Les aventures de M. Colin-Tampon | Page 4

Jules Girardin
ch��re femme m'avait dit qu'elle comptait sur mon adresse pour le r?ti. Nous l'avons maintenant, le r?ti. Puisqu'Azor ne sait pas rapporter, je le ramasserai moi-m��me.?
[Illustration: Il recule en poussant un cri de terreur.]
Il avance de quelques pas; le li��vre lui semble gonfl�� comme un li��vre hydropique, mais qu'importe? c'est probablement l'effet du coup de feu.
Tout �� coup il recule en poussant un cri de terreur: le li��vre hydropique s'est enlev�� comme un ballon et a disparu dans les branches de l'arbre.

VI
M. Colin-Tampon eut bient?t l'explication de cet ��trange ph��nom��ne.
Apr��s s'��tre ��lev�� d'un bond jusqu'aux premi��res branches de l'arbre, le li��vre retomba sur le sol avec un son mat.
Alors seulement M. Colin-Tampon reconnut que son li��vre ��tait une vieille peau de li��vre, bourr��e de foin. Elle ��tait attach��e �� une ficelle qui passait par-dessus l'une des branches. A l'autre bout, il y avait, ou plut?t il y avait eu un gamin fac��tieux qui faisait danser la peau de li��vre pour tenter la convoitise des chasseur inexp��riment��s.
Au moment m��me o�� la vieille peau de li��vre retombait sur le sol, M. Colin-Tampon entendit un rire moqueur, suivi d'un bruit de sabots qui s'enfuyaient.
Il aper?ut un gamin qui disparaissait derri��re une cl?ture, il vit la ficelle et comprit tout.
?Attends-moi, polisson?, s'��cria alors le chasseur, dont la poitrine ��tait gonfl��e d'une l��gitime indignation.
?Attends-moi un peu, que je te dise deux mots �� l'oreille!? r��p��ta-t-il d'une voix forte; mais le gamin, qui sans doute n'��tait pas curieux de savoir ce que M. Colin-Tampon pouvait avoir �� lui dire, n'attendit ni un peu ni beaucoup, et continua �� arpenter la plaine.
M. Colin-Tampon frissonna d'horreur �� l'id��e qu'il aurait pu blesser de quelques grains de plomb l'auteur de cette indigne com��die. Et alors, malgr�� son innocence, on l'aurait tra?n��, lui, conseiller municipal, devant les tribunaux, et on l'aurait accus�� de ne pas savoir se servir d'un fusil.
Payer l'amende n'e?t rien ��t��, mais de quel front aurait-il abord�� d��sormais l'ami Sauvageot, apr��s avoir donn�� raison �� tous ses pronostics?
Ayant fait un ferme propos de se d��fier �� l'avenir des li��vres empaill��s, M. Colin-Tampon, avant de reprendre le cours de ses exploits, donna une seconde accolade �� la bouteille cliss��e.
?Apr��s tout, se dit-il en s'essuyant les l��vres, ce n'est pas ma faute si les apparences m'ont d��?u, j'ai tir�� avec autant de courage que s'il se f?t agi d'un vrai li��vre!?
Il siffla Azor, et s'enfon?a dans la solitude.
Au bout de deux cents pas, il s'arr��ta court, essuya les verres de ses lunettes, et regarda devant lui, le coeur tremblant d'��motion.
[Illustration: Un gros oiseau de l'esp��ce la plus bizarre.]
Oui! ce qu'il voyait ��tait bien un oiseau, et m��me un gros oiseau de l'esp��ce la plus bizarre. On e?t jur�� qu'il ��tait coiff�� d'un chapeau �� larges bords! M. Colin-Tampon se souvint fort �� propos qu'il existe un oiseau qui se nomme le _casoar �� casque_; celui-ci ��tait peut-��tre le _merle �� chapeau_ Pourquoi pas? Il s'approche avec mille pr��cautions, s'assure en faisant le tour de l'arbre, �� bonne distance, qu'il n'y a point de gamin cach�� derri��re, ��paule, vise, ferme les yeux et fait feu.

VII
L'inventeur du bouton inamovible rouvre les yeux et regarde de toutes ses lunettes. Ses yeux deviennent tout ronds, comme les yeux d'un homme surpris, et ses lunettes tremblent d'��motion sur son nez.
Au fait, je suis peut-��tre bien hardi d'oser ��crire que les lunettes de M. Colin-Tampon trembl��rent d'��motion. La po��sie seule a le droit de pr��ter la vie et le sentiment aux objets inanim��s. Je me reprends donc et je dis: ?Le nez de M. Colin-Tampon trembla d'��motion, et les lunettes qui le chevauchaient suivirent le mouvement de leur monture.? Me voil�� en r��gle, et je continue.
Le plomb a fait balle, le chapeau aux larges bords tournoie dans l'espace; le merle d��capit�� reste perch�� sur sa branche, comme s'il avait encore son chapeau sur la t��te et sa t��te sur ses ��paules. Peut-��tre une violente contraction nerveuse rive-t-elle les pattes de l'infortun�� �� la branche de l'arbre?
Quand la contraction nerveuse cessera, le gibier ne peut manquer de tomber. C'est l'avis d'Azor, qui a franchi d'un bond la cl?ture du champ, et qui attend, le nez en l'air, la chute du merle �� chapeau.
Emport�� par son ardeur cyn��g��tique, et aussi par sa curiosit��, M. Colin-Tampon franchit la cl?ture �� son tour et se pr��cipite du c?t�� de l'arbre.
A mesure qu'il s'en approche, ses traits expriment toutes les nuances du d��sappointement. Vu de pr��s, le merle n'est pas un merle, c'est un amas informe de chiffons et de brins de paille grossi��rement enroul��s autour d'un baton transversal. En un mot, le merle �� chapeau n'est autre chose qu'un ��pouvantail destin�� �� effrayer les moineaux et �� les ��carter du cerisier �� l'��poque o�� les cerises rougissent.
M. Colin-Tampon regarde longuement Azor, et Azor regarde longuement M. Colin-Tampon. Les yeux
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