Les grandes journées de la Constituante | Page 8

Albert Mathiez
de juin-juillet 1789 dans la Revue d'histoire moderne et
contemporaine, t. VII, pp. 20-23.].
LA RÉPLIQUE DES PATRIOTES
LA MOTION DE MIRABEAU DU 8 JUILLET
Le 8 juillet, Mirabeau prononça un terrible réquisitoire contre les
mauvais conseillers du roi qui compromettaient le trône: «Ont-ils
prévu les conseillers de ces mesures, ont-ils prévu les suites qu'elles

entraînent pour la sécurité même du trône? Ont-ils étudié dans
l'histoire de tous les peuples comment les révolutions ont commencé,
comment elles se sont opérées?» Il déposa la motion suivante:
Qu'il soit fait au roi une très humble adresse, pour peindre à S.M. les
vives alarmes qu'inspire à l'Assemblée nationale de son royaume l'abus
qu'on s'est permis depuis quelque temps du nom d'un bon roi pour faire
approcher de la capitale et de cette ville de Versailles des trains
d'artillerie et des corps nombreux de troupes tant étrangères que
nationales, dont plusieurs se sont cantonnés dans les villages voisins, et
pour la formation annoncée de divers camps aux environs de ces deux
villes.
Qu'il soit représenté au roi, non seulement combien ces mesures sont
opposées aux intentions bienfaisantes de S.M. pour le soulagement de
ses peuples dans cette malheureuse circonstance de cherté et de disette
de grains, mais encore combien elles sont contraires à la liberté et à
l'honneur de l'Assemblée nationale, propres à altérer entre le roi et ses
peuples cette confiance qui fait la gloire et la sûreté du monarque, qui
seule peut assurer le repos et la tranquillité du royaume, procurer enfin
à la nation les fruits inestimables qu'elle attend des travaux et du zèle
de cette Assemblée.
Que S.M. soit suppliée très respectueusement de rassurer ses fidèles
sujets en donnant les ordres nécessaires pour la cessation immédiate
de ces mesures également inutiles, dangereuses et alarmantes, et pour
le prompt renvoi des troupes et des trains d'artillerie aux lieux d'où on
les a tirés.
Et attendu qu'il peut être convenable, en suite des inquiétudes et de
l'effroi que ces mesures ont jetés dans le coeur du peuple, de pourvoir
provisionnellement au maintien du calme et de la tranquillité; S.M.
sera suppliée d'ordonner que dans les deux villes de Paris et de
Versailles, il soit incessamment levé des gardes bourgeoises qui, sous
les ordres du roi, suffiront pleinement à remplir ce but sans augmenter
autour de deux villes travaillées des calamités de la disette le nombre
des consommateurs. [Note: Réimpression du Moniteur.]

La motion de Mirabeau fut votée, à l'unanimité moins quatre voix, à
l'exception du dernier paragraphe que les électeurs de Paris allaient se
charger de mettre en application. [Note: Dès le 25 juin les électeurs de
Paris avaient agité le projet d'une milice bourgeoise.]
L'AGITATION A PARIS. LES GARDES FRANÇAISES
A ces mouvements et à ces bruits la capitale entière n'eut qu'un
sentiment; et ce n'était pas une populace ignorante et tumultueuse,
c'était tout ce que cette ville célèbre renferme d'hommes éclairés ou
braves de tous les états et de toutes les conditions. Le danger commun
avait tout réuni. Les femmes qui, dans les mouvements populaires,
montrent toujours le plus d'audace, encourageaient les citoyens à la
défense de leur patrie. Ceux-ci, par un instinct que leur donnaient le
danger public et l'exaltation du patriotisme, demandaient aux soldats
qu'ils rencontrent s'ils auront le courage de massacrer leurs frères,
leurs concitoyens, leurs parents, leurs amis. Les gardes-françaises les
premiers, ces citoyens généreux, rebelles à leurs maîtres, selon le
langage du despotisme, mais fidèles à la nation, jurent de ne tourner
jamais leurs armes contre elle. Des militaires d'autres corps les imitent.
On les comble de caresses et de présents. On voit ces soldats, qui
avaient été amenés pour l'oppression de la capitale, et par conséquent
du royaume, se promener dans les rues en embrassant les citoyens. Ils
arrivent en foule au Palais-Royal, où tout le monde s'empresse de leur
offrir des rafraîchissements, et chacun emploie tous les moyens qu'il
juge propres à détacher les soldats de l'obéissance arbitraire pour les
réunir à la cause commune. On apprend cependant que quelques-uns
d'entre eux vont être punis d'avoir refusé de tirer sur leurs concitoyens,
que onze gardes françaises sont détenus aux prisons de l'Abbaye, et
vont être transférés à Bicêtre, prison des plus vils scélérats. Leur cause
devient la cause publique. On court les délivrer [le 9 juillet]; la foule
grossit en marchant; on force les prisons, on entre, on les délivre; et ils
sont amenés en triomphe au Palais-Royal, qui devient leur asile. Les
hussards et les dragons qui avaient reçu ordre de charger les citoyens,
posent leurs armes et se joignent à eux; et l'on entend partout les cris
de Vive la Nation! car, depuis la constitution des communes en
assemblée nationale, c'était le cri de la joie publique, et l'on ne disait

plus vive le Tiers-Etat!. [Note: Rabaut, op. cit., pp. 64-65.]
Le lendemain, 10
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