donc beau se frotter les mains comme lady Macbeth, pour faire dispara?tre la tache indélébile, ses mains resteront teintes du sang qu'a fait couler son impitoyable doctrine de l'intolérance.
Les jésuites de robes courtes ou de robes longues, ont toujours pratiqué d'ailleurs ce système à la Ponce Pilate de décliner pour l'église, la responsabilité des mesures de rigueur qu'elle avait provoquées. Ainsi, à l'instigation de son clergé, Louis XIV ayant décrété qu'on enverrait aux galères tout huguenot qui tenterait de sortir du royaume, assisterait à une assemblée de prières, ou, dans une maladie, déclarerait vouloir mourir dans la religion réformée, ainsi que le conte Marteilhe dans ses mémoires, le supérieur des missionnaires de Marseille s'efforce de prouver aux for?ats pour la foi que l'église n'est pour rien dans leur malheur, qu'ils ne sont pas persécutés pour cause de religion:
à celui qui a été mis aux galères, pour avoir voulu sortir du royaume, il répond: ?Le roi a défendu à ses sujets de sortir du royaume sans sa permission, on vous chatie pour avoir contrevenu aux ordres du roi; cela regarde la police de l'état et non l'église et la religion.?
à celui qui a été arrêté dans une assemblée, il dit: ?Autre contravention aux ordres du roi, qui a défendu de s'assembler pour prier Dieu, en aucun lieu que dans les paroisses et autres églises du royaume.?
à celui qui a déclaré vouloir mourir protestant, il dit de même: ?Encore une contravention aux ordres du roi, qui veut que tous ses sujets vivent et meurent dans la religion romaine.?
Et il conclut: ?Ainsi tous, tant que vous êtes, vous avez contrevenu aux ordres du roi, l'église n'a aucune part à votre condamnation; elle n'a ni assisté, ni procédé à votre procès, tout s'est passé, en un mot, hors d'elle et de sa connaissance.?
Pour montrer à ce bon ap?tre, le sophisme de l'argumentation en vertu de laquelle il voulait persuader aux galériens huguenots qu'ils n'étaient point persécutés pour cause de religion, Marteilhe déclare qu'il consent à se rendre sur ce point, mais demande si on consentirait à le faire sortir des galères de suite, en attendant que les doutes qui lui restaient étant éclaircis, il se décidat d'abjurer. -- Non assurément, répond le missionnaire, vous ne sortirez jamais des galères que vous n'ayez fait votre abjuration dans toutes les formes. -- Et si je fais cette abjuration, puis-je espérer d'en sortir bient?t? -- Quinze jours après, foi de prêtre! -- Pour lors, reprend Marteilhe, vous vous êtes efforcé par tous vos raisonnements sophistiques de nous prouver que nous n'étions pas persécutés pour cause de religion, et moi, sans aucune philosophie ni rhétorique, par deux simples et na?ves demandes, je vous fais avouer que c'est la religion qui me tient en galères, car vous avez décidé que, si nous faisons abjuration dans les formes, nous en sortirons d'abord; et au contraire qu'il n'y aura jamais de liberté pour nous si nous n'abjurons.? Les raisonnements sophistiques de ce missionnaire valaient ceux des jésuites qui déclinent pour l'église la responsabilité des massacres et des supplices qu'elle a provoqués ou ordonnés.
Pour en revenir à l'édit de Nantes; faisant de la tolérance une loi obligatoire pour les partis religieux, on comprend que cet édit ne pouvait être accepté sans protestation par l'église catholique qui professe la doctrine de l'intolérance.
Dès 1635, l'assemblée, générale du clergé formulait ainsi son blame: ?Entre toutes les calamités, il n'en est pas de plus grande, ni qui ait d? tant avertir et faire conna?tre l'ire de Dieu, que cette liberté de conscience et permission à un chacun de croire ce que bon lui semblerait sans être inquiété ni recherché.?
Et l'assemblée générale de 1651 exprimait en ces termes, son regret de ne pouvoir plus fermer violemment la bouche à l'erreur: ?Où sont les lois qui bannissent les hérétiques du commerce des hommes? Où sont les constitutions des empereurs Valentinien et Théodose qui déclarent l'hérésie un crime contre la république??
Mais si l'église est invariable dans sa doctrine d'intolérance, elle se résigne quand il le faut à accepter la tolérance, comme une nécessité de circonstance, et modifiant son langage suivant les exigences du milieu dans lequel elle est appelée à vivre, elle dit, comme la chauve-souris de la fable:
Tant?t: je suis oiseau, voyez mes ailes! Tant?t: je suis souris, vivent les rats!
Voici, en effet, la règle de conduite opportuniste que l'évêque de Ségur trace à l'église:
?L'église, dit-il, peut se trouver face à face, soit avec des pouvoirs ennemis, soit avec des pouvoirs indifférents, soit avec des pouvoirs amis.
-- Elle dit aux premiers: Pourquoi me frappez-vous? J'ai le droit de vivre, de parler, de remplir ma mission qui est toute de bienfaisance.
-- Elle dit aux seconds; Celui qui n'est point avec moi, est contre moi. Pourquoi traitez-vous le mensonge comme la vérité, le mal comme le bien?
-- Elle dit aux
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