bati par Robert Bruce, n'étaient même pas visibles à travers les rayures obliques de la pluie.
Le Prince de Galles s'arrêta à l'embarcadère d'Alloa pour déposer quelques voyageurs. James Starr eut le coeur serré en passant, après dix ans d'absence, près de cette petite ville, siège d'exploitation d'importantes houillères qui nourrissaient toujours une nombreuse population de travailleurs. Son imagination l'entra?nait dans ce sous-sol, que le pic des mineurs creusait encore à grand profit. Ces mines d'Alloa, presque contigu?s à celles d'Aberfoyle, continuaient à enrichir le comté, tandis que les gisements voisins, épuisés depuis tant d'années, ne comptaient plus un seul ouvrier !
Le steam-boat, en quittant Alloa, s'enfon?a dans les nombreux détours que fait le Forth sur un parcours de dix-neuf milles. Il circulait rapidement entre les grands arbres des deux rives. Un instant, dans une éclaircie, apparurent les ruines de l'abbaye de Cambuskenneth, qui date du XIIe siècle. Puis, ce furent le chateau de Stirling et le bourg royal de ce nom, où le Forth, traversé par deux ponts, n'est plus navigable aux navires de hautes matures.
A peine le Prince de Galles avait-il accosté, que l'ingénieur sautait lestement sur le quai. Cinq minutes après, il arrivait à la gare de Stirling. Une heure plus tard, il descendait du train à Callander, gros village situé sur la rive gauche du Teith.
Là, devant la gare, attendait un jeune homme, qui s'avan?a aussit?t vers l'ingénieur.
C'était Harry, le fils de Simon Ford.
[1] Principale et célèbre rue du vieil édimbourg.
III
Le sous-sol du Royaume-Uni
Il est convenable, pour l'intelligence de ce récit, de rappeler en quelques mots quelle est l'origine de la houille.
Pendant les époques géologiques, lorsque le sphéro?de terrestre était encore en voie de formation, une épaisse atmosphère l'entourait, toute saturée de vapeurs d'eau et largement imprégnée d'acide carbonique. Peu à peu, ces vapeurs se condensèrent en pluies diluviennes, qui tombèrent comme si elles eussent été projetées du goulot de quelques millions de milliards de bouteilles d'eau de Seltz. C'était, en effet, un liquide chargé d'acide carbonique qui se déversait torrentiellement sur un sol pateux, mal consolidé, sujet aux déformations brusques ou lentes, à la fois maintenu dans cet état semi-fluide autant par les feux du soleil que par les feux de la masse intérieure. C'est que la chaleur interne n'était pas encore emmagasinée au centre du globe. La cro?te terrestre, peu épaisse et incomplètement durcie, la laissait s'épancher à travers ses pores. De là, une phénoménale végétation, -- telle, sans doute, qu'elle se produit peut-être à la surface des planètes inférieures, Vénus ou Mercure, plus rapprochées que la terre de l'astre radieux.
Le sol des continents, encore mal fixé, se couvrit donc de forêts immenses; l'acide carbonique, si propre au développement du règne végétal, abondait. Aussi les végétaux se développaient-ils sous la forme arborescente. Il n'y avait pas une seule plante herbacée. C'étaient partout d'énormes massifs d'arbres, sans fleurs, sans fruits, d'un aspect monotone, qui n'auraient pu suffire à la nourriture d'aucun être vivant. La terre n'était pas prête encore pour l'apparition du règne animal.
Voici quelle était la composition de ces forêts antédiluviennes. La classe des cryptogames vasculaires y dominait. Les calamites, variétés de prêles arborescentes, les lépidodendrons, sortes de lycopodes géants, hauts de vingt-cinq ou trente mètres, larges d'un mètre à leur base, des astérophylles, des fougères, des sigillaires de proportions gigantesques, dont on a retrouvé des empreintes dans les mines de Saint-étienne -- toutes plantes grandioses alors, auxquelles on ne reconna?trait d'analogues que parmi les plus humbles spécimens de la terre habitable --, tels étaient, peu variés dans leur espèce, mais énormes dans leur développement, les végétaux qui composaient exclusivement les forêts de cette époque.
Ces arbres noyaient alors leur pied dans une sorte d'immense lagune, rendue profondément humide par le mélange des eaux douces et des eaux marines. Ils s'assimilaient avidement le carbone qu'ils soutiraient peu à peu de l'atmosphère, encore impropre au fonctionnement de la vie, et on peut dire qu'ils étaient destinés à l'emmagasiner, sous forme de houille, dans les entrailles mêmes du globe.
En effet, c'était l'époque des tremblements de terre, de ces secouements du sol, dus aux révolutions intérieures et au travail plutonique, qui modifiaient subitement les linéaments encore incertains de la surface terrestre. Ici, des intumescences qui devenaient montagnes; là, des gouffres que devaient emplir des océans ou des mers. Et alors, des forêts entières s'enfon?aient dans la cro?te terrestre, à travers les couches mouvantes, jusqu'à ce qu'elles eussent trouvé un point d'appui, tel que le sol primitif des roches granito?des, ou que, par le tassement, elles formassent un tout résistant.
En effet, l'édifice géologique se présente suivant cet ordre dans les entrailles du globe : le sol primitif, que surmonte le sol de remblai, composé des terrains primaires, puis les terrains secondaires dont les gisements houillers occupent l'étage inférieur, puis les terrains tertiaires, et au-dessus, le terrain des alluvions anciennes et
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