Les Quarante-cinq, vol 1 | Page 8

Alexandre Dumas, père
au contraire, si vous m'accordez ce que je vous demande, qui serez pay��, et cela au centuple des services que vous m'aurez rendus; laissez-moi donc vous servir, je vous prie en songeant que celui qui vous prie, a ordonn�� quelquefois.
Le jeune homme lui serra la main, ce qui ��tait bien familier pour un page; puis se retournant vers le groupe de cavaliers que nous connaissons d��j��:
-- Je passe, moi, dit-il, c'est le plus important; vous Mayneville, tachez d'en faire autant par quelque moyen que ce soit.
-- Ce n'est pas tout que vous passiez, r��pondit le gentilhomme; il faut qu'il vous voie.
-- Oh! soyez tranquille, du moment o�� j'aurai franchi cette porte, il me verra.
-- N'oubliez pas le signe convenu.
-- Deux doigts sur la bouche, n'est-ce pas?
-- Oui, maintenant que Dieu vous aide.
-- Eh bien, fit le ma?tre du cheval noir, -- mons le page, nous d��cidons- nous?
-- Me voici, ma?tre, r��pondit le jeune homme, et il sauta l��g��rement en croupe derri��re son compagnon qui alla rejoindre les cinq autres ��lus occup��s �� exhiber leurs cartes et �� justifier de leurs droits.
-- Ventre de biche! dit Robert Briquet qui les avait suivis des yeux, -- voil�� tout un arrivage de Gascons, ou le diable m'emporte!

III
LA REVUE
Cet examen que devaient passer nos six privil��gi��s que nous avons vus sortir des rangs du populaire pour se rapprocher de la porte, n'��tait ni bien long, ni bien compliqu��.
Il s'agissait de tirer une moiti�� de carte de sa poche et de la pr��senter �� l'officier, lequel la comparait �� une autre moiti��, et si, en la rapprochant, ces deux moiti��s s'embo?taient en faisant un tout, les droits du porteur de la carte ��taient ��tablis.
Le Gascon �� t��te nue s'��tait approch�� le premier. Ce fut en cons��quence par lui que la revue commen?a.
-- Votre nom? demanda l'officier.
-- Mon nom, monsieur l'officier? il est ��crit sur cette carte sur laquelle vous verrez encore autre chose.
-- N'importe! votre nom? r��p��ta l'officier avec impatience; ne savez-vous pas votre nom?
-- Si fait, je le sais; cap de Bious! et je l'aurais oubli�� que vous pourriez me le dire, puisque nous sommes compatriotes et m��me cousins.
-- Votre nom? mille diables! Croyez-vous que j'aie du temps �� perdre en reconnaissances?
-- C'est bon. Je me nomme Perducas de Pincornay.
-- Perducas de Pincornay? reprit M. de Loignac, �� qui nous donnerons d��sormais le nom dont l'avait salu�� son compatriote. Puis jetant les yeux sur la carte:
-- Perducas de Pincornay, 26 octobre 1585, �� midi pr��cis.
-- Porte Saint-Antoine, ajouta le Gascon en allongeant son doigt noir et sec sur la carte:
-- Tr��s bien! en r��gle: entrez, fit M. de Loignac pour couper court �� tout dialogue ult��rieur entre lui et son compatriote; �� vous maintenant, dit-il au second.
L'homme �� la cuirasse s'approcha.
-- Votre carte? demanda Loignac.
-- Eh quoi? monsieur de Loignac, s'��cria celui-ci, ne reconnaissez-vous pas le fils de l'un de vos amis d'enfance que vous avez fait sauter vingt fois sur vos genoux?
-- Non.
-- Pertinax de Montcrabeau, reprit le jeune homme avec ��tonnement; vous ne le reconnaissez pas?
-- Quand je suis de service, je ne reconnais personne, monsieur. Votre carte.
Le jeune homme �� la cuirasse tendit sa carte.
-- Pertinax de Montcrabeau, 26 octobre, midi pr��cis, porte Saint-Antoine. Passez.
Le jeune homme passa, et, un peu ��tourdi de la r��ception, alla rejoindre Perducas, qui attendait l'ouverture de la porte.
Le troisi��me Gascon s'approcha; c'��tait le Gascon �� la femme et aux enfants.
-- Votre carte? demanda Loignac.
Sa main ob��issante plonge aussit?t dans une petite gibeci��re de peau de ch��vre qu'il portait au c?t�� droit.
Mais ce fut inutilement: embarrass�� qu'il ��tait par l'enfant qu'il portait dans ses bras, il ne trouvait point le papier qu'on lui demandait.
-- Que diable faites-vous de cet enfant, monsieur? vous voyez bien qu'il vous g��ne.
-- C'est mon fils, monsieur de Loignac.
-- Eh bien! d��posez votre fils �� terre.
Le Gascon ob��it; l'enfant se mit �� hurler.
-- Ah ?a! vous ��tes donc mari��? demanda Loignac.
-- Oui, monsieur l'officier.
-- A vingt ans?
-- On se marie jeune chez nous, vous le savez bien, monsieur de Loignac, vous qui vous ��tes mari�� �� dix-huit.
-- Bon! fit Loignac, en voil�� encore un qui me conna?t.
La femme s'��tait approch��e pendant ce temps, et les enfants, pendus �� sa robe, l'avaient suivie.
-- Et pourquoi ne serait-il point mari��? demanda-t-elle en se redressant et en ��cartant de son front hal�� ses cheveux noirs que la poussi��re du chemin y fixait comme une pate; est-ce que c'est pass�� de mode de se marier �� Paris? Oui, monsieur, il est mari��, et voici encore deux autres enfants qui l'appellent leur p��re.
-- Oui, mais qui ne sont que les fils de ma femme, monsieur de Loignac, comme aussi ce grand gar?on qui tient derri��re; avancez, Militor, et saluez monsieur de Loignac, notre compatriote.
Un gar?on de seize �� dix-sept ans, vigoureux, agile et ressemblant �� un faucon
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