Les Origines et la Jeunesse de Lamartine | Page 4

Pierre de Lacretelle
le nom patronymique sont le meilleur témoignage de cette évolution commune à la majorité des familles de la région.
C'est ainsi qu'au milieu du XVIe siècle le chef de la famille était humble tanneur à Cluny; son fils, plus tard, fut un bourgeois influent de la ville et, à ce titre, chargé de présenter aux états du Maconnais les revendications du tiers; et tous signaient Alamartine. Au début du XVIIe siècle, son petit-fils remplissait les importantes fonctions de juge-mage et capitaine de l'abbaye de Cluny; quelques années après, il acquit la noblesse--noblesse de robe--par l'achat d'une charge de secrétaire du roi puis, par une ascension toute naturelle, ses fils acquirent des terres nobles, prirent l'épée, et virent alors s'ouvrir devant eux les chambres de la noblesse aux états de Bourgogne; le nom devint de la Martine.
Le poète, pourtant, se montra toujours fort peu soucieux de ses origines; ses armes, même enregistrées avec tant de soin par son bisa?eul à l'Armorial général, étaient timbrées par lui d'une fa?on fantaisiste; alors qu'à la fin du XVIIe siècle les Lamartine portaient: ?de gueule à deux fasces d'or chargé d'un trèfle de même?, il substitua, on ne sait pourquoi, des bandes aux fasces[5]; question purement esthétique, sans doute, mais qui prouve à quel point la science héraldique le préoccupait peu; de même, à ceux qui l'interrogeaient, il répondait invariablement qu'il descendait ?d'une famille noble et catholique du Maconnais?.
[Note 5: Dans l'Armorial général de d'Hozier, établi en 1696, on voit que les Lamartine portaient: ?de gueules à deux fasces d'or, accompagnées en coeur d'un trèfle de même?. La branche cadette de Montceau ?brisait en chef d'un lambel d'argent?. Le cachet de Lamartine, que nous avons pu voir, ne porte pas de lambel, puisque la branche a?née était éteinte à la fin du XVIIIe siècle, et les ?fasces? ont été remplacées par des ?bandes?.]
Mais si tous ces petits détails le laissaient indifférent, il n'en allait pas de même de son grand-père, Louis-Fran?ois de la Martine qui, fort entiché de noblesse, fit admettre dans des actes officiels du milieu du XVIIIe siècle plusieurs généalogies assez inexactes de sa famille[6]. Mais il avait l'excuse de vivre à une époque où les titres décidaient plus que les mérites. Pour faire admettre ses filles dans des chapitres nobles et ses fils dans des régiments d'élite, il fut donc contraint de fournir les titres requis par les statuts. Sa noblesse était incontestable, mais trop récente; c'est alors que, pour satisfaire aux règlements, il se créa des ancêtres plus ou moins authentiques. Très inhabilement, d'ailleurs, il fit subir aux registres paroissiaux des grattages et des lavages chimiques, rendus parfaitement visibles par le contraste des encres et des écritures, et il faut croire que les deux gentilshommes chargés de la vérification des pièces furent tolérants. Partout où cela fut possible, les ?chevalier?, ?messire?, ?noble seigneur? remplacèrent les ?maistre?; l'A de Alamartine se transforma en ?de? au moyen de quelques grattages et l'on profita même de ce qu'un ancêtre avait été marié deux fois pour donner un quartier de plus à la noblesse familiale.
[Note 6: Il existe, à notre connaissance, au moins trois de ces généalogies. L'une figure à la Bibliothèque Nationale (Manuscrits, ancien fonds fran?ais) et occupe les pages 1-5 du vol. 790 de la collection Moreau (t. XXXIII de l'ancien recueil Fontette). Elle a été publiée par nous dans la Revue des Annales romantiques, fasc. V de l'année 1905. La seconde figure au ministère de la Guerre. La troisième se trouve aux Archives de Sa?ne-et-Loire, et a été publiée par M. Reyssié: la Jeunesse de Lamartine, in-18, 1892, p. 9.]
Néanmoins, malgré ces falsifications plus courantes à l'époque qu'on ne le croit ordinairement, il est possible de reconstituer la généalogie exacte de la famille de Lamartine, à l'aide d'autres documents tels que les registres du bailliage, ceux-là authentiques, et d'une autorité incontestable.
Au début du XVIe siècle, les Alamartine vinrent s'établir à Cluny, sur les dépendances de la célèbre abbaye qui faisait vivre toute une population, et où le premier d'entre eux dont on trouve mention vivait en 1550, exer?ant la modeste profession de tanneur cordonnier. Avec son prénom--Beno?t--c'est là tout ce qu'on sait de lui, mais ses enfants nous sont un peu mieux connus [7].
[Note 7: M. Abel Jeandet (Annales de l'Académie de Macon, 2e série, t. V, p. 117) a publié un acte en date du 14 octobre 1544, concernant un Estienne Alamartine, ?bourgeois et marchand de Cluny?, propriétaire à Azé. Il s'agit là sans doute d'un frère de Beno?t, ou peut-être de son père, mais il nous a été impossible de l'identifier de fa?on certaine.]
Il eut une fille, Fran?oise, mariée le 4 janvier 1587 à Claude Tuppinier[8], et trois fils. L'a?né, Gabriel, fut notaire au bailliage de Macon, par provisions du 15 septembre 1573, et épousa une demoiselle Claude Morestel dont il
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