et d'un large talus de terre. Cet ouvrage n'était pas fini; on n'avait pas eu le temps de le palissader.
Wellington, inquiet, mais impassible, était à cheval, et y demeura toute la journée dans la même attitude, un peu en avant du vieux moulin de Mont-Saint-Jean, qui existe encore, sous un orme qu'un Anglais, depuis, vandale enthousiaste, a acheté deux cents francs, scié et emporté. Wellington fut là froidement héro?que. Les boulets pleuvaient. L'aide de camp Gordon venait de tomber à c?té de lui. Lord Hill, lui montrant un obus qui éclatait, lui dit:--Mylord, quelles sont vos instructions, et quels ordres nous laissez-vous si vous vous faites tuer?--De faire comme moi, répondit Wellington. à Clinton, il dit laconiquement:--_Tenir ici jusqu'au dernier homme_.--La journée visiblement tournait mal. Wellington criait à ses anciens compagnons de Talavera, de Vitoria et de Salamanque:--Boys (gar?ons)! _est-ce qu'on peut songer à lacher pied? pensez à la vieille Angleterre!_
Vers quatre heures, la ligne anglaise s'ébranla en arrière. Tout à coup on ne vit plus sur la crête du plateau que l'artillerie et les tirailleurs, le reste disparut; les régiments, chassés par les obus et les boulets fran?ais, se replièrent dans le fond que coupe encore aujourd'hui le sentier de service de la ferme de Mont-Saint-Jean, un mouvement rétrograde se fit, le front de bataille anglais se déroba, Wellington recula.--Commencement de retraite! cria Napoléon.
Chapitre VII
Napoléon de belle humeur
L'empereur, quoique malade et gêné à cheval par une souffrance locale, n'avait jamais été de si bonne humeur que ce jour-là. Depuis le matin, son impénétrabilité souriait. Le 18 juin 1815, cette ame profonde, masquée de marbre, rayonnait aveuglément. L'homme qui avait été sombre à Austerlitz fut gai à Waterloo. Les plus grands prédestinés font de ces contre-sens. Nos joies sont de l'ombre. Le suprême sourire est
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