Les Voyages de Gulliver | Page 8

Jonathan Swift
ces choses en particulier. D'abord il demanda mon sabre: il avait donn�� ordre �� trois mille hommes de ses meilleures troupes qui l'accompagnaient de l'environner �� quelque distance avec leurs arcs et leurs fl��ches; mais je ne m'en aper?us pas dans le moment, parce que mes yeux ��taient fix��s sur Sa Majest��. Il me pria donc de tirer mon sabre, qui, quoique un peu rouill�� par l'eau de la mer, ��tait n��anmoins assez brillant. Je le fis, et tout aussit?t les troupes jet��rent de grands cris. Il m'ordonna de le remettre dans le fourreau et de le jeter �� terre, aussi doucement que je pourrais, environ �� six pieds de distance de ma cha?ne. La seconde chose qu'il me demanda fut un de ces piliers creux de fer, par lesquels il entendait mes pistolets de poche; je les lui pr��sentai et, par son ordre, je lui en expliquai l'usage comme je pus, et, ne les chargeant que de poudre, j'avertis l'empereur de n'��tre point effray��, et puis je les lirai en l'air. L'��tonnement, �� cette occasion, fut plus, grand qu'�� la vue de mon sabre; ils tomb��rent tous �� la renverse comme s'ils eussent ��t�� frapp��s du tonnerre; et m��me l'empereur, qui ��tait tr��s brave, ne put revenir �� lui-m��me qu'apr��s quelque temps. Je lui remis mes deux pistolets de la m��me mani��re que mon sabre, avec mes sacs de plomb et de poudre, l'avertissant de ne pas approcher le sac de poudre du feu, s'il ne voulait voir son palais imp��rial sauter en l'air, ce qui le surprit beaucoup. Je lui remis aussi ma montre, qu'il fut fort curieux de voir, et il commanda �� deux de ses gardes les plus grands de la porter sur leurs ��paules, suspendue �� un grand baton, comme les charretiers des brasseurs portent un baril de bi��re en Angleterre. Il ��tait ��tonn�� du bruit continuel qu'elle faisait et du mouvement de l'aiguille qui marquait les minutes; il pouvait ais��ment le suivre des yeux, la vue de ces peuples ��tant bien plus per?ante que la n?tre. Il demanda sur ce sujet le sentiment de ses docteurs, qui furent tr��s partag��s, comme le lecteur peut bien se l'imaginer.
Ensuite je livrai mes pi��ces d'argent et de cuivre, ma bourse, avec neuf grosses pi��ces d'or et quelques-unes plus petites, mon peigne, ma tabati��re d'argent, mon mouchoir et mon journal. Mon sabre, mes pistolets de poche et mes sacs de poudre et de plomb furent transport��s �� l'arsenal de Sa Majest��; mais tout le reste fut laiss�� chez moi.
J'avais une poche en particulier, qui ne fut point visit��e, dans laquelle il y avait une paire de lunettes, dont je me sers quelquefois �� cause de la faiblesse de mes yeux, un t��lescope, avec plusieurs autres bagatelles que je crus de nulle cons��quence pour l'empereur, et que, pour cette raison, je ne d��couvris point aux commissaires, appr��hendant qu'elles ne fussent gat��es ou perdues si je venais �� m'en dessaisir.

Chapitre III
L'auteur divertit l'empereur et les grands de l'un et de l'autre sexe d'une mani��re fort extraordinaire. Description des divertissements de la cour de Lilliput. L'auteur est mis en libert�� �� certaines conditions.
L'empereur voulut un jour me donner le divertissement de quelque spectacle, en quoi ces peuples surpassent toutes les nations que j'ai vues, soit pour l'adresse, soit pour la magnificence; mais rien ne me divertit davantage que lorsque je vis des danseurs de corde voltiger sur un fil blanc bien mince, long de deux pieds onze pouces.
Ceux qui pratiquent cet exercice sont les personnes qui aspirent aux grands emplois, et souhaitent de devenir les favoris de la cour; ils sont pour cela form��s d��s leur jeunesse �� ce noble exercice, qui convient surtout aux personnes de haute naissance. Quand une grande charge est vacante, soit par la mort de celui qui en ��tait rev��tu, soit par sa disgrace (ce qui arrive tr��s souvent), cinq ou six pr��tendants �� la charge pr��sentent une requ��te �� l'empereur pour avoir la permission de divertir Sa Majest�� et sa cour d'une danse sur la corde, et celui qui saute le plus haut sans tomber obtient la charge. Il arrive tr��s souvent qu'on ordonne aux grands magistrats de danser aussi sur la corde, pour montrer leur habilet�� et pour faire conna?tre �� l'empereur qu'ils n'ont pas perdu leur talent. Flimnap, grand tr��sorier de l'empire, passe pour avoir l'adresse de faire une cabriole sur la corde au moins un pouce plus haut qu'aucun autre seigneur de l'empire; je l'ai vu plusieurs fois faire le saut p��rilleux (que nous appelons le somerset) sur une petite planche de bois attach��e �� une corde qui n'est pas plus grosse qu'une ficelle ordinaire.
Ces divertissements causent souvent des accidents funestes, dont la plupart sont enregistr��s dans les archives imp��riales. J'ai vu moi-m��me deux ou trois pr��tendants s'estropier; mais le p��ril est
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