Les Quarante-cinq, vol 1 | Page 9

Alexandre Dumas, père
par son oeil rond et son nez crochu, s'approcha les deux mains pass��es dans sa ceinture de buffle; il ��tait v��tu d'une bonne casaque de laine tricot��e, portait sur ses jambes musculeuses un haut-de-chausse en peau de chamois, et une moustache naissante ombrageait sa l��vre �� la fois insolente et sensuelle.
-- C'est Militor, mon beau-fils, monsieur de Loignac, le fils a?n�� de ma femme, qui est une Chavantrade, parente des Loignac, Militor de Chavantrade, pour vous servir. Saluez donc, Militor.
Puis se baissant vers l'enfant qui se roulait en criant sur la route:
-- Tais-toi, Scipion, tais-toi, petit, ajouta-t-il tout en cherchant sa carte dans toutes ses poches.
Pendant ce temps, Militor, pour ob��ir �� l'injonction de son p��re, s'inclinait l��g��rement et sans sortir ses mains de sa ceinture.
-- Pour l'amour de Dieu, monsieur, votre carte! s'��cria Loignac, impatient��.
-- Venez ?a et m'aidez, Lardille, dit �� sa femme le Gascon tout rougissant.
Lardille d��tacha l'une apr��s l'autre les deux mains cramponn��es �� sa robe, et fouilla elle-m��me dans la gibeci��re et dans les poches de son mari.
-- Rien! dit-elle, il faut que nous l'ayons perdue.
-- Alors, je vous fais arr��ter, dit Loignac.
Le Gascon devint pale.
-- Je m'appelle Eustache de Miradoux, dit-il, et je me recommanderai de M. de Sainte-Maline, mon parent.
-- Ah! vous ��tes parent de Sainte-Maline, dit Loignac un peu radouci. Il est vrai que, si on les ��coutait, ils sont parents de tout le monde! eh bien, cherchez encore, et surtout cherchez fructueusement.
-- Voyez, Lardille, voyez dans les hardes de vos enfants, dit Eustache, tremblant de d��pit et d'inqui��tude.
Lardille s'agenouilla devant un petit paquet de modestes effets, qu'elle retourna en murmurant.
Le jeune Scipion continuait de s'��gosiller; il est vrai que ses fr��res de m��re, voyant qu'on ne s'occupait pas d'eux, s'amusaient �� lui entonner du sable dans la bouche.
Militor ne bougeait pas; on e?t dit que les mis��res de la vie de famille passaient au-dessous ou au-dessus de ce grand gar?on sans l'atteindre.
-- Eh! fit tout �� coup monsieur de Loignac; que vois-je l��-bas, sur la manche de ce dadais, dans une enveloppe de peau?
-- Oui, oui, c'est cela! s'��cria Eustache triomphant; c'est une id��e de Lardille, je me le rappelle maintenant; elle a cousu cette carte sur Militor.
-- Pour qu'il portat quelque chose, dit ironiquement de Loignac. Fi! le grand veau! qui ne tient m��me pas ses bras ballants, dans la crainte de porter ses bras.
Les l��vres de Militor bl��mirent de col��re, tandis que son visage se marbrait de rouge sur le nez, le menton et les sourcils.
-- Un veau n'a pas de bras; grommela-t-il avec de m��chants yeux, il a des pattes comme certaines gens de ma connaissance.
-- La paix! dit Eustache; vous voyez bien, Militor, que monsieur de Loignac nous fait l'honneur de plaisanter avec nous.
-- Non, pardioux! je ne plaisante pas, r��pliqua Loignac, et je veux au contraire que ce grand dr?le prenne mes paroles comme je les dis. S'il ��tait mon beau-fils, je lui ferais porter m��re, fr��re, paquet, et, corbleu! je monterais dessus le tout, quitte �� lui allonger les oreilles pour lui prouver qu'il n'est qu'un ane.
Militor perdit toute contenance, Eustache parut inquiet; mais sous cette inqui��tude per?ait je ne sais quelle joie de cette humiliation inflig��e �� son beau-fils.
Lardille, pour trancher toute difficult�� et sauver son premier-n�� des sarcasmes de M. de Loignac, offrit �� l'officier la carte, d��barrass��e de son enveloppe de peau.
M. de Loignac la prit et lut.
-- Eustache de Miradoux, 26 octobre, midi pr��cis, porte Saint-Antoine.
-- Allez donc, dit-il, et voyez si vous n'oubliez pas quelqu'un de vos marmots, beaux ou laids.
Eustache de Miradoux reprit le jeune Scipion entre ses bras, Lardille s'empoigna de nouveau �� sa ceinture, les deux enfants saisirent derechef la robe de leur m��re, et cette grappe de famille, suivie du silencieux Militor, alla se ranger pr��s de ceux qui attendaient apr��s l'examen subi.
-- La peste! murmura Loignac entre ses dents, en regardant Eustache de Miradoux et les siens faire leur ��volution, la peste de soldats que M. d'��pernon aura l��.
Puis se retournant:
-- Allons, �� vous! dit-il.
Ces paroles s'adressaient au quatri��me postulant.
Il ��tait seul et fort raide, r��unissant le pouce et le m��dium pour donner des chiquenaudes �� son pourpoint gris de fer et en chasser la poussi��re; sa moustache, qui paraissait faite de poils de chat, ses yeux verts et ��tincelants, ses sourcils dont l'arcade formait un demi-cercle saillant au-dessus de deux pommettes saillantes, ses l��vres minces enfin imprimaient �� sa physionomie ce type de d��fiance et de parcimonieuse r��serve auquel on reconna?t l'homme qui cache aussi bien le fond de sa bourse que le fond de son coeur.
-- Chalabre, 26 octobre, midi pr��cis, porte Saint-Antoine. C'est bon, allez! dit Loignac.
-- Il y aura des frais de route allou��s au voyage, je pr��sume, fit observer doucement le Gascon.
-- Je ne suis pas tr��sorier, Monsieur, dit s��chement
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