Les huguenots | Page 4

Charles Alfred de Janzé
patrie, nos familles, nos parents, nos amis, nos biens; une ann��e qui, par un malheur encore plus grand, nous a fait perdre nos ��glises, nos temples, nos sanctuaires. Une ann��e qui nous a jet��s ici, sur les bords de cette terre qui nous ��tait inconnue, et o�� nous sommes comme de pauvres corps que la temp��te a pouss��s par ses violentes secousses. Oh! ann��e triste entre toutes les ann��es du monde!?
Une restauration monarchique ne serait rien autre chose aujourd'hui qu'une restauration religieuse; ainsi que le proclame M. Cazenove de Pradine, elle imposerait �� la France les frais de la b��atification d'un martyr aussi peu �� plaindre que Louis XIV, et l'on pourrait dire de 1885 comme de 1685, que, c'est une ann��e triste entre toutes les ann��es du monde.
CHAPITRE PREMIER L'��DIT DE NANTES
Crois ce que je crois ou meurs. -- L'��glise Ponce Pilate. - - L'��glise opportuniste. -- Plan de Louis XIV. -- Patience de Huguenot. -- La parole du roi. -- Absence de sens moral. -- Marchandage des consciences. -- Les mendiants de la cour. -- La cur��e. -- L'��dit de r��vocation jug�� par Saint-Simon.
Le jour o�� le huguenot Henri IV, faisant le saut p��rilleux, ��tait pass�� du c?t�� de la majorit�� catholique, estimant que Paris valait bien une messe, il avait impos�� �� cette majorit�� une grande nouveaut��, la tol��rance; par l'��dit de Nantes, d��clar�� perp��tuel et irr��vocable, un trait�� solennel de paix avait ��t�� pass�� entre les catholiques et les protestants de France, sous la garantie de la parole du roi. Cet ��dit, grande charte de la libert�� de conscience sous l'ancien r��gime, donnait une existence l��gale �� la religion protestante, religion tol��r��e, en face du catholicisme, la religion dominante du royaume.
Par cet ��dit, le pouvoir civil s'��levait au-dessus des partis religieux, posant des limites qu'il ne leur ��tait plus permis de franchir sans violer la loi de l'��tat. C'��tait l�� une grande nouveaut��, puisque depuis bien des si��cles chacun des princes catholiques de l'Europe disait �� ses sujets: crois ce que je crois, ou meurs, massacrait, envoyait au gibet ou au b?cher ceux que l'��glise lui d��non?ait comme h��r��tiques. Ces princes n'��taient que les dociles ex��cuteurs des hautes oeuvres de cette ��glise intol��rante, qui fait aux princes chr��tiens un devoir de fermer la bouche �� l'erreur, et, parlant des h��r��tiques, dit, par l'organe du doux F��nelon: il faut ��craser les loups! Bossuet, lui-m��me, affirme ainsi le droit des princes, �� forcer leurs sujets au vrai culte, et �� punir ceux qui r��sistent aux moyens violents de conversion: ?En quel endroit des ��critures, dit-il, les schismatiques et les h��r��tiques sont-ils except��s du nombre de ces malfaiteurs, contre lesquels saint Paul dit que Dieu m��me a arm�� les princes? Le prince doit employer son autorit�� �� d��truire les fausses religions; il est ministre de Dieu, ce n'est pas en vain qu'il porte l'��p��e.?
Ce qu'il y a de plus ��trange, c'est que l'��glise, apr��s l'extermination des Albigeois, les massacres de la Saint- Barth��lemy, les auto-da-f�� de l'inquisition, etc., ose soutenir qu'elle n'a jamais fait couler une goutte de sang, abhorret ecclesia a sanguine.
Le pape, lors de la b��atification de saint Vincent de Paul, apr��s avoir lou�� ce saint de ne s'��tre point lass�� de r��clamer du roi la punition des h��r��tiques, ajoute: ?C'��tait le seul moyen pour que la s��v��rit�� du pouvoir suppl��at �� la douceur religieuse, car l'��glise qui, satisfaite par un jugement canonique, se refuse �� une vengeance sanglante, tire cependant un grand secours de la rigueur des lois port��es par les princes chr��tiens, lesquelles forcent souvent �� recourir aux secours spirituels ceux qu'effraie le supplice corporel.?
L'abb�� Courval, un des habiles professeurs j��suites de nos ��coles libres, recourt �� un semblable raisonnement pour d��gager l'��glise de la responsabilit�� des auto-da-f��, dans lesquels des centaines de mille d'h��r��tiques ont p��ri sur le b?cher: ?Le tribunal de l'Inquisition, dit-il, se contentait d'accabler les h��r��tiques obstin��s ou relaps, sous le poids des censures de l'��glise: Jamais l'Inquisition n'a condamn�� �� mort. Mais, comme les princes d'alors voyaient dans l'h��r��sie, le blasph��me et le sacril��ge autant de crimes contre la soci��t��, ils saisissaient le coupable, �� sa sortie de l'Inquisition, et souvent le punissaient de mort.?
Ainsi, c'est l'��glise qui a ordonn�� aux princes chr��tiens de frapper de supplices corporels les crimes surnaturels de l'h��r��sie, du sacril��ge et du blasph��me et de traiter comme des malfaiteurs les h��r��tiques contre lesquels, dit-elle, Dieu les a arm��s; et quand, pour lui ob��ir, ces princes ont fait p��rir des milliers de victimes, comme Ponce Pilate, elle se lave les mains et d��cline la responsabilit�� du sang vers��!
Entre le ma?tre qui a ordonn�� �� son serviteur de commettre un meurtre et le serviteur qui a commis ce crime, la conscience publique h��sitera-t-elle jamais �� faire retomber la plus large part de responsabilit�� sur le ma?tre?
L'��glise aura
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