ils se sont bornés, qu'ils fussent bonapartistes, légitimistes ou orléanistes, à protester à l'envi de leur dévouement à la cause de l'église. Il est vrai que dans les petits papiers anonymes distribués par le clergé à profusion, on disait aux électeurs des campagnes que voter pour les républicains, qui veulent assujettir les séminaristes au service militaire, c'était voter pour le Démon, tandis que nommer les monarchistes, partisans masqués de la théocratie, c'était voter pour Jésus-Christ.
Mais les politiques, comprenant qu'une telle plate-forme électorale n'avait aucune chance de succès devant le pays, ont tenté d'obtenir une surprise du scrutin, en posant aux électeurs cette question: voulez-vous qu'on renonce à une politique qui a provoqué la crise agricole et industrielle dont vous souffrez, et qui, par les dépenses exagérées et les expéditions lointaines, a mis le désordre dans les finances publiques?
Le suffrage universel ainsi consulté, a nommé deux cents de ceux qui lui signalaient le mal, non parce qu'ils étaient artisans de la monarchie, mais parce qu'il a cru qu'ils seraient plus aptes que d'autres à guérir les maux qu'ils signalaient.
Mais, dès le lendemain de leur élection, ces partisans de la théocratie ont jeté le masque et annoncé tranquillement aux électeurs, de quelle singulière fa?on ils comptaient remplir le mandat qu'ils venaient de recevoir, le mandat de rendre aux pays sa prospérité et de rétablir le bon ordre dans nos finances.
?Nous n'avons pas combattu, ont-ils dit, pour telle ou telle politique, mais pour jeter bas la république: nous ne l'avons pas dit comme candidats, mais maintenant nous n'avons plus à nous gêner. Nous rendrons tout ministère impossible jusqu'à ce qu'on dissolve la Chambre; si, après la dissolution, les monarchistes reviennent en majorité à la Chambre, ils jetteront le sénat par la fenêtre, si le sénat s'avise de s'opposer à leurs desseins révolutionnaires. Peut-être même, ont-ils ajouté, alors que les monarchistes sont encore en minorité, à la chambre des députés comme au sénat, faudra-t-il, pour hater la chute de la République, la pousser avec la crosse d'un fusil ou le fer d'une fourche.?
Il est fort à présumer que si la minorité monarchiste haussait demain son courage jusqu'à l'audace d'un coup de main, elle n'aimait pas à se féliciter de l'avoir fait. à je ne sais quel gascon de Bruxelles qui mena?ait de faire envahir la France par l'armée belge, on se bornait à répondre: et les douaniers! De même aux monarchistes qui parlent de mettre le pied sur la gorge de la République, on peut répondre: et les gendarmes! Mais il faut admettre toutes les hypothèses. Si, par impossible, un des prétendants à la couronne se trouvait violemment hissé sur les débris du tr?ne de France, qu'arriverait-il?
Le nouveau souverain, roi ou empereur, ne pouvant rien sans l'église, mis, par elle, en demeure de rendre au régime catholique la puissance des anciens jours, ne tarderait pas à succomber dans sa vaine tentative de ressusciter un passé mort et bien mort. La preuve la plus péremptoire de la certitude de l'échec qui l'attendrait, c'est l'accueil fait par les monarchistes eux-mêmes, à la proposition imprudemment faite par Mr de Mun de constituer une ligue politico-religieuse pour préparer la restauration du gouvernement des curés. Considérer comme un droit de l'église, l'exemption du service militaire pour les séminaristes, imposer le repos du dimanche, substituer le mariage religieux au mariage civil, réclamer la liberté de tester, en bon Fran?ais, le rétablissement du droit d'a?nesse, etc., ce sont là de ces choses qu'on peut tenter d'accomplir dans l'ombre, quand on a le pouvoir, mais que l'on ne doit pas avoir la na?veté de demander publiquement à l'avance!
Le souverain improvisé qui, plagiaire de Louis XIV, voudrait se faire l'exécuteur des hautes oeuvres de l'église catholique, serait peut-être, dès le premier jour, tué par l'arme irrésistible du ridicule; peut-être, au contraire, avant de franchir la frontière en toute hate, aurait-il multiplié les ruines et fait couler les flots de sang.
Dans un cas comme dans l'autre, et quelque mal qu'il eut pu faire à la France, il se trouverait des sous-Massillon pour le louer de ne pas s'être laissé arrêter dans, son entreprise par les vues timides de la sagesse humaine, et des sous-Veuillot pour affirmer que les victimes de son intolérance ne sont pas à plaindre, mais que c'est lui qui, comme, Louis XIV, a été le vrai martyr, parce qu'il a sacrifié à sa foi la prospérité de son royaume.
Je termine ce travail, au moment où le bicentenaire de l'édit de révocation vient de rappeler à la mémoire de tous; cette année 1685, si cruelle pour les défenseurs de la liberté de conscience, ainsi que le montrait le célèbre ministre Dubosc, l'homme de mon royaume qui parle le mieux, disait Louis XIV, lorsqu'il écrivait de la terre d'exil: ?Quelle année, pour nous autres réfugiés! Une année qui nous a fait perdre notre
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