juillet, les Électeurs de Paris, c'est-à-dire les
délégués des assemblées primaires qui avaient élu les députés de la
ville aux États-Généraux, se réunissaient dans la grande salle de
l'Hôtel de Ville et discutaient un projet d'organisation d'une garde
bourgeoise.
LE RENVOI DE NECKER ET LE RÔLE DES CAPITALISTES DANS
L'INSURRECTION
Le 11 juillet, vers 3 heures de l'après-midi, le roi révoquait Necker et
l'invitait à sortir immédiatement du royaume. Les autres ministres
patriotes, Montmorin, Saint-Priest, La Luzerne étaient de même
disgraciés. Leurs successeurs étaient pris dans le parti de la résistance
à outrance: le baron de Breteuil, le maréchal de Broglie, le duc de La
Vauguyon, etc. Le renvoi de Necker provoqua dans le monde de la
finance et de la bourgeoisie le même émoi que sa menace de démission
le 23 juin.
Le 12 juillet, lorsqu'il apprend le renvoi de Necker, le bailli de Virieu
écrit: «Le renvoi de Necker portera un coup au crédit, et la caisse
d'escompte pourrait bien faire banqueroute. Le roi, probablement, sera
forcé de reculer et de faire retirer les troupes.» «Aussitôt, dit Bailly,
qu'on apprit à Paris la nouvelle du renvoi de Necker, les agents de
change s'assemblèrent pour délibérer sur les suites du coup que cet
événement allait porter au commerce et aux finances. Ils décidèrent
que, pour éviter de mettre à découvert un discrédit total de tous les
effets, la Bourse serait fermée lundi; ils dépêchèrent l'un d'eux, M.
Madimer, à Versailles pour avoir des nouvelles et connaître l'état des
choses». Les craintes des agents de change n'étaient pas injustifiées;
dès le 10, les rumeurs répétées sur le mouvement des troupes autour de
Paris avaient fait tomber les billets de la Caisse d'escompte de 4 265
livres, où ils étaient le 8, à 4 165 livres. L'arrêté fameux de l'Assemblée
nationale du 13 juillet vise expressément la banqueroute. Le
Constituant Lofficial dépeint la consternation des bourgeois parisiens
le 12 juillet: «Ils ne voyaient que la banqueroute royale et la perte de
leur fortune certaine (la majeure partie des Parisiens ayant tout leur
avoir sur le Trésor royal)». Le Tableau des principaux événements de
la Révolution s'exprime ainsi: «Un des principaux moyens employés
par les factieux pour soulever Paris peuplé de capitalistes, de rentiers,
d'agioteurs avait été d'y répandre le bruit que la résolution de faire
banqueroute avait été prise dans le même conseil où l'exil de M. Necker
avait été prononcé. M. Mounier eut la faiblesse d'adopter cette fable
absurde: «Nous déclarerons ... que l'Assemblée nationale ne peut
consentir à une honteuse banqueroute». Enfin Rivarol, dans ses
mémoires, a fait avec amertume les mêmes constatations: «Les
capitalistes, par lesquels la Révolution a commencé n'étaient pas si
difficiles en fait de constitution, et ils auraient donné la main à tout,
pourvu qu'on les payât.... Soixante mille capitalistes et la fourmilière
des agioteurs ont décidé la Révolution». Et, dans une note, il accuse les
principaux banquiers de Paris, Laborde-Méréville, Boscary, Dufresnoy,
d'avoir mis à la disposition du parti révolutionnaire des sommes
considérables. [Note: Pierre Caron, La tentative de contre-révolution
de juin-juillet 1789, dans la Revue d'histoire moderne, t. VIII, pp. 666-
667.]
LE 12 JUILLET
Il est impossible de dépeindre le mouvement immense qui tout à coup
souleva la ville entière de Paris [à la nouvelle du renvoi de Necker].
On y prévit tout ce à quoi il fallait s'attendre, l'assemblée nationale
dissoute par la force, et la capitale envahie par l'armée. Les citoyens
accourent au Palais-Royal, leur rendez-vous accoutumé; la
consternation les y avait conduits; la fureur commune s'y alluma, mais
telle qu'elle dut se communiquer en un moment à cette vaste et
populeuse enceinte. La première Victime du despotisme devint l'idole et
la divinité du jour. Les citoyens prennent un buste de M. Necker; ils y
joignent celui de M. d'Orléans, dont on disait aussi qu'il allait être
exilé, et les promènent dans Paris suivis d'un immense cortège. Des
soldats du Royal-Allemand reçoivent ordre de charger, et frappent de
leurs sabres ces bustes insensibles: plusieurs personnes sont blessées.
Le prince de Lambesc était sur la place de Louis XV avec des soldats
de Royal-Allemand; le peuple lui jette des pierres; alors il se précipite
dans les Tuileries le sabre à la main et blesse un vieillard qui s'y
promenait. Tandis que les femmes et les enfans, effrayés, poussent mille
cris, le canon tire et tout Paris est sur pied et crie aux armes; le tocsin
sonne, les citoyens enfoncent les boutiques des armuriers.
Ils battent une compagnie de Royal-Allemand, et l'émotion continue
durant toute la journée jusqu'à ce que, la nuit étant survenue, des
brigands, apostés hors de Paris, brûlent les barrières, entrent dans la
ville et courent les rues, que remplissaient heureusement des
patrouilles de citoyens, de gardes-françaises et de soldats du guet.
[Note: Rabaut, op. cit., p. 68.]
CAMILLE DESMOULINS AU
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