Les aventures de M.
Colin-Tampon
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Title: Les aventures de M. Colin-Tampon
Author: Jules Girardin
Release Date: April 9, 2005 [EBook #15593]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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AVENTURES DE M. COLIN-TAMPON ***
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[Illustration]
GIRARDIN LES AVENTURES DE COLIN-TAMPON HACHETTE
ET Cie
[Illustration: Le chasseur s'arrête, épaule, vise et fait feu (page 19)]
LES AVENTURES DE M. COLIN-TAMPON
PAR J. GIRARDIN
ILLUSTRÉ DE 17 DESSINS DE R. TINANT
QUATRIÈME ÉDITION PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie 70,
BOULEVARD SAINT GERMAIN, 70 1896
LES AVENTURES DE M. COLIN-TAMPON
I
M. Colin-Tampon avait cinquante ans; il était propriétaire d'une jolie
villa sur le territoire de Courbevoie, et, par-dessus le marché, conseiller
municipal.
Il va sans dire que M. Colin-Tampon avait été jeune dans son temps. Si
nous le prenons à l'âge de seize ans, nous remarquons qu'il s'appelait
alors Colin tout court, qu'il étudiait pendant le jour les mystères de la
mercerie, rue Saint-Denis, à l'enseigne du _Bouton-d'Or_, sous les
auspices de M. Tampon, patron peu endurant; la nuit, il dormait à
poings fermés dans une soupente située au sixième étage de la maison
même où habitait son patron. Comme il n'était point ambitieux, ses
rêves, quand par hasard il rêvait, ne lui montraient point la jolie villa de
Courbevoie ni les honneurs municipaux; oh, mon Dieu, non! Il rêvait
qu'il y avait deux dimanches par semaine au lieu d'un, ou bien que la
morue n'apparaissait qu'une fois par semaine, au lieu de cinq, sur la
table du patron.
N'allez pas conclure de là que le jeune Ernest Colin fut un paresseux ou
un gourmand. Son patron le faisait travailler avec une sévérité si
implacable, que le soir «les jambes lui rentraient dans le corps». Il était
donc bien excusable de soupirer après le jour du repos. Quant à la
morue, mon intention n'est point d'en dire du mal. C'est un mets exquis
pour ceux qui l'aiment, et encore à condition qu'ils n'en abusent pas.
Ernest en abusait, et il en abusait bien malgré lui, car il avait une
horreur instinctive pour ce mets, cher à M. Tampon.
Arrivé à l'âge de vingt-cinq ans, Ernest descendit de la soupente pour
épouser la fille de son patron, lequel s'en alla planter ses choux à
Charenton, tout en conservant un intérêt dans les affaires du
_Bouton-d'Or_.
Un peintre en bâtiments dressa son échelle le long de la devanture et,
devant le mot Tampon, peignit le mot Colin, ce qui fit _Colin-Tampon_.
Mais comme l'image du _Bouton-d'Or_, qui planait au-dessus du mot
Tampon, ne se trouvait plus au milieu de l'inscription, le peintre, pour
rétablir la symétrie, ajouta, à droite de Tampon, et Cie, ce qui fit
_Colin-Tampon et Cie_. Comme cette addition ne pouvait faire de tort
à personne, personne ne réclama.
Vers la quarantaine, M. Colin-Tampon eut un violent accès de goutte.
Dans ses méditations solitaires, qui toujours roulaient sur la mercerie, il
lui vint une inspiration de génie, et il inventa le bouton inamovible qui
fit sa fortune.
[Illustration: Il apparut en grand équipage aux yeux éblouis de sa
femme.]
Devenu riche, il se retira à Courbevoie et fut bientôt élu conseiller
municipal. Cependant la goutte le tracassait et l'embonpoint
commençait à l'envahir.
Il consulta ses amis, qui lui enseignèrent des remèdes de bonnes
femmes, et ne s'en trouva pas soulagé. Sur le conseil de son médecin, il
prit un port d'armes, acheta un harnachement de chasseur et un chien.
Puis, un jour, il apparut en grand équipage aux yeux éblouis de sa
femme et de sa servante, fier comme Artaban et beau comme Apollon
Pythien.
II
D'un pas martial, il descendit les marches du perron en faisant sonner
les clous de ses souliers. Déjà, à grandes enjambées, il se dirigeait vers
la grille du jardin, lorsque Mme Colin-Tampon éprouva le besoin
d'ajouter quelques conseils aux nombreuses recommandations qu'elle
lui avait déjà prodiguées.
«Ernest!» s'écria-t-elle.
Ernest fit volte-face, et, voyant que sa femme accourait vers lui, il
voulut galamment lui épargner les deux tiers du chemin. Il ne courait
pas il volait, et les trois petites plumes qui ornaient son chapeau étaient
rejetées en arrière par la rapidité de sa course.
En le voyant si jeune et si leste, Mme Colin-Tampon sourit. Ernest
arriva comme elle descendait la
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