Les Grandes Dames | Page 3

Arsène Houssaye
est la fille d'une grande dame, sans avoir toutes les vertus de son emploi. De m��me qu'il serait trop cruel de na?tre avec tous les dons de la beaut��, de la grace, de l'esprit, sans devenir une grande dame, parce qu'on ne serait pas la fille d'une duchesse ni m��me d'une baronne.
Il y a donc des grandes dames partout, depuis le faubourg Saint-Germain jusqu'au faubourg du Temple.
Mais comment la pl��b��ienne qui na?t grande dame prendra-t-elle sa place au soleil? Par le hasard des choses; peut-��tre lui faudra-t-il traverser le luxe des courtisanes; mais, un jour ou l'autre, si elle le veut bien, elle ��cart��lera d'argent sur champ de gueules. C'est l'amour qui la remettra dans son chemin, ce sera une grande dame de la main gauche, mais ce sera une grande dame. Quand Mlle Rachel entrait dans un salon, c'��tait une grande dame; combien de princesses qui venaient �� sa suite, et qui ne semblaient que des princesses de th��atre!
La grande dame finit o�� commence la femme comme il faut, qui elle-m��me finit o�� commence le demi-monde.
On na?t grande dame comme on na?t po��te; mais, pour cela, il ne faut pas toujours na?tre d'une patricienne. Il faut bien laisser �� la cr��ation ses impr��vus et ses transfigurations; il faut bien que la nature donne de perp��tuelles le?ons �� l'orgueil humain. Les grandes dames sont presque toujours des filles de race; mais quelques-unes pourtant, n��es pl��b��iennes, l��vent leur ��pi d'or de pur froment au milieu du champ de seigle.
Les anciennes aristocraties ont gard�� le privil��ge de faire les grandes dames. Les nouvelles en font aussi, mais avec plus d'alliage. Ce n'est pas �� la premi��re g��n��ration que la race s'accuse; elle resplendit �� la seconde; souvent, �� la troisi��me, elle se perd. C'est l'histoire de ces vins, rudes �� la premi��re p��riode, exquis �� la seconde, et qui vont se d��pouillant trop vite �� la troisi��me. C'est la loi de l'humanit��, comme c'est la loi de la nature.
Dieu lui-m��me ne cr��e pas un chef-d'oeuvre du premier coup; il commence, comme tous les artistes, par l'��bauche.
Voil�� pourquoi la grande dame est un oiseau rare. O�� est le merle blanc? Les familles qui ont fait leur temps n'ont plus le privil��ge de frapper leur marque; elles se sont ��tiol��es, comme les plus belles fleurs qui ne donnent plus que des tiges palies, o�� la s��ve s'��puise. Toutes les forces de la cr��ation, dans son action la plus divine, n'arrivent pas �� cr��er dans le monde entier cent grandes dames par an. Et combien qui meurent petites filles! Et combien qui font l'��cole buissonni��re avant d'arriver �� la beaut�� souveraine du corps et de l'ame!
AR--H--YE.

LES GRANDES DAMES
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LIVRE I
MONSIEUR DON JUAN
* * * * *
I
C'EST ��CRIT SUR LES FEUILLES DU BOIS DE BOULOGNE
Les curieuses des bords du Lac se demandaient ce jour-l�� avec inqui��tude pourquoi M. de Parisis n'avait pas encore paru?
Jean-Octave de Parisis, surnomm�� Don Juan de Parisis, ��tait un homme du plus beau monde parisien;--un dilettante partout, �� l'Op��ra, �� la Com��die-Fran?aise, dans l'atelier des artistes;--un virtuose quand il conduisait son breack victorieux, quand il jouait au baccarat, quand il pariait aux courses, quand il pr��chait l'ath��isme, quand il donjuanisait avec les femmes.
C'est un quasi-ambassadeur. Aussi, selon les perspectives, disait-on:--C'est un homme s��rieux,--ou:--C'est un d��soeuvr��.
Les femmes disaient: ?Il porte l'Enfer avec lui.?
Le duc de Parisis n'��tait pas au bord du Lac, parce qu'il se promenait �� cheval dans l'avenue de la Muette. Il avait pris le chemin des ��coliers pour suivre un landau �� huit ressorts. C'est que dans ce landau il voyait une jeune fille qu'il n'avait jamais rencontr��e, lui qui connaissait toutes les femmes et toutes les jeunes filles du beau Paris, comme Th��ophile Gautier connaissait toutes les figures du Louvre.
Cette jeune fille ��tait accompagn��e d'une dame en cheveux blancs qui avait grand air. Toutes deux descendirent de voiture pour se promener dans une all��e solitaire, en femmes qui ne vont au Bois que pour le bois.
La dame en cheveux blancs s'appuya au bras de la jeune fille, qui, toute pensive et toute silencieuse, effeuillait les feuilles s��ches et rouill��es des branches de ch��ne. Octave ne regardait pas la vieille dame; il n'avait d'yeux que pour la jeune fille.
Elle ��tait belle comme la beaut��:--grande, souple, blanche, un profil de vierge antique, une chaste d��sinvolture, je ne sais quoi de flexible et de bris�� d��j�� comme le roseau apr��s l'orage;--une gerbe de cheveux blonds, des yeux noirs et doux--regards fiers et caressants �� la fois;--un sourire encore candide, mais d��j�� f��minin, expression de la jeunesse, qui ne sait rien que Dieu, mais qui cherche Satan:--une vraie femme transper?ant �� travers la jeune fille.
M. de Parisis, qui venait de voir aux Champs-��lys��es quelques demoiselles �� la mode, fut ��mu de cette rencontre et murmura �� mi-voix: ?Comme on serait
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