Les loups de Paris | Page 2

Jules Lermina
vie, l'avait uni �� M. de Mauvillers.
Celui-ci aurait-il donc le courage, la cruaut�� de si��ger, quand sur le banc des accus��s se trouvait le fils de l'homme qui l'avait aim��, qui l'avait jadis aid�� de son cr��dit et de sa fortune... car nul n'ignorait que M. de Costebelle, possesseur d'une des plus belles fortunes du pays, n'avait recul�� devant aucun sacrifice pour sauver M. de Mauvillers de la ruine.
L'��tonnement avait donc ��t�� profond quand on avait appris que le magistrat avait pris place au fauteuil de la pr��sidence.
Avait-il donc quelque espoir de sauver l'accus��?
On se faisait encore cette illusion. Et pourtant les plus avis��s secouaient la t��te: ils avaient compris que le fanatisme politique ��touffe trop souvent les sentiments humains.
Ceux qui connaissaient mieux M. de Mauvillers savaient que dans l'ame de cet homme il ��tait un sentiment qui primait toutes les consid��rations, quelles qu'elles fussent: M. de Mauvillers ��tait ambitieux; pour obtenir, pour conserver la faveur du souverain, il n'��tait pas de sacrifices, disons plus, de bassesses auxquelles il ne f?t r��sign�� d'avance. Que lui importait le souvenir de son bienfaiteur? Le mot d'ordre ��tait venu des Tuileries. H��siter, c'��tait d��sob��ir, c'��tait se condamner �� une disgrace certaine. En haut lieu, on ne veut que des esclaves et les esclaves n'ont pas le droit de parler sentiment.
M. de Mauvillers, insoucieux de la r��probation qu'il encourait, avait eu le triste courage de rester �� son poste.
Et l'audience se prolongeait.
Et de cette foule anxieuse s'��levait un murmure sourd qui grandissait avec l'attente.
Tout �� coup il se fit une sorte de tumulte �� la porte du Palais de Justice. Un officier parut, et de son ��p��e adressa un signe au commandant de la gendarmerie. Les chevaux se cabr��rent et firent le vide autour d'eux. Un mot terrible, sinistre, courut dans les groupes. Les poitrines se serr��rent, des exclamations de col��re et de d��sespoir se firent entendre.
Jacques de Costebelle ��tait condamn�� �� mort.
M. de Mauvillers avait bien m��rit�� de ses ma?tres.
A ce moment, d'une maison qui s'��levait juste en face du Palais de Justice, une fen��tre s'��tait ouverte sans bruit. Elle ��tait plong��e dans l'obscurit�� et l'attention ��tait trop vivement excit��e ailleurs pour que cet incident f?t remarqu��.
Une femme, envelopp��e d'un manteau qui la cachait tout enti��re, la t��te couverte d'un voile noir, s'��tait pench��e sur la balustrade de fer, et, haletante, elle attendait.
Les portes du Palais de Justice s'ouvrirent brusquement, et �� la lueur des torches port��es par des soldats, le condamn�� parut.
Jacques ��tait un jeune homme de haute taille, aux ��paules vigoureuses; sous le reflet jaunatre de la flamme, on voyait s'accuser nettement ses traits rudes, mais empreints d'une enthousiaste ��nergie. Il ��tait t��te nue; ses cheveux noirs, plant��s bas, faisaient ressortir la fra?cheur de son front mat et poli.
Le condamn�� allait ��tre r��int��gr�� dans sa prison, en attendant l'ex��cution, d��j�� fix��e au lendemain.
Comme, pour se rendre �� la Grosse-Tour, il fallait n��cessairement traverser une partie de la ville, au milieu de la foule, un nouveau d��tachement de soldats avait ��t�� requis pour pr��ter main-forte aux gendarmes.
Jacques, les mains li��es, les jambes retenues par des entraves, attendait sur le perron du Palais de Justice le signal du d��part.
Tout �� coup, il leva les yeux....
La femme qui se trouvait �� la fen��tre avait lev�� la main, et de cette main elle agitait un mouchoir....
Le jeune homme tressaillit: un fr��missement convulsif le secoua tout entier; mais, se contenant par un effort de volont��, il inclina deux fois la t��te.
--En marche! dit une voix.
Absorb�� dans ses pens��es, l'oeil fix�� sur cette fen��tre obscure que lui seul voyait, Jacques n'entendit pas.
Une main se posa sur son ��paule et le poussa rudement.
Une sorte de rugissement s'��chappa de la poitrine du jeune homme: il fit un mouvement comme pour s'��lancer, mais soudain un sourire passa sur ses l��vres:
--Allons! messieurs, dit-il, je vous suis.
Et le sinistre cort��ge, ��clair�� par les torches fumeuses, s'��branla dans la direction du port.
Silencieuse et triste, la foule saluait.

II
PIERRE LE GEOLIER
Les prisons ��tant encombr��es, le condamn�� �� mort avait ��t�� enferm��, pour plus de s?ret��, dans un des cachots souterrains de la Grosse-Tour, �� l'entr��e de la petite rade.
Le greffier du tribunal lui avait donn�� lecture de l'arr��t qui le condamnait �� mort. L'ex��cution devait avoir lieu �� sept heures du matin, sur l'esplanade de l'Arsenal.
Cette formalit�� remplie, la lourde porte s'��tait referm��e sur celui que la pr��tendue justice des hommes avait frapp��.
Jacques ��tait seul.
L'obscurit�� ��tait profonde: on entendait au dehors le pas des sentinelles et leurs voix qui se r��pondaient au loin; la mer m��lait son ��cho lent et sourd au bruissement du vent dans les mats qui craquaient.
Jacques, debout, le dos appuy�� contre la muraille fruste, restait immobile, la t��te pench��e sur sa poitrine. Il r��vait. Douloureuse m��ditation!
Ainsi, tout ��tait bien fini. A peine commenc��e, la vie s'arr��tait brusquement. On allait le tuer.
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