Les chansons de Bilitis | Page 4

Pierre Louÿs
�� jamais pr��cieuse, veillait toujours sur le squelette orn�� de tous ses bijoux d'or et blanc comme une branche de neige, mais si doux et si fragile qu'au moment o�� on l'effleura, il se confondit en poussi��re.
PIERRE LOUYS
Constantine, Ao?t 1894.

I
BUCOLIQUES EN PAMPHYLIE

TH��OCRITE.

1 -- L'ARBRE
Je me suis d��v��tue pour monter �� un arbre; mes cuisses nues embrassaient l'��corce lisse et humide; mes sandales marchaient sur les branches.
Tout en haut, mais encore sous les feuilles et �� l'ombre de la chaleur, je me suis mise �� cheval sur une fourche ��cart��e en balan?ant mes pieds dans le vide.
Il avait plu. Des gouttes d'eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains ��taient tach��es de mousse, et mes orteils ��taient rouges, �� cause des fleurs ��cras��es.
Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers; alors je serrais mes jambes davantage et j'appliquais mes l��vres ouvertes sur la nuque chevelue d'un rameau.

2 -- CHANT PASTORAL
Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d'��t��. Je garde mon troupeau et S��l��nis le sien, �� l'ombre ronde d'un olivier qui tremble.
S��l��nis est couch��e sur le pr��. Elle se l��ve et court, ou cherche des cigales, ou cueille des fleurs avec des herbes, ou lave son visage dans l'eau fra?che du ruisseau.
Moi, j'arrache la laine au dos blond des moutons pour en garnir ma quenouille, et je file. Les heures sont lentes. Un aigle passe dans le ciel.
L'ombre tourne: changeons de place la corbeille de figues et la jarre de lait. Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d'��t��.

3 -- PAROLES MATERNELLES
Ma m��re me baigne dans l'obscurit��, elle m'habille au grand soleil et me coiffe dans la lumi��re; mais si je sors au clair de lune, elle serre ma ceinture et fait un double noeud.
Elle me dit: ? Joue avec les vierges, danse avec les petits enfants; ne regarde pas par la fen��tre; fuis la parole des jeunes hommes et redoute le conseil des veuves.
? Un soir, quelqu'un, comme pour toutes, te viendra prendre sur le seuil au milieu d'un grand cort��ge de tympanons sonores et de fl?tes amoureuses.
? Ce soir-l��, quand tu t'en iras, Bilit?, tu me laisseras trois gourdes de fiel: une pour le matin, une pour le midi, et la troisi��me, la plus am��re, la troisi��me pour les jours de f��te. ?

4 -- LES PIEDS NUS
J'ai les cheveux noirs, le long de mon dos, et une petite calotte ronde. Ma chemise est de laine blanche. Mes jambes fermes brunissent au soleil.
Si j'habitais la ville, j'aurais des bijoux d'or, et des chemises dor��es et des souliers d'argent... Je regarde mes pieds nus, dans leurs souliers de poussi��re.
Psophis! viens ici, petite pauvre! porte-moi jusqu'aux sources, lave mes pieds dans tes mains et presse des olives avec des violettes pour les parfumer sur les fleurs.
Tu seras aujourd'hui mon esclave; tu me suivras et tu me serviras, et �� la fin de la journ��e je te donnerai, pour ta m��re, des lentilles du jardin de la mienne.

5 -- LE VIEILLARD ET LES NYMPHES
Un vieillard aveugle habite la montagne. Pour avoir regard�� les nymphes, ses yeux sont morts, voil�� longtemps. Et depuis, son bonheur est un souvenir lointain.
? Oui, je les ai vues, m'a-t-il dit. Helopsychria, Limnanthis; elles ��taient debout, pr��s du bord, dans l'��tang vert de Physos. L'eau brillait plus haut que leurs genoux.
? Leurs nuques se penchaient sous les cheveux longs. Leurs ongles ��taient minces comme des ailes de cigales. Leurs mamelons ��taient creux comme des calices de jacinthes.
? Elles promenaient leurs doigts sur l'eau et tiraient de la vase invisible les n��nufars �� longue tige. Autour de leurs cuisses s��par��es, des cercles lents s'��largissaient... ?

6 -- CHANSON
? Torti-tortue, que fais-tu l�� au milieu? -- Je d��vide la laine et le fil de Milet. -- H��las H��las! Que ne viens-tu danser? -- J'ai beaucoup de chagrin. J'ai beaucoup de chagrin.
-- Torti-tortue, que fais-tu l�� au milieu? -- Je taille un roseau pour la fl?te fun��bre. -- H��las! H��las! Qu'est-il arriv��! -- Je ne le dirai pas. Je ne le dirai pas.
-- Torti-tortue, que fais-tu l�� au milieu? -- Je presse les olives pour l'huile de la st��le. -- H��las! H��las! Et qui donc est mort? -- Peux-tu le demander? Peux-tu le demander?
-- Torti-tortue, que fais-tu l�� au milieu? -- Il est tomb�� dans la mer... -- H��las! H��las! et comment cela? -- Du haut des chevaux blancs. Du haut des chevaux blancs. ?

7 -- LE PASSANT
Comme j'��tais assise le soir devant la porte de la maison, un jeune homme est venu �� passer. Il m'a regard��e, j'ai tourn�� la t��te. Il m'a parl��, je n'ai pas r��pondu.
Il a voulu m'approcher. J'ai pris une faulx contre le mur et je lui aurais fendu la joue s'il avait
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