Les loups de Paris | Page 6

Jules Lermina
et s'approcha de l'autre.
--Qui vive? demanda une voix.
--Loup, r��pondit-on.
--Est-ce toi, Biscarre?
--C'est moi.
Les deux hommes se r��unirent, puis disparurent bient?t dans une anfractuosit�� en forme d'entonnoir. L��, se soutenant �� la force des poignets, ils se laiss��rent tomber dans une excavation en forme de caveau, et dans laquelle br?lait un feu de broussailles, dont la fum��e ��tait entra?n��e par un courant souterrain.
--Diouloufait, allume la lanterne, dit l'arrivant qui avait r��pondu au nom de Biscarre.
L'autre ob��it.
La physionomie de ces deux hommes, bien que diff��rente, n'en portait pas moins un m��me cachet effrayant.
Et sans m��me regarder leur visage, qui se f?t trouv�� subitement en face d'eux n'e?t pu r��primer un frisson.
Car tous deux portaient le costume des for?ats.
Biscarre ��tait grand, bien proportionn��, et m��me, sous les ignobles v��tements qui le couvraient, on devinait je ne sais quelle ��l��gance native; ses mains s��ches et nerveuses n'appartenaient point �� un paysan.
Il avait jet�� �� terre le bonnet vert qui cachait ses cheveux ras, de couleur rousse, et, �� la lueur du foyer qui cr��pitait, son masque s'accentuait, avec ses traits fermes et anguleux, sa bouche aux l��vres ��paisses et sensuelles.
Le front ��tait bas, les machoires pro��minaient en avant: on e?t dit la t��te d'un fauve, d'un loup. Les dents blanches et aigu?s apparaissaient dans un rictus ironique: les yeux, �� pupilles jaunes et mobiles, compl��taient la ressemblance de l'homme et de l'animal.
Quant �� Diouloufait, un seul mot peut suffire pour le d��peindre. C'��tait un colosse. Tout en lui ��tait ��norme. Les traits boursoufl��s n'avaient point pour ainsi dire de galbe propre: le nez ��pat��, les gros yeux, la bouche lippue et largement fendue, les oreilles rouges et s'��cartant du crane en conques disproportionn��es, tout contribuait �� donner, au premier coup d'oeil, la sensation de la brutalit�� pouss��e �� ses derni��res limites.
--Tonnerre! s'��cria Diouloufait, je ne t'attendais plus.... Voil�� trois heures que tu devrais ��tre ici....
A cette apostrophe, un ��clair de col��re passa dans les yeux de Biscarre. Cependant, il se contint:
--Une fois pour toutes, souviens-toi, Diouloufait, que tu es fait pour m'attendre et pour m'ob��ir...
--Je le sais bien, fit le g��ant; mais enfin... il y a des bornes...
--Non. Il n'y a d'autres bornes que celles que fixe ma volont��.
L'accent de Biscarre ��tait empreint d'une autorit�� si cassante, que jamais despote n'e?t mieux rendu les nuances de l'absolutisme le plus complet.
Et sans doute, le for?at avait le droit de parler ainsi, car apr��s l'avoir consid��r�� un instant comme s'il avait senti en lui quelques vell��it��s de r��volte, Diouloufait baissa les yeux et se tut.
--Je n'ai pu m'��vader qu'�� minuit, reprit Biscarre, condescendant toutefois �� donner cette explication. Nul ne s'est encore aper?u de ma disparition, car le canon n'a pas encore retenti; donc la nuit est �� moi.
--Oh! le canon, fit Diouloufait en riant bruyamment, ils l'ont bien tir�� pour moi; je n'en suis pas moins bien tranquille ici.
--A qui le dois-tu?
--Parbleu! cette b��tise! �� toi. Oh! tu es un malin, ?a ne se discute pas, et les autres ont bien su ce qu'ils faisaient quand ils t'ont nomm�� chef des Loups. Tu as tout pour toi: de l'��ducation, une tenue d'un chic parfait, et puis cette poigne....
En consid��rant les ��normes biceps de Diouloufait, on ne pouvait que s'��tonner de ces derniers mots. ��tait-il possible que ce colosse p?t ��prouver de l'admiration pour la force de Biscarre, dont l'apparence, quoique assez vigoureuse, ne pouvait ��tre compar��e �� la sienne?
Cependant, l'accent de Diouloufait ne pr��tait �� aucune interpr��tation; il constatait franchement, s��rieusement: c'��tait un simple hommage rendu �� la v��rit��.
Quoi qu'il en f?t, Biscarre interrompit brusquement son complice:
--Assez! fit-il, nous ne sommes pas ici pour ��num��rer nos qualit��s respectives. Demain, au point du jour, il faut que nous ayons quitt�� la France.
--Bah! Alors mettons-nous en route tout de suite.
--Non, car avant tout j'ai une petite affaire �� terminer.
Et il ricana m��chamment.
Aucune expression ne saurait rendre l'expression de basse et f��roce cruaut�� qui crispait le masque de cet homme.
--Une affaire? En suis-je?
--Oui.
--Et il faudra....
Diouloufait fit un geste significatif.
--Je ne le crois pas.
--Et �� gagner?
--Rien aujourd'hui, mais plus tard, oh! plus tard, ajouta-t-il, tout �� gagner!
Il rit encore.
--Alors une vraie op��ration? ?a me va!
--Maintenant, r��ponds-moi: As-tu trouv�� ce que je t'ai ordonn�� de chercher?
--Quoi? la petite dame? Oh! ?a n'a pas ��t�� bien malin.
--Elle est pr��s d'ici?
--A cent m��tres. La premi��re petite maison au sortir de la gorge.
--Maison isol��e?
--On y tuerait quelqu'un en plein jour.
--Bien. Avec qui est cette dame?
--Avec la Bertrade, une vieille paysanne.
--Oui, je la connais; c'est bon. Personne de plus?
--Elle a re?u une visite dans la journ��e.
--Une autre dame?
--Oui.
--Regarde-moi en face, dit Biscarre.
--Tiens! pourquoi donc? fit Diouloufait avec son rire niais. J'aime pas regarder tes yeux, ils me font peur.
--C'est pour cela. Maintenant, r��ponds-moi: Tu n'as pas cherch�� �� savoir quelles sont ces femmes?
--Oh! ?a! je peux le jurer!
--C'est bien. Qu'as-tu remarqu��?
--Dame, que ce sont des
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