et de le soumettre aux états généraux, de sanctionner la suppression de tous les privilèges en matière d'imp?ts, d'abolir la taille, le franc-fief, les lettres de cachet, la corvée, d'établir des états provinciaux composés de deux dixièmes de membres du clergé, de trois dixièmes de membres de la noblesse et de cinq dixièmes de membres du Tiers, etc.
Le roi termina par les paroles suivantes:
LA MENACE ROYALE
Vous venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues; elles sont conformes au vif désir que j'ai d'opérer le bien public; et, si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'abandonniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples; seul, je me considérerai comme leur véritable représentant; et connaissant vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui existe entre le voeu le plus général de la nation et mes intentions bienfaisantes, j'aurai toute la confiance que doit inspirer une si rare harmonie, et je marcherai vers le but auquel je veux atteindre avec tout le courage et la fermeté qu'il doit m'inspirer.
Réfléchissez, Messieurs, qu'aucun de vos projets, aucune de vos dispositions ne peut avoir force de loi sans mon approbation spéciale. Ainsi je suis le garant naturel de vos droits respectifs; et tous les ordres de l'état peuvent se reposer sur mon équitable impartialité.
Toute défiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi jusqu'à présent qui fais tout le bonheur de mes peuples; et il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits.
Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre, pour y reprendre vos séances, j'ordonne en conséquence au grand-ma?tre des cérémonies de faire préparer les salles.
Dreux-Brezé, grand-ma?tre des cérémonies, vint rappeler aux communes immobiles l'ordre du roi. Bailly lui répondit que les représentants du peuple ne re?oivent les ordres de personne, que, du reste il allait prendre les ordres de l'assemblée. Alors Mirabeau lan?a la célèbre apostrophe qu'il a lui-même rappelée en ces termes:
L'APOSTROPHE DE MIRABEAU
Bient?t M. le marquis de Brezé est venu leur dire [aux députés des communes]: ?Messieurs, vous connaissez les ordres du roi.? Sur quoi un des membres des communes lui adressant la parole a dit: ?Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi, et vous qui ne sauriez être son organe auprès des états-Généraux, vous qui n'avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours; [Note: Le garde des sceaux, d'après le protocole, était seul qualifié pour communiquer les ordres du roi aux états généraux. Dreux-Brezé outrepassait ses pouvoirs. Il ne devait être que le porteur d'ordres écrits du roi.] cependant pour éviter toute équivoque et tout délai, je vous déclare que si l'on vous a chargé de nous faire sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force, car nous ne quitterons nos places que par la puissance de la ba?onnette.? Alors, d'une voix unanime, tous les députés se sont écriés: ?Tel est le voeu de l'Assemblée.? [Note: Treizième lettre de Mirabeau à ses commettants.]
Le Tiers, sur la proposition de Camus et de Sieyès, déclara persister dans ses précédents arrêtés, récidivant ainsi sa désobéissance. Il décréta en outre, sur la proposition de Mirabeau, que la personne des députés était inviolable. ?Ce n'est pas manifester une crainte, avait dit Mirabeau, c'est agir avec prudence; c'est un frein contre les conseils violents qui assiègent le tr?ne.?
Le roi céda devant l'attitude résolue des nobles patriotes, l'offre de démission de Necker, qui n'avait déjà pas assisté à la séance royale, devant l'agitation du monde des rentiers qui craignait la banqueroute, devant l'insubordination de l'armée et les manifestations populaires.
LES NOBLES PATRIOTES AU SECOURS DU TIERS
On se rappelle cette célèbre réponse de Mirabeau au grand ma?tre des cérémonies qui nous sommait de nous retirer. Cette réponse, me dit d'André, [Note: D'André, député de la noblesse d'Aix aux états généraux, devint avec Barnave et les Lameth un des chefs du c?té gauche de la Constituante.] ayant été rapportée à la cour par M. de Brézé, il fut donné ordre à deux ou trois escadrons des gardes du corps de marcher sur l'Assemblée et de la sabrer, s'il le fallait, pour la dissoudre. Et certes, les députés, dans un pareil moment, se seraient tous laissé égorger plut?t que de bouger. Au moment où cette troupe avan?ait, plusieurs députés de la minorité de la noblesse étaient rassemblés sur une terrasse attenant, si je me le rappelle bien, au logement de l'un des Crillon. Il y avait entre autres les deux Crillon, d'André, le marquis de Lafayette, les ducs de La Rochefoucauld, de Liancourt, etc., tous dans les opinions de Necker, voulant l'établissement d'un gouvernement constitutionnel
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