Les Voyages de Gulliver | Page 7

Jonathan Swift
et, quand ils
eurent achevé; ils me prièrent de les mettre à terre, afin qu'ils pussent
rendre compte de leur visite à l'empereur.
Cet inventaire était conçu dans les termes suivants:
«Premièrement, dans la poche droite du justaucorps du grand homme
Montagne (c'est ainsi que je rends ces mots: Quinbus Flestrin), après
une visite exacte, nous n'avons trouvé qu'un morceau de toile grossière,
assez grand pour servir de tapis de pied, dans la principale chambre de
parade de Votre Majesté. Dans la poche gauche; nous avons trouvé un
grand coffre d'argent avec un couvercle de même métal, que nous,
commissaires, n'avons pu lever (ma tabatière). Nous avons prié ledit
homme Montagne de l'ouvrir, et, l'un de nous étant entré dedans, a eu
de la poussière jusqu'aux genoux, dont il a éternué pendant deux heures,
et l'autre pendant sept minutes. Dans la poche droite de sa veste, nous
avons trouvé un paquet prodigieux de substances blanches et minces,
pliées l'une sur l'autre, environ de la grosseur de trois hommes,
attachées d'un câble bien fort et marquées de grandes figures noires,
lesquelles il nous a semblé être des écritures. Dans la poche gauche, il y
avait une grande machine plate armée de grandes dents très longues qui
ressemblent aux palissades qui sont dans la cour de Votre Majesté (un
peigne). Dans la grande poche du côté droit de son couvre-milieu (c'est
ainsi que je traduis le mot de ranfulo, par lequel on voulait entendre ma
culotte), nous avons vu un grand pilier de fer creux, attaché à une
grosse pièce de bois plus large que le pilier, et d'un côté du pilier il y
avait d'autres pièces de fer en relief, serrant un caillou coupé en talus;
nous n'avons su ce que c'était (un pistolet à pierre); et dans la poche
gauche il y avait encore une machine de la même espèce. Dans la plus
petite poche du côté droit, il y avait plusieurs pièces rondes et plates, de
métal rouge et blanc et d'une grosseur différente; quelques-unes des
pièces blanches, qui nous ont paru être d'argent, étaient si larges et si
pesantes, que mon confrère et moi nous avons eu de la peine à les lever.
Item, deux sabres de poche (deux canifs), dont la lame s'emboîtait dans
une rainure du manche, et qui avait le fil fort tranchant; ils étaient
placés dans une grande boîte ou étui. Il restait deux poches à visiter:
celles-ci, il les appelait goussets. C'étaient deux ouvertures coupées

dans le haut de son couvre-milieu, mais fort serrées par son ventre, qui
les pressait. Hors du gousset droit pendait une grande chaîne d'argent,
avec une machine très merveilleuse au bout. Nous lui avons commandé
de tirer hors du gousset tout ce qui tenait à cette chaîne; cela paraissait
être un globe dont la moitié était d'argent et l'autre était un métal
transparent. Sur le côté transparent, nous avons vu certaines figures
étranges tracées dans un cercle; nous avons cru que nous pourrions les
toucher, mais nos doigts ont été arrêtés par une substance lumineuse.
Nous avons appliqué cette machine à nos oreilles; elle faisait un bruit
continuel, à peu près comme celui d'un moulin à eau, et nous avons
conjecturé que c'est ou quelque animal inconnu, ou la divinité qu'il
adore; mais nous penchons plus du côté de la dernière opinion, parce
qu'il nous a assuré (si nous l'avons bien entendu, car il s'exprimait fort
imparfaitement) qu'il faisait rarement une chose sans l'avoir consultée;
il l'appelait son oracle, et disait qu'elle désignait le temps pour chaque
action de sa vie. Du gousset gauche il tira un filet presque assez large
pour servir à un pêcheur (une bourse), mais qui s'ouvrait et se refermait;
nous avons trouvé au dedans plusieurs pièces massives d'un métal jaune;
si c'est du véritable or, il faut qu'elles soient d'une valeur inestimable.
«Ainsi, ayant, par obéissance aux ordres de Votre Majesté, fouillé
exactement toutes ses poches, nous avons observé une ceinture autour
de son corps, faite de la peau de quelque animal prodigieux, à laquelle,
du côté gauche, pendait une épée de la longueur de six hommes, et du
côté droit une bourse ou poche partagée en deux cellules, chacune étant
capable de tenir trois sujets de Votre Majesté. Dans une de ces cellules
il y avait plusieurs globes ou balles d'un autre métal très pesant, environ
de la grosseur de notre tête, et qui exigeaient une main très forte pour
les lever; l'autre cellule contenait un amas de certaines graines noires,
mais peu grosses et assez légères, car nous en pouvions tenir plus de
cinquante dans la paume de nos mains (des balles et de la poudre).
«Tel est l'inventaire exact de tout ce que nous avons trouvé sur le corps
de l'homme Montagne, qui nous a reçus avec beaucoup d'honnêteté et
avec
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