en
verrez de ma manière qui ne vous déplairont pas.
- Cathos -
Pour moi, j'aime terriblement les énigmes.
- Mascarille -
Cela exerce l'esprit, et j'en ai fait quatre encore ce matin, que je vous
donnerai à deviner.
- Madelon -
Les madrigaux sont agréables, quand ils sont bien tournés.
- Mascarille -
C'est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux toute
l'histoire romaine.
- Madelon -
Ah ! certes, cela sera du dernier beau : j'en retiens un exemplaire au
moins, si vous le faites imprimer.
- Mascarille -
Je vous en promets à chacune un, et des mieux reliés. Cela est
au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à
gagner aux libraires, qui me persécutent.
- Madelon -
Je m'imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé.
- Mascarille -
Sans doute. Mais, à propos, il faut que je vous die un impromptu que je
fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je suis
diablement fort sur les impromptus.
- Cathos -
L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit.
- Mascarille -
Ecoutez donc.
- Madelon -
Nous y sommes de toutes nos oreilles.
- Mascarille -
Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde : tandis que, sans songer à mal, je
vous regarde, votre oeil en tapinois me dérobe mon coeur ; Au voleur !
au voleur ! au voleur ! au voleur !
- Cathos -
Ah ! mon Dieu, voilà qui est poussé dans le dernier galant.
- Mascarille -
Tout ce que je fais a l'air cavalier ; cela ne sent point le pédant.
- Madelon -
Il en est éloigné de plus de deux mille lieues.
- Mascarille -
Avez-vous remarqué ce commencement : "Oh ! oh !" voilà qui est
extraordinaire : "oh ! oh !" Comme un homme qui s'avise tout d'un
coup, "oh ! oh !" La surprise, "oh ! oh !"
- Madelon -
Oui, je trouve ce "oh ! oh !" admirable.
- Mascarille -
Il semble que cela ne soit rien.
- Cathos -
Ah ! mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont là de ces sortes de choses qui
ne se peuvent payer.
- Madelon -
Sans doute ; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh ! oh !" qu'un poème
épique.
- Mascarille -
Tudieu ! vous avez le goût bon.
- Madelon -
Hé ! je ne l'ai pas tout à fait mauvais.
- Mascarille -
Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde " ? "Je n'y
prenais pas garde", je ne m'apercevais pas de cela : façon de parler
naturelle : "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer à mal",
tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton ; "je
vous regarde", c'est-à-dire, je m'amuse à vous considérer, je vous
observe, je vous contemple ; "votre oeil en tapinois..." Que vous semble
de ce mot "tapinois" ? n'est-il pas bien choisi ?
- Cathos -
Tout à fait bien.
- Mascarille -
"Tapinois", en cachette ; il semble que ce soit un chat qui vienne de
prendre une souris : "tapinois".
- Madelon -
Il ne se peut rien de mieux.
- Mascarille -
"Me dérobe mon coeur", me l'emporte, me le ravit. "Au voleur ! au
voleur ! au voleur ! au voleur !" Ne diriez-vous pas que c'est un homme
qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter ? "Au voleur ! au
voleur ! au voleur ! au voleur !"
- Madelon -
Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant.
- Mascarille -
Je veux vous dire l'air que j'ai fait dessus.
- Cathos -
Vous avez appris la musique ?
- Mascarille -
Moi ? Point du tout.
- Cathos -
Et comment donc cela se peut-il ?
- Mascarille -
Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris.
- Madelon -
Assurément, ma chère.
- Mascarille -
Ecoutez si vous trouverez l'air à votre goût. "Hem, hem, la, la, la, la, la".
La brutalité de la saison a furieusement outragé la délicatesse de ma
voix ; mais il n'importe, c'est à la cavalière.
(Il chante.)
Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde, etc.
- Cathos -
Ah ! que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu'on n'en meurt point ?
- Madelon -
Il y a de la chromatique là dedans.
- Mascarille -
Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? "Au
voleur ! au voleur !" Et puis, comme si l'on criait bien fort : "au, au, au,
au, au, voleur !" Et tout d'un coup, comme une personne essoufflée :
"au voleur !"
-
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