Les Quarante-cinq, vol 2 | Page 4

Alexandre Dumas, père
le duc, voil�� parler. Maintenant, voyons: ?a, monsieur le lieutenant de la pr��v?t��, y a-t-il beaucoup de fain��ants et de mauvais peuple dans l'?le-de-France?
Nicolas Poulain, qui ne s'��tait pas mis une seule fois en avant, s'avan?a comme malgr�� lui.
-- Oui, certes, monseigneur, dit-il, il n'y en a que trop.
-- Pouvez-vous nous donner �� peu pr��s le chiffre de cette populace?
-- Oui, �� peu pr��s.
-- Estimez donc, ma?tre Poulain.
Poulain se mit �� compter sur ses doigts.
-- Voleurs, trois �� quatre mille;
Oisifs et mendiants, deux mille �� deux mille cinq cents;
Larrons d'occasion, quinze cents �� deux mille;
Assassins, quatre �� cinq cents.
-- Bon! voil��, au bas chiffre, six mille ou six mille cinq cents gredins de sac et de corde. A quelle religion appartiennent ces gens-l��?
-- Pla?t-il, monseigneur? interrogea Poulain.
-- Je demande s'ils sont catholiques ou huguenots.
Poulain se mit �� rire.
-- Ils sont de toutes les religions, monseigneur, dit-il, ou plut?t d'une seule: leur Dieu est l'or, et le sang est leur proph��te.
-- Bien, voil�� pour la religion religieuse, si l'on peut dire cela; et maintenant, en religion politique, qu'en dirons-nous? Sont-ils valois, ligueurs, politiques z��l��s, ou navarrais?
-- Ils sont bandits et pillards.
-- Monseigneur, ne supposez pas, dit Cruc��, que nous irons jamais prendre ces gens pour alli��s.
-- Non, certes, je ne le suppose pas, monsieur Cruc��, et c'est bien ce qui me contrarie.
-- Et pourquoi cela vous contrarie-t-il, monseigneur? demand��rent avec surprise quelques membres de la d��putation.
-- Ah! c'est que, comprenez bien, messieurs, ces gens-l�� qui n'ont pas d'opinion, et qui par cons��quent ne fraternisent pas avec vous, voyant qu'il n'y a plus �� Paris de magistrats, plus de force publique, plus de royaut��, plus rien enfin de ce qui les contient encore, se mettront �� piller vos boutiques pendant que vous ferez la guerre, et vos maisons pendant que vous occuperez le Louvre: tant?t ils se mettront avec les Suisses contre vous, tant?t avec vous contre les Suisses, de fa?on qu'ils seront toujours les plus forts.
-- Diable, firent les d��put��s en se regardant entre eux.
-- Je crois que c'est assez grave pour qu'on y pense, n'est-ce pas, messieurs? dit le duc. Quant �� moi, je m'en occupe fort, et je chercherai un moyen de parer �� cet inconv��nient, car votre int��r��t avant le n?tre, c'est la devise de mon fr��re et la mienne.
Les d��put��s firent entendre un murmure d'approbation.
-- Messieurs, maintenant permettez �� un homme qui a fait vingt-quatre lieues �� cheval dans sa nuit et dans sa journ��e, d'aller dormir quelques heures; il n'y a pas p��ril dans la demeure, quant �� pr��sent du moins, tandis que si vous agissez il y en aurait: ce n'est point votre avis peut- ��tre?
-- Oh! si fait, monsieur le duc, dit Brigard.
-- Tr��s bien.
-- Nous prenons donc bien humblement cong�� de vous, monseigneur, continua Brigard, et quand vous voudrez bien nous fixer une nouvelle r��union....
-- Ce sera le plus t?t possible, messieurs, soyez tranquilles, dit Mayenne; demain peut-��tre, apr��s-demain au plus tard.
Et prenant effectivement cong�� d'eux, il les laissa tout ��tourdis de cette pr��voyance qui avait d��couvert un danger auquel ils n'avaient pas m��me song��.
Mais �� peine avait-il disparu qu'une porte cach��e dans la tapisserie s'ouvrit et qu'une femme s'��lan?a dans la salle.
-- La duchesse! s'��cri��rent les d��put��s.
-- Oui, messieurs! s'��cria-t-elle, et qui vient vous tirer d'embarras, m��me!
Les d��put��s qui connaissaient sa r��solution, mais qui en m��me temps craignaient son enthousiasme, s'empress��rent autour d'elle.
-- Messieurs, continua la duchesse en souriant, ce que n'ont pu faire les H��breux, Judith seule l'a fait; esp��rez, moi aussi, j'ai mon plan.
Et pr��sentant aux ligueurs deux blanches mains, que les plus galants bais��rent, elle sortit par la porte qui avait d��j�� donn�� passage �� Mayenne.
-- Tudieu! s'��cria Bussy-Leclerc en se l��chant les moustaches et en suivant la duchesse, je crois d��cid��ment que voil�� l'homme de la famille.
-- Ouf! murmura Nicolas Poulain en essuyant la sueur qui avait perl�� sur son front �� la vue de madame de Montpensier, je voudrais bien ��tre hors de tout ceci.

XXXIII
FR��RE BORROM��E
Il ��tait dix heures du soir �� peu pr��s: MM. les d��put��s s'en retournaient assez contrits, et �� chaque coin de rue qui les rapprochait de leurs maisons particuli��res, ils se quittaient en ��changeant leurs civilit��s.
Nicolas Poulain, qui demeurait le plus loin de tous, chemina seul et le dernier, r��fl��chissant profond��ment �� la situation perplexe qui lui avait fait pousser l'exclamation par laquelle commence le dernier paragraphe de notre dernier chapitre.
En effet, la journ��e avait ��t�� pour tout le monde, et particuli��rement pour lui, fertile en ��v��nements.
Il rentrait donc chez lui, tout frissonnant de ce qu'il venait d'entendre, et se disant que si l'Ombre avait jug�� �� propos de le pousser �� une d��nonciation du complot de Vincennes, Robert Briquet ne lui pardonnerait jamais de n'avoir pas r��v��l�� le plan de manoeuvre si na?vement d��velopp�� par Lachapelle-Marteau devant M. de Mayenne.
Au plus
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 103
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.