Les Quarante-cinq, vol 1 | Page 2

Alexandre Dumas, père
ressemblait �� la prudence d'un homme qui d��sire n'��tre point reconnu, son visage, cach�� derri��re sa large main, risquant seulement un oeil dont le regard per?ant dardait entre le m��dium et l'annulaire ��cart��s �� la distance strictement n��cessaire pour le passage du rayon visuel.
A c?t�� de ce singulier personnage, un petit homme, grimp�� sur une butte, causait avec un gros homme qui tr��buchait �� la pente de cette m��me butte, et se raccrochait �� chaque tr��buchement aux boutons du pourpoint de son interlocuteur.
C'��taient les deux autres bourgeois, formant, avec ce personnage assis, le nombre cabalistique trois, que nous avons annonc�� dans un des paragraphes pr��c��dents.
-- Oui, ma?tre Miton, disait le petit homme au gros; oui, je le dis et je le r��p��te, qu'il y aura cent mille personnes autour de l'��chafaud de Salc��de, cent mille au moins. Voyez, sans compter ceux qui sont d��j�� sur la place de Gr��ve, ou qui se rendent �� cette place des diff��rents quartiers de Paris, -- voyez, que de gens ici, et ce n'est qu'une porte. -- Jugez donc, puisqu'en comptant bien, nous en trouverions seize, des portes.
-- Cent mille, c'est beaucoup, comp��re Friard, r��pondit le gros homme; beaucoup, croyez-moi, suivront mon exemple, et n'iront pas voir ��carteler ce malheureux Salc��de, dans la crainte d'un hourvari, et ils auront raison.
-- Ma?tre Miton, ma?tre Miton, prenez garde, r��pondit le petit homme, vous parlez l�� comme un politique. Il n'y aura rien, absolument rien, je vous en r��ponds.
Puis, voyant que son interlocuteur secouait la t��te d'un air de doute:
-- N'est-ce pas, monsieur? continua-t-il en se retournant vers l'homme aux longs bras et aux longues jambes, qui, au lieu de continuer �� regarder du c?t�� de Vincennes, venait, sans ?ter sa main de dessus son visage, venait, disons-nous, de faire un quart de conversion et de choisir la barri��re pour point de mire de son attention.
-- Pla?t-il? demanda celui-ci, comme s'il n'e?t entendu que l'interpellation qui lui ��tait adress��e et non les paroles pr��c��dant cette interpellation qui avaient ��t�� adress��es au second bourgeois.
-- Je dis qu'il n'y aura rien en Gr��ve aujourd'hui.
-- Je crois que vous vous trompez, et qu'il y aura l'��cart��lement de Salc��de, r��pondit tranquillement l'homme aux longs bras.
-- Oui, sans doute; mais j'ajoute qu'il n'y aura aucun bruit �� propos de cet ��cart��lement.
-- Il y aura le bruit des coups de fouet que l'on donnera aux chevaux.
-- Vous ne m'entendez pas. Par bruit j'entends ��meute; or, je dis qu'il n'y aura aucune ��meute en Gr��ve: s'il avait d? y avoir ��meute, le roi n'aurait pas fait d��corer une loge �� l'H?tel-de-Ville pour assister au supplice avec les deux reines et une partie de la cour.
-- Est-ce que les rois savent jamais quand il doit y avoir des ��meutes? dit en haussant les ��paules, avec un air de souveraine piti��, l'homme aux longs bras et aux longues jambes.
-- Oh! oh! fit ma?tre Miton en se penchant �� l'oreille de son interlocuteur, voil�� un homme qui parle d'un singulier ton: le connaissez- vous, comp��re?
-- Non, r��pondit le petit homme.
-- Eh bien, pourquoi lui parlez-vous donc alors?
-- Je lui parle pour lui parler.
-- Et vous avez tort; vous voyez bien qu'il n'est point d'un naturel causeur.
-- Il me semble cependant, reprit le comp��re Friard assez haut pour ��tre entendu de l'homme aux longs bras, qu'un des grands bonheurs de la vie est d'��changer sa pens��e.
-- Avec ceux qu'on conna?t, tr��s bien, r��pondit ma?tre Miton, mais non avec ceux que l'on ne conna?t pas.
-- Tous les hommes ne sont-ils pas fr��res? comme dit le cur�� de Saint-Leu, ajouta le comp��re Friard d'un ton persuasif.
-- C'est-��-dire qu'ils l'��taient primitivement; mais, dans des temps comme les n?tres, la parent�� s'est singuli��rement relach��e, comp��re Friard. Causez donc avec moi, si vous tenez absolument �� causer, et laissez cet ��tranger �� ses pr��occupations.
-- C'est que je vous connais depuis longtemps, vous, comme vous dites, et je sais d'avance ce que vous me r��pondrez, tandis qu'au contraire peut- ��tre cet inconnu aurait-il quelque chose de nouveau �� me dire.
-- Chut! il vous ��coute.
-- Tant mieux, s'il nous ��coute; peut-��tre me r��pondra-t-il. Ainsi donc, monsieur, continua le comp��re Friard en se tournant vers l'inconnu, vous pensez qu'il y aura du bruit en Gr��ve?
-- Moi, je n'ai pas dit un mot de cela.
-- Je ne pr��tends pas que vous l'ayez dit, continua Friard d'un ton qu'il essayait de rendre fin; je pr��tends que vous le pensez, voil�� tout.
-- Et sur quoi appuyez-vous cette certitude? seriez-vous sorcier, monsieur Friard?
-- Tiens! il me conna?t! s'��cria le bourgeois au comble de l'��tonnement, et d'o�� me conna?t-il?
-- Ne vous ai-je pas nomm�� deux ou trois fois, comp��re? dit Miton en haussant les ��paules comme un homme honteux devant un ��tranger du peu d'intelligence de son interlocuteur.
-- Ah! c'est vrai, reprit Friard, faisant un effort pour comprendre, et comprenant, grace
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