Les derniers Iroquois | Page 7

Émile Chevalier
aux affaires. La majeure partie de la population y est anglaise. Plus loin, en escaladant les premi��res rues de la montagne, nous rencontrons les rues Craig, Vitr��, de la Gaucheti��re, Dorchester, et la grande rue Sainte-Catherine; plus loin encore, la rue Sherbrooke. Toutes observent un parall��lisme remarquable.
Les premi��res sont habit��es par des Canadiens fran?ais, la derni��re par l'aristocratie anglaise.
Perdue sous des all��es d'arbres touffus, la rue Sherbrooke ressemble vraiment �� l'avenue d'un Eden. L�� on n'entend ni tumulte, ni grincement criard. Le chant des oiseaux, les soupirs d'une romance, les fr��missements d'une harpe, le chuchotement d'un piano viennent caresser vos oreilles.
L��, point de luxueux magasins pour fasciner vos yeux, mais des cottages gracieux, des villas pimpantes, des manoirs f��odaux en miniature, de vertes pelouses, des jardins ��maill��s de fleurs pour s��duire votre imagination. L��, point de mouvement, point de passants qui vous coudoient, mais le murmure harmonieux du feuillage, des amants solitaires lentement press��s l'un contre l'autre, des apparitions enchanteresses qui vous ravissent le coeur.
Elle n'est point r��guli��re, la rue Sherbrooke, elle n'est point dall��e, pas m��me pav��e, mais ses m��andres sont si myst��rieux, sa poussi��re est si molle, son gazon si doux, ses ombrages si frais... Ah! oui, c'est bien dans la rue Sherbrooke qu'on aime �� aimer!
Et quel merveilleux panorama se d��roule �� vos pieds, se masse sur votre t��te! C'est Montr��al, la vigilante, qui chauffe ses fourneaux, ouvre ses chantiers, charge et d��charge ses cargaisons, d��core ses ��difices, agite ses milliers de bras, comme ses milliers de t��tes! C'est une montagne dont les sommets altiers d��chirent la nue; ce sont de gras coteaux, des bois plus verts que l'��meraude, des vergers o�� se veloutent et se dorent les fruits savoureux, des parterres embaum��s et diapr��s de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
L'extr��mit�� septentrionale de la rue Sherbrooke aboutit �� la rue Saint-Denis, grande art��re qui s'appuie perpendiculairement sur la rue Notre Dame, divise toute la ville du haut en bas et court s'��panouir dans la prairie.
Elle forme la limite du faubourg Qu��bec.
Dans ce faubourg, un des plus populeux de Montr��al, essaiment des Canadiens-Fran?ais artisans, d��tailleurs ou d��bitants de boissons pour la plupart. Jadis ses h?tes ��taient gens enrichis par la traite des pelleteries. On peut s'en convaincre ais��ment �� l'apparence des maisons que les d��sastreux incendies de 1852 ont ��pargn��es[14].
[Note 14: Apr��s ces incendies successifs, plus de vingt mille habitants se trouv��rent sans logements.]
Mais, �� mesure que la race anglaise s'est agglom��r��e dans la ville, elle y a usurp�� le sceptre de la fortune[15], et soit qu'elle ne voul?t pas s'allier �� la race fran?aise, soit que ses go?ts la portassent �� se hausser, elle a d��sert�� les bords du fleuve pour charger de ses palais les gradins de la montagne. On conna?t l'histoire des moutons de Panurge: petit �� petit, les conquis ont imit�� les conqu��rants, et, �� pr��sent, sauf de rares exceptions, il est peu de Canadiens-Fran?ais, rentiers ou dignitaires, qui oseraient avouer un domicile dans le faubourg Qu��bec.
[Note 15: Chose triste �� dire, mais trop facile �� comprendre, partout o�� les populations protestante et catholique se trouvent en pr��sence, on voit la premi��re prosp��rer, acqu��rir des richesses, l'autre d��cro?tre, s'appauvrir.]
Cette migration n'a, du reste, rien qui doive surprendre. Les circonstances ont pu les provoquer. Au fur et �� mesure que la ville a ��largi sa ceinture, les fabriques, les usines se sont multipli��es. Par cons��quent, les rives du fleuve ont acquis une importance relative qu'elles n'avaient pas auparavant. On a vendu les terrains occup��s par les maisons de plaisance pour y faire des manufactures, et les premiers se sont r��fugi��s autre part. Puis, fait digne d'attention, comme beaucoup de cit��s am��ricaines, Montr��al tend �� remonter le cours du fleuve qui baigne ses murs. Il n'y a pas longtemps, les vaisseaux ne jetaient point l'ancre plus haut que la place de la Douane. Par l'ouverture du canal Lachine[16], on leur a facilit�� un mouillage jusqu'au bout de l'?le, pour ainsi dire. Dans quelques ann��es probablement, quand les docks projet��s par M. Young seront ex��cut��s, le port de Montr��al s'��tendra de la rue Bonsecours, �� l'entr��e du faubourg Qu��bec, jusqu'�� la pointe Saint-Charles, t��te du pont Victoria.
[Note 16: Pour l'��tymologie de ce nom, voir la Huronne.]
Alors, les quartiers sous-jacents se d��peupleront au profit des quartiers nouveaux qui s'installeront en amont. Cela s'explique facilement: quand une colonie se fixe pr��s d'un cours d'eau, elle d��friche les terres en s'acheminant vers la source. S'il survient d'autres membres �� la colonie, ils ne planteront pas leurs tentes au-dessous des pr��c��dents parce que les pouvoirs d'eau ont ��t�� utilis��s d'une fa?on ou d'une autre par le drainage des campagnes ou le jeu des machines, mais ils s'��tablissent au-dessus o�� rien ne les g��ne et ne les embarrasse.
Les terres inf��rieures ��tant ainsi les premi��res mises en culture acqui��rent un prix que n'ont
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